Bientôt la fin des postes à temps plein?

Publié le 01/03/2019 à 08:58

Bientôt la fin des postes à temps plein?

Publié le 01/03/2019 à 08:58

Une autre intelligence s'apprête à supplanter la vôtre... Photo: DR

C’est une bombe! Une bombe dévastatrice : l’emploi que vous avez aujourd’hui a de très fortes chances de voler en éclats d’ici une poignée d’années, car telle est la volonté de votre employeur. C’est du moins ce qui ressort d’une étude fracassante intitulée Global talent trends 2019 et signée par le cabinet-conseil en ressources humaines Mercer.

Ainsi, 77% des employeurs canadiens prévoient de «grandes transformations» au sein de leur entreprise d’ici les trois prochaines années. Ce qui correspond à un bond spectaculaire de 28 points de pourcentage par rapport à 2018. Et ce qui montre bien qu’il n’y a pas de place au doute : des changements majeurs arrivent, à grands pas.

Quels changements, au juste? Asseyez-vous bien avant de lire ce qui suit. Vraiment bien, j’insiste:

– Priorité absolue aux robots intelligents. 53% des employeurs canadiens entendent s’équiper en robots et/ou en intelligence artificielle (IA) dès cette année, histoire de pallier la pénurie de talents actuelle. Ce qui est du jamais vu.

– 1 employé sur 5 dans la mire. 1 employeur canadien sur 2 pense remplacer 20% de leur main-d’œuvre par des robots intelligents d’ici 2022.

– Les baby-boomers au cœur de la cible. Les 55 ans et plus seront, de loin, les plus touchés par le phénomène. Car «les tâches accomplies par ces employés-là sont les plus aisément automatisables, 50% d’entre elles pouvant d’ailleurs être effectuées aujourd’hui même par un robot intelligent existant», indique l’étude.

Renversant, n’est-ce pas? C’est clair, les changements sont bel et bien imminents et conséquents…

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Une interrogation saute aux yeux : ces bouleversements vont-ils vraiment être bénéfiques aux employeurs qui les envisagent le plus sérieusement du monde? Eh bien, l’étude y répond, mais à l’aide d’une réponse qui fait froid dans le dos :

– Un flou total. 3 employeurs sur 5 n’ont aucune idée de l’incidence que pourra avoir leur stratégie d’acquisition d’IA sur la performance de leur entreprise. Quant aux autres, ils se contentent d’affirmer qu’ils en ont une «bonne idée», sans donner le moindre détail à ce sujet. Autrement dit, ils sont tous dans le plus grand flou quant à la pertinence réelle de miser leur avenir sur l’IA.

Les experts de Mercer ne se sont pas contentés de ce flou, ils ont pris l’heureuse initiative de creuser l’impact que pourrait avoir l’avènement de l’IA dans un secteur précis, celui des ressources humaines (RH), afin de visualiser les transformations potentielles à venir.

Qu’entendent, donc, faire les employeurs intéressés par les robots intelligents en matière de RH? Voici leurs réponses, sous la forme d’un Top 5 :

1. Implanter un chatbot – ces robots intelligents qui répondent au téléphone à n’importe quelle question de manière si juste et vraie qu’on les prend souvent pour des humains – à même de fournir des réponses appropriées aux interrogations des employés.

2. Demander à une IA d’analyser le comportement de chaque employé pour leur indiquer le plus vite possible l’identité de ceux qui présentent le risque de partir travailler ailleurs.

3. Demander à une IA d’identifier les meilleurs candidats – à l’interne comme à l’externe – pour les postes à combler, et d’échafauder pour chacun d’eux l’évolution de carrière susceptible de les fidéliser durant de longues années, si jamais ils étaient choisis.

4. Demander à une IA d’identifier les mesures managériales à prendre pour booster la productivité de l’entreprise.

5. Demander à une IA de maximiser la gestion des paies. Par exemple, en personnalisant la rémunération de chaque employé, ou encore en ajustant la grille salariale à celles de la concurrence.

On le voit bien, les RH pourraient changer de visage en un clin d’œil. Et ce n’est là qu’un exemple parmi d’autres, un exemple qui montre à quel point les employeurs canadiens sont disposés à bouleverser le quotidien au travail de leurs employés.

