Le bonheur est dans le pré

Publié le 11/07/2009 à 00:00

Le bonheur est dans le pré

Publié le 11/07/2009 à 00:00

Par Claudine Hébert

Ils sont passionnés, persévérants et... ils font beaucoup d'envieux. Qui ne s'est jamais pris à rêver devant le succès de ces professionnels qui quittent leur boulot pour se lancer dans l'aventure agricole ? La vague a pris de l'ampleur avec le développement de l'agrotourisme qui, depuis 15 ans, a redoré l'image du milieu rural.

La production de boissons alcoolisées à base de fruits et d'érable figure parmi les plus populaires productions agrotouristiques.

La demande est telle que le ministère de l'Agriculture, des Pêcheries et de l'Alimentation (MAPAQ) a créé des postes de conseillers dans les principales zones de la province afin d'appuyer cette jeune industrie.

Mais réussir dans l'agrotourisme n'est pas une mince tache. Cela exige beaucoup d'énergie.

Il y a d'abord le choix de l'emplacement. Les espaces verts des régions où l'agrotourisme se porte bien coûtent une fortune. Par exemple, un hectare de l'ouest de la Montérégie vaut en moyenne 10 000 $.

Sans compter sur les subventions, qui se font rares, et les institutions financières, frileuses. Outre la présentation d'un solide plan d'affaires et une connaissance de la production dans laquelle on se lance, mieux vaut avoir en poche de 30 à 35 % de la mise de fonds pour espérer recevoir de l'aide.

Cela dit, plusieurs producteurs font bien leurs devoirs et obtiennent du succès. Voici l'histoire de trois d'entre eux.

RAYMONDE TREMBLAY : DU MBA À L'ÉLEVAGE D'ÉMEUS

C'est à se demander si Raymonde Tremblay n'a pas vécu en Australie dans une vie antérieure. À l'instar des aborigènes qui vénéraient l'émeu pour sa viande et son huile, la diététiste de formation encense tout autant ce cousin de l'autruche au point d'en gérer l'un des plus importants élevages au pays, plus de 450 têtes, à Saint-Urbain, dans Charlevoix.

Une des rares productions d'émeus au Québec qui tienne encore le coup. Lors de la création du Centre de l'émeu, en 1997, la province comptait 122 producteurs. Aujourd'hui, ils sont à peine une dizaine. L'éleveuse de 55 ans n'avait aucune envie de voir partir en fumée les 100 000 $ qu'elle, son frère et sa mère avaient investis pour démarrer l'entreprise.

Pourquoi s'être lancée dans cette aventure ? Inscrite au MBA afin d'accéder à un poste de cadre supérieur dans le milieu hospitalier, Raymonde Tremblay, alors âgée de 43 ans, s'est mise à rêver d'autres horizons.

L'entreprise flirte avec le seuil de rentabilité depuis 2005. L'élevage d'émeus, qui était très populaire dans les années 1990, correspondait à ses valeurs profondes, notamment celle de la santé. " L'émeu produit une viande faible en gras [à peine 2 %], en cholestérol et riche en fer et en zinc. J'étais pourtant loin de me douter que ce seraient les produits cosmétiques et thérapeutiques à base d'huile d'émeu qui deviendraient plus lucratifs pour l'entreprise ", explique celle qui vendait au départ l'huile d'émeu des autres producteurs à sa ferme.

Mme Tremblay avoue que sa formation, celle de son frère biologiste et l'expérience de sa mère avec les animaux ont permis à l'entreprise de mieux affronter les crises. Un bon coussin financier pour absorber les frais d'élevage qui s'étendent sur 16 mois demeure aussi un atout. " Il ne faut pas paniquer au moindre obstacle. Surtout lorsqu'on recherche un vétérinaire spécialisé en élevage exotique ", dit-elle.

Prochaine étape : après huit ans de R-D à élaborer une huile écologique unique, Raymonde Tremblay prévoit construire une usine de fabrication près de la ferme. Un projet encore embryonnaire qui lui permettrait d'atteindre l'objectif ultime d'une intégration verticale quasi complète.

CHARLES CRAWFORD : UN VERGER QUI LUI A CHANTÉ LA POMME

Charles Crawford n'avait aucune notion en pomiculture ni le moindre acquis en milieu agricole lorsqu'il a acheté, à l'âge de 39 ans, un verger de 420 acres en perte de vitesse, en 2000. En revanche, ce professionnel débarquait à la campagne avec une expertise en marketing et en gestion de marque.

La moitié de ses amis l'ont traité de fou. " Les autres ont avoué être jaloux ", rapporte, sourire aux lèvres, le propriétaire du Domaine Pinnacle, à Frelighsburg.

En moins de dix ans, son entreprise s'est hissée au rang de premier producteur de cidre de glace au monde. Présent dans une quarantaine de pays, le Domaine Pinnacle produit 25 000 caisses de 12 bouteilles par année. L'entreprise, qui emploie 45 personnes, dont 20 à temps plein, collectionne les distinctions nationales et internationales.

À l'instar de l'histoire de plusieurs producteurs néophytes, celle de Charles Crawford a débuté par un coup de foudre pour un lopin de terre. Une étincelle qui s'est produite sur la route de campagne qu'il empruntait régulièrement pour aller faire du ski.

