Pourquoi le gestionnaire Bill Gross a tort

Publié le 08/09/2012 à 00:00, mis à jour le 06/09/2012 à 09:32

Pourquoi le gestionnaire Bill Gross a tort

Publié le 08/09/2012 à 00:00, mis à jour le 06/09/2012 à 09:32

Bill Gross, le célèbre gestionnaire spécialisé dans les obligations, a écrit au début d'août dans son commentaire mensuel que le « culte des actions est en train de mourir ». Comme il compte parmi les meilleurs investisseurs, sa déclaration a rapidement fait le tour de la planète financière.

Pourtant, les arguments de M. Gross sont faibles et comportent de graves erreurs. Ce gestionnaire semble être parti d'une conclusion personnelle (les actions procureront de faibles rendements dans les prochaines années) pour tenter par la suite de la démontrer.

Commençons par lui donner la parole : D'abord, il présente la feuille de route du marché boursier à long terme, soit un rendement réel (après l'inflation) de 6,6 % sur la base de l'indice S&P 500. Ce rendement, sur 100 ans, aurait transformé un dollar en cinq cents dollars. Pas si mal.

Or, selon M. Gross, ce 6,6 % est impossible à reproduire dans le futur ; c'est une « aberration historique », selon ses mots. Il arrive à cette conclusion en comparant la performance de la Bourse à celle de l'économie américaine. « Si le produit intérieur brut peut croître de seulement 3,5 % par année (la performance moyenne de l'économie américaine depuis plus de 100 ans), comment un segment, la Bourse, peut-il profiter de façon aussi régulière aux dépens des autres segments comme les prêteurs, le gouvernement et les travailleurs ? » se demande-t-il. Bill Gross poursuit en affirmant que ces autres segments résisteront de plus en plus à ce partage inégal de la richesse.

Erreurs d'amateur

Autrement dit, il sera de plus en plus difficile pour le marché boursier dans son ensemble de progresser à un rythme supérieur à celui de l'économie. Si vous prévoyez une croissance de l'économie de 2,5 à 3,0 %, vous devriez vous attendre à des rendements semblables pour la Bourse à long terme.

Si cela semble logique à première vue, du moins pour le néophyte, un examen sérieux arrive à une conclusion moins gentille. En fait, Bill Gross fait des erreurs d'amateur, ce qui est vraiment surprenant pour un gestionnaire de son calibre.

La première erreur, la plus évidente et cruciale, c'est qu'il n'y a pas de lien direct entre la croissance du PIB d'un pays et le rendement de son marché boursier. Dans bien des cas, la relation est inverse ! Par exemple, la croissance des États-Unis a été plus rapide durant le 19e siècle que lors du siècle suivant. Pourtant, la Bourse a mieux performé pendant le 20e siècle. De 1900 à 2009, la croissance économique du Japon a été de près de 4 % par année par rapport à seulement 2 % pour le Canada. Or, la Bourse canadienne a mieux performé, avec un rendement annuel de près de 6 % par rapport à moins de 4 % pour celle du Japon.

De plus, selon les recherches d'Elroy Dimson, professeur de finance au London Business School, les meilleurs rendements boursiers ont été en moyenne réalisés par les pays dont la croissance économique a été plus faible.

Si vous trouvez cela surprenant, dites-vous bien que, si le rendement boursier était entièrement tributaire de la croissance d'un pays, tout ce qu'on aurait à faire en tant qu'investisseur serait d'acheter les Bourses des pays où la croissance est la plus forte. Investir est malheureusement plus compliqué que cela.

Composition des indices

Par ailleurs, l'écart entre la Bourse et l'économie pourrait bien s'agrandir au lieu de s'amenuiser si on comprend la composition du S&P 500. En effet, faire un lien direct entre l'économie américaine et cet indice est une grave erreur, pour la simple raison que les sociétés le composant réalisent une portion de plus en plus importante de leurs revenus et de leurs bénéfices à l'extérieur des États-Unis. La dernière fois que j'ai regardé, 45 % des revenus des sociétés du S&P 500 provenaient de l'extérieur.

Or, une partie significative de ces revenus sont réalisés dans des pays dont la croissance est plus élevée qu'aux États-Unis.

De plus, il est important de comprendre qu'une Bourse n'est qu'un reflet de l'économie, et c'est encore plus vrai pour un indice boursier. Le meilleur exemple de cela est le marché canadien, mesuré le plus souvent par l'indice S&P/TSX. Au 31 juillet, plus de 75 % de cet indice était représenté par les secteurs de l'énergie, des ressources et des services financiers. Je ne crois pas que ce soit le reflet exact de notre économie.

Enfin, le grand fossé entre croissance d'un pays et rendement boursier s'explique par l'utilisation efficace des ressources des entreprises et l'effet de levier offert par l'utilisation de l'endettement. Si le rendement de l'avoir des actionnaires de l'ensemble des entreprises américaines (pas seulement celles du S&P 500) est remarquablement stable au fil des ans et des décennies (aux environs de 13 %), comme le fait souvent remarquer Warren Buffett, c'est que les sociétés utilisent avec efficacité leurs ressources, y compris leur capital, pour maximiser leur rentabilité. Ce dynamisme est aussi vrai aujourd'hui qu'il y a 100 ans.

DE MON BLOGUE

Extrait du blogue

Les « prédiseux » peuvent vous coûter cher

Harry Dent est un économiste qui marie les tendances démographiques aux différents indicateurs économiques pour faire des prédictions spectaculaires... En 1999, il a publié un livre intitulé The Roaring 2000, dans lequel il a prédit que l'indice Dow Jones atteindrait 44000 d'ici 2008. Il aimait particulièrement les titres technos et Internet, ces titres qui ont perdu 75 % de leur valeur. Quelques années plus tard, il a publié The Next Great Bubble Boom : How to Profit from the Greatest Boom in History : 2006-2010. On ne peut pas dire qu'il a prédit la crise financière de 2008-2009...

Ces prévisionnistes professionnels, que j'appelle les « prédiseux », sont une grave menace pour votre santé financière. Rien n'est plus dangereux que de fonder la gestion de votre épargne sur des prévisions macro-économiques aussi fracassantes.

Vos réactions

« Dans la jungle de l'information financière, 90 % n'est que bruit de fond sans importance. Ce monsieur cadre bien dans cette catégorie » - A.R.

« Harry Dent relève plus du vendeur de ''chars'' usagés des années 1950 que du conseiller financier du nouveau millénaire ! » - marciano

bernard.mooney@tc.tc

blogue > www.lesaffaires.com/bernard-mooney

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