D’ailleurs, l’étude annonce l’avènement d’une autre révolution que celle de l’IA : la fin prochaine – qui sait? – du temps plein! Si, si…

En effet, 79% des employeurs disent s’apprêter à supprimer «un nombre substantiel» de postes à temps plein pour confier le travail à des pigistes et autres contractuels, «d’ici les prochaines années». Autrement dit, 4 entreprises sur 5 sont en train de planifier la suppression progressive, voire brutale, des postes à temps plein. On ne peut être plus clair.

Les données récoltées par Mercer permettent d’identifier les secteurs d’activités qui sont appelés à être les plus concernés par cette vaste opération de fauchage des postes à temps plein :

1. Automobile (97% des employeurs disent envisager sérieusement cette opération)

2. Biens de consommation (96%)

3. Sciences de la vie (90%)

4. Assurance (86%)

5. Technologie (83%)

6. Services financiers (80%)

7. Énergie (77%)

8. Santé (59%)

9. Commerce de détail (50%)

Ça y est, vous tremblez? Peut-être sentez-vous la panique vous gagner? Je vous rassure, c’est tout à fait normal : l’étude montre que d’ores et déjà nombre d’employés canadiens ont le pressentiment de ce qui les attend. De fait :

– 2 employés sur 3 se disent inquiets quant à leur avenir professionnel, car, à leurs yeux, l’arrivée des robots intelligents aura inévitablement un impact négatif sur leur carrière.

– 1 employé sur 4 pense même qu’il va finir par perdre son emploi, après avoir été supplanté par un robot intelligent.

Qu’est-ce qui pourrait les rassurer? Il suffirait d’un signe positif envoyé par leur employeur. Plus précisément, de gestes concrets témoignant de son attachement à leur égard.

Interrogés à ce sujet, les employés canadiens ont quelques suggestions simples :

– Efficacité. Ils aimeraient que leur employeur leur fournisse les outils et les ressources dont ils ont besoin pour être en mesure de donner leur 110%, à tout le moins d’exprimer tout leur potentiel.

– Autonomie. Ils adoreraient que leur employeur leur permette de prendre eux-mêmes des décisions. Ce qui serait – pour eux comme pour l’entreprise – un gain de temps considérable par rapport au processus actuel, qui nécessite l’obtention d’une multitude de feux verts avant le moindre passage à l’action.

– Formation. Ils apprécieraient avoir accès à des programmes de formation à même de les doter des compétences nécessaires en ce début de XXIe siècle. Car cela serait un gage pour leur avenir professionnel, et donc, le signe d’un réel attachement de leur employeur.

Mais voilà, il y a là un gros problème. Un très gros problème. Les experts de Mercer ont soumis ces suggestions aux employeurs afin d’analyser leur réaction. Résultat? Asseyez-vous encore mieux que tout à l’heure, je vous en prie : seulement 2% d’entre eux se disent prêts à agir pleinement en ce sens.

Oui, 2%.

Tout est dit.

Les emplois que nous avons connus sont en train de muter, peut-être même de disparaître. Ils viennent tout juste d’amorcer leur implosion, sous nos yeux ébahis. Et personne ne sait ce qui en résultera. Personne. Pas même ceux qui ont le doigt sur le détonateur.

Cela étant, rien ne dit que l’irréparable est sur le point d’être commis. Non, rien. Pas même l’étude de Mercer, laquelle souligne qu’il convient de ne jamais oublier que nous sommes tous à l’ère non pas de la technologie, mais bel et bien de l’humain:

«Lorsqu’on prend un peu de recul et analyse les données qui ressortent de nos précédentes études annuelles sur les tendances mondiales en talents, on note quelque chose de fondamental : la clé du succès des organisations repose avant tout sur les connexions humaines, note l’étude. C’est à partir du moment où les employés partagent les mêmes valeurs et la même vision et où les échanges entre eux sont optimaux que la performance est au rendez-vous; et ce, peu importe le degré d’avancement technologique de l’organisation en question.»

Bref, à trop miser sur la technologie et à moins miser sur l’humain, les employeurs filent droit dans le mur. Ça ne fait pas l’ombre d’un doute. À ceci près que tout pourrait changer si jamais ils le réalisaient à temps, s’ils saisissaient (enfin) que le cerveau n’est rien sans le cœur…

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Espressonomie

Un rendez-vous hebdomadaire dans Les affaires et Lesaffaires.com, dans lequel Olivier Schmouker éclaire l'actualité économique à la lumière des grands penseurs d'hier et d'aujourd'hui, quitte à renverser quelques idées reçues.

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