Barrick et la frustration de la Caisse

Publié le 04/05/2013 à 00:00, mis à jour le 02/05/2013 à 10:43

Barrick et la frustration de la Caisse

Publié le 04/05/2013 à 00:00, mis à jour le 02/05/2013 à 10:43

C'est avec une assez grande satisfaction que l'on a pris connaissance, il y a quelques jours, de la décision des actionnaires de Barrick Gold (NY, ABX, 19,26 $ US) de voter contre un boni de signature de 11,9 M$ consentis au nouveau coprésident du conseil, John Thornton, pour acheter des actions de l'entreprise.

Parce qu'il n'était que consultatif, le vote ne change rien à la situation. M. Thornton conservera sa prime et sa rémunération de 17 M$ en 2012.

Pour la première fois au pays, on a cependant vu un ensemble d'investisseurs institutionnels et de fonds de pension se liguer pour dénoncer l'excès.

Il ne s'agit pas de nier les compétences de M. Thornton qui, comme ancien président de Goldman Sachs, possède une expertise financière incontestable. Et surtout, apparemment, un important réseau de relations en Chine, où Barrick aurait certaines ambitions. Reconnaissons aussi que, malgré les apparences, son rôle ne se limitait pas seulement à la supervision de la stratégie ; il vaquait aussi aux activités courantes. Et admettons enfin que Barrick n'avait pas tellement le choix d'offrir ce montant, parce que M. Thornton avait sans doute une rémunération équivalente qui l'attendait ailleurs.

Il n'en reste pas moins qu'il est temps que soient freinés les excès et que ceux-ci ne peuvent l'être que lorsque les acteurs décident de ne pas faire faire un tour de plus à la spirale.

La Caisse de dépôt encore plus satisfaite

C'est donc, disions-nous, avec une grande satisfaction qu'on a accueilli le résultat du vote. Plus grande encore cependant devait être celle de la Caisse de dépôt et placement.

Notre collègue Hugo Joncas rapportait récemment, qu'en 2012, l'institution avait fait passer sa position dans le titre de 2,7 à 8,5 millions d'actions. Pas exactement le meilleur des synchronismes. On ne sait trop à quels moments la Caisse est entrée, mais on sait qu'au début de l'année, le titre était autour des 46 $ et qu'il a terminé l'année à 35 $. Depuis, il s'est enfoncé sous les 19 $.

C'était déjà frustrant de voir que les choses ne s'étaient pas déroulées selon le plan de match, ça devait l'être encore plus de voir que l'on récompensait si substantiellement à l'avance un plan de match inconnu.

Où va Barrick ?

Après pareille culbute, il est toutefois intéressant de se demander s'il ne pourrait pas être temps de se positionner pour un éventuel rebond du titre de la minière.

Le titre s'est fortement fait secouer le pommier dernièrement, alors que des injonctions se sont abattues sur son projet de mine d'or et d'argent Pascua-Lama. Celui-ci chevauche les frontières de l'Argentine et du Chili