Télécoms : la menace Verizon

Publié le 03/08/2013 à 00:00, mis à jour le 12/08/2013 à 16:06

Télécoms : la menace Verizon

Publié le 03/08/2013 à 00:00, mis à jour le 12/08/2013 à 16:06

Viendra, ne viendra pas, Verizon, au Canada ?

C'est la question qui court depuis quelques semaines dans le secteur des télécommunications, tandis que les titres des grands acteurs sont presque tous sous pression.

Depuis plusieurs années, l'espoir des autorités de réglementation est d'avoir une concurrence à quatre joueurs, si ce n'est nationalement, du moins dans la plupart des marchés au pays. Les prix sont jugés trop élevés. Il y a une question de territoire et de densité de population, mais il y aurait aussi une question d'oligopole et de manque de concurrence.

À l'exception du cas de Québecor, l'octroi de spectre à de nouveaux concurrents a été un échec total. Wind et Mobilicity sont aujourd'hui à vendre (et justement réputées discuter avec Verizon) parce qu'elles n'ont plus les capacités financières nécessaires pour lutter.

Verizon pourrait-elle économiquement réussir, là où tant d'autres ont échoué ?

Les forces de la concurrente potentielle

À n'en pas douter, c'est un colosse. Ses ratios d'endettement sont relativement faibles, et ses capacités financières, énormes. Sa valeur boursière totalise presque le double des capitalisations additionnées de BCE, Rogers et Telus.

L'entreprise pourrait en outre avoir des coûts d'exploitation plus faibles que ses prédécesseures en utilisant ses bureaux de facturation aux États-Unis et ses centres d'appels existants, tout en faisant jouer son pouvoir d'achat d'appareils.

Elle jouirait même d'un avantage concurrentiel important sur le marché des utilisateurs qui traversent la frontière.

Est-ce suffisant ?

Pas sûr. Le marché transfrontalier, qui semble un grand avantage, à première vue, n'est en réalité pas énorme (6 % des revenus totaux de l'industrie, selon Canaccord Genuity). Il n'est pas non plus généré par les grandes entreprises, mais par de multiples voyageurs occasionnels, qui ne feront pas de leur escapade aux États-Unis un critère de choix de fournisseur.

Les avantages semblent donc limités.

L'américaine devra pendant ce temps faire face au même grand désavantage que ses prédécesseures : l'incapacité à offrir des bouquets. Les nouveaux arrivants dans le sans-fil sont morts parce qu'ils n'avaient pas de capacités financières suffisantes, mais aussi parce qu'ils n'avaient pas la possibilité d'ajouter d'autres services à leur offre sans fil (télé, Internet, téléphonie traditionnelle).

À produits et à prix égaux, beaucoup de gens préfèrent traiter avec un seul fournisseur. C'est pour cette raison qu'il existe tant de forfaits de ce type.

Tous savent que le sans-fil est l'avenir, et pour cette raison, on peut être quasi assuré que les grands joueurs se battront bec et ongles pour ne pas perdre de parts de marché. BCE, Telus, Rogers et Québecor chercheront à égaler les prix décrétés par Verizon. Conséquence : il ne lui sera pas très facile de gagner des parts de marché. À prix identiques, les clients préféreront généralement rester avec leur fournisseur.

Si Verizon venait quand même

Pas concluant comme plan d'affaires, donc. Et c'est pour cela que l'on ne croit pas personnellement que Verizon viendra.

Mais si elle s'amenait quand même, quels seraient les dommages ?

On l'a vu plus haut, Verizon risque d'avoir du (sans) fil à retordre pour prendre des parts de marché. Si elle s'amène, c'est qu'elle aura alors décidé d'utiliser l'arme fatale : ses poches profondes. Elle cassera fortement les prix. Les pertes seront colossales les premières années, mais elle fera le pari qu'après coup, une fois installée, elle pourra laisser remonter les prix et le jeu en aura valu la chandelle.

À l'exception de Québecor, les cours boursiers des sociétés de téléphonie ont déjà été secoués par anticipation. Ceux de Telus et de Rogers, particulièrement, tandis que le bénéfice du sans-fil représente pour eux de 60 % à 65 % du bénéfice total (38 % pour Bell).

Dans une récente analyse, sur la base des bénéfices anticipés en 2015, Vince Valentini, de Valeurs mobilières TD, estime que dans le pire de ses scénarios, le titre de BCE (42,93 $) pourrait passer à 34 $, celui de Rogers (41,79 $) à 36 $, et celui de Telus (31,99 $) à 26 $.

Le scénario est en effet probablement un peu noir pour l'horizon de 2015-2016. Verizon n'aurait à ce moment probablement pas encore attaqué tous ses marchés géographiques et certains afficheraient encore des prix relativement élevés. Il ne faut toutefois pas l'écarter pour un peu plus loin dans le temps.

Québecor en meilleure posture ?

En théorie, Québecor semble dans une meilleure posture que les autres. Il y a déjà quatre concurrents au Québec, et le réseau de distribution de Verizon est à construire (Wind et Mobilicity ne sont pas ici). En outre, le sans-fil ne pèse pour l'instant que pour un peu plus de 7 % de ses revenus. Cela dit, sa croissance future serait remise en doute.

D'autant que Verizon semble bien avoir le sol québécois dans sa ligne de mire. «Si vous regardez la population du Canada, 70 % se trouve entre Toronto et Québec. C'est adjacent à notre réseau», disait récemment Fran Shammo, chef de la direction financière de Verizon.

Les titres de BCE, Rogers et Telus ont reculé de 12 à 18 % depuis les rumeurs de l'entrée de Verizon. Si elle ne vient pas, il y a un potentiel haussier significatif pour les télécoms canadiennes. À chacun de décider de quel côté il parie.

DANS LE DÉTAIL

Sur le radar

Le titre sur cinq ans

BCE (BCE ; 42,93 $)

Recommandation des analystes

Achat 1

Surperformance 5

Conserver 14

Sous-performance 1

Cible moyenne : 44,75 $

Le titre sur cinq ans

Rogers (RCI.B ; 41,79 $)

Recommandation des analystes

Achat 3

Surperformance 3

Conserver 11

Conserver 1

Cible moyenne : 45,85 $

Le titre sur cinq ans

Telus (T ; 31,99 $)

Recommandation des analystes

Achat 3

Surperformance 7

Conserver 7

Conserver 1

Cible moyenne : 35,70 $

blogue > www.lesaffaires.com/francois-pouliot

francois.pouliot@tc.tc

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