Avant d'acheter le verger, lui et sa conjointe ont analysé le potentiel de la pomme sous toutes ses formes. " Il n'était pas question de se lancer sans avoir d'abord trouvé une production haut de gamme à fort potentiel international ", raconte-t-il. Le couple a donc invité, dans sa résidence montréalaise, une dizaine d'amis liés à l'industrie du vin, des spiritueux et des alcools fins pour une dégustation à l'aveugle de divers produits alcoolisés de la pomme. Tout le monde a craqué pour le cidre de glace, peu connu il y a dix ans.

Il ne restait qu'à passer chez le notaire, à élaborer une recette de cidre de glace avec des consultants chevronnés et à trouver une image appropriée au produit. Le succès a été instantané. Les 1 500 premières caisses se sont vendues en moins de trois mois. Une vente rapide qui a convaincu la famille Crawford de s'installer au verger en 2002.

" On croit que la vie de campagne est paisible, mais je travaille aussi fort, sinon plus qu'avant ", dit le cidriculteur.

SYLVIE D'AMOURS : EN AGROTOURISME PAR ACCIDENT

Connaissez-vous des personnes dont les erreurs au travail ont été la source de leur succès ? C'est le cas de la fondatrice du Centre d'interprétation de la courge, Sylvie D'Amours. Cette maraîchère de 48 ans et son conjoint, André Lauzon, accueillent plus de 70 000 visiteurs par an dans leur Centre, reconnu depuis 10 ans comme une référence en matière d'agrotourisme dans les Basses-Laurentides. Ils doivent leur réussite à une erreur sur l'identité d'une semence.

Le couple de Saint-Joseph-du-Lac, qui vit de la culture de légumes et de pommes, participait à un programme d'expérimentation en vue de tester la résistance de différentes variétés de courges à notre climat. Cette année-là, les deux maraîchers ont confondu les semences de courge spaghetti, une énorme récolte d'un demi-hectare destinée aux principaux marchés d'alimentation, avec celles d'une courge méconnue : l'orange-ghetti.

Plutôt que de céder à la panique, Sylvie D'Amours s'est mise à chercher des portes de sortie. Et si on organisait des sorties scolaires à la ferme, a-t-elle proposé à son conjoint. Celle qui espérait la visite de 200 écoliers en a accueilli 2 000 dès la première année.

Sylvie D'Amours a contacté des nutritionnistes et des chefs pour mettre en valeur sa courge orange. Résultat : " Nous avons manqué d'orange-ghetti en fin de saison ! " dit-elle.

Aujourd'hui, le couple cultive 70 variétés de cucurbitacées qu'ils transforment en divers produits. Outre le centre d'interprétation, l'entreprise possède, depuis un mois, une boutique Madame La Courge dans le quartier Petit-Champlain, à Québec. Le couple souhaite aussi s'installer au marché Jean-Talon.

" Les gens croient à tort que nous sommes riches. Nous sommes des agriculteurs qui réinvestissons nos profits pour survivre... et empruntons pour diversifier notre entreprise ", dit Mme D'Amours qui prodigue des conseils à d'autres producteurs qui veulent profiter des retombées de l'agrotourisme.

LE CONTEXTE

AU MOINS UNE VISITE PAR ANNÉE

26,6 % Proportion de la population adulte québécoise qui visite au moins une entreprise agrotouristique par année.

DES JUS ET DES VINS

Près de 4 entreprises sur 10 du secteur de l'agrotourisme fabriquent des boissons non alcoolisées (22 %) ainsi que des vins et des spiritueux (17 %).

DES ACTIVITÉS QUATRE SAISONS

39 % Proportion des producteurs agrotouristiques dont les activités se déroulent sur les quatre saisons.

LEURS VENTES ANNUELLES DÉPASSENT 75 000 $

59 % Proportion des producteurs agrotouristiques du Québec qui déclarent un chiffre d'affaires annuel supérieur à 75 000 $.

ALLER AU-DELÀ DU GUIDE TOURISTIQUE

Moins de la moitié de tous les producteurs agrotouristiques (44 %) listés par le ministère de l'Agriculture, des Pêcheries et de l'Alimentation du Québec sont mentionnés dans le guide de leur association touristique régionale.

UN PENCHANT POUR LE BIO

10 % Proportion des producteurs agrotouristiques détenant une certfication bio - trois fois plus que chez les producteurs agricoles.

Source : Zins Beauchesne et associés, 2006

À la une

Le Québec pâtira-t-il de la guerre commerciale verte avec la Chine?

17/05/2024 | François Normand

ANALYSE. Les producteurs d’acier craignent que la Chine inonde le marché canadien, étant bloquée aux États-Unis.

Bourse: Wall Street finit en ordre dispersé, le Dow Jones clôture au-dessus des 40 000 points

Mis à jour le 17/05/2024 | lesaffaires.com, AFP et Presse canadienne

REVUE DES MARCHÉS. La Bourse de New York a terminé en ordre dispersé.

À surveiller: AtkinsRéalis, Boralex et Lightspeed

17/05/2024 | Charles Poulin

Que faire avec les titres AtkinsRéalis, Boralex et Lightspeed? Voici des recommandations d’analystes.