Le consommateur nouveau ne dépense pas à la légère

Publié le 25/10/2008 à 00:00

Le consommateur nouveau ne dépense pas à la légère

Publié le 25/10/2008 à 00:00

Par Suzanne Dansereau

Quand elle a appris que sa maison payée 105 000 $, en 1997, en valait 400 000, dix ans plus tard, Annie (nom fictif), une quinquagénaire du Plateau-Mont-Royal, s'est lancée dans la rénovation complète de sa cuisine : nouveaux appareils ménagers en inox, armoires faites sur mesure par un ébéniste, îlot dessiné par un designer, éclairage halogène encastré... Puis elle s'est attaquée au salon, tout en gardant la salle de bain dans sa mire. Mais aujourd'hui, après avoir augmenté de 40 000 $ son crédit hypothécaire, elle met un terme aux dépenses. L'heure est à l'épargne. " La salle de bain attendra. Je n'achète plus rien ", annonce-t-elle. Sauf, peut-être, quelques déshabillés dégriffés en solde...

Elle n'est pas seule à ralentir sa consommation. Selon la dernière enquête du Conference Board du Canada, l'indice de confiance des consommateurs au pays est descendu ce mois-ci à 73,9 points, son plus bas depuis 1982, alors qu'il était encore de 85,8 en septembre. Les Canadiens reportent leurs gros achats, convaincus que les difficultés économiques seront pires dans six mois.

L'enquête a été réalisée entre le 2 et le 8 octobre, dans la foulée du plan de sauvetage de 700 milliards de dollars aux États-Unis et de l'intervention des banques centrales pour endiguer la crise de crédit.

Que cette perception des Canadiens soit erronée ou non - plusieurs experts s'évertuent à répéter que la crise fait moins mal ici que chez nos voisins du sud, dont les dépenses personnelles ont atteint leur plus faible niveau depuis 17 ans - c'est un fait qu'on se prépare ici aussi à se serrer la ceinture.

" Les consommateurs canadiens vont, eux aussi, réapprendre - ou apprendre dans certains cas - les vertus de l'épargne ", indique Jacques Nantel, professeur de marketing, expert en commerce de détail et secrétaire général de HEC Montréal. " Ils vont devoir faire des budgets. Avant, ils se contentaient de gérer leur encaisse ! " ajoute-t-il.

Portrait-robot du consommateur nouveau

Phénomène passager ? " Non, répond l'expert. C'est une tendance lourde. "

Dans sa dernière parution, le magazine BusinessWeek annonce l'arrivée d'une nouvelle ère, celle de la " frugalité ".

Yves Blain, président de l'agence de marketing Taxi, et Anne-Marie Leclair, responsable de la planification stratégique du bureau montréalais de l'agence, abondent dans le même sens. " C'est le retour du balancier, disent-ils, conséquence de l'ère de surconsommation que nous venons de traverser. "

Pour le bénéfice de ses clients, Taxi est en train de préparer un portrait de ce " nouveau consommateur " : il fuira le gaspillage; il voudra louer plutôt qu'acheter lorsque cela sera possible; et il sera à l'affût de la gratuité.

Des pneus d'hiver gratuits à l'achat d'une nouvelle voiture, des logiciels libres, du temps d'antenne cellulaire gratuit en échange de publicités (ce que Virgin vient de lancer aux États-Unis) : " On assiste à la naissance du Free Movement ", prédit Mme Leclair. Assorti d'une recrudescence du troc, ajoute-t-elle, donnant pour preuve la création récente d'une zone de troc sur le site Internet de petites annonces Craig's List.

M. Blain enchaîne : " Quand il sera placé devant une occasion d'achat, le consommateur se demandera s'il en a vraiment besoin. "

Le consommateur québécois sera-t-il différent ? " Son pouvoir d'achat est plus faible que dans le reste du Canada, mais comme il est plus hédoniste, il recherche davantage la satisfaction personnelle [self-gratification, en anglais] en consommant. "

Tant les dirigeants de Taxi que M. Nantel prévoient une réduction importante de la consommation de produits dits " périphériques ", offerts au consommateur pour accompagner le produit principal qu'il est venu acheter. " Ces produits sont souvent ceux qui offraient la meilleure marge de profit ", souligne M. Nantel.

Aux États-Unis, l'achalandage des centres commerciaux a déjà baissé de 10 à 15 %, observe Mme Leclair. " On ira moins souvent magasiner, mais les gens vont consolider leurs achats ", croit-elle, c'est-à-dire qu'ils auront tendance à consommer au même endroit.

Moins de stocks

M. Nantel voit deux changements majeurs pour les biens de consommation : un allongement des cycles d'obsolescence et une réduction des gammes de produits. " Ce mouvement va partir des détaillants : ils ne voudront plus tenir autant de stocks ", explique-t-il.

Jacques Nantel pense que le consommateur de demain fera des coupes presque chirurgicales dans ses achats. " Nous nous dirigeons vers une consommation mieux planifiée. Cela ne sera pas facile pour les agences de marketing, surtout pour les nouvelles dont une bonne partie des employés n'ont jamais eu à fonctionner en période de récession ", commente le professeur.

Chez Taxi, Yves Blain entrevoit plutôt une période emballante. " Plus que jamais, il faudra être pertinent pour le consommateur ", dit-il.

suzanne.dansereau@transcontinental.ca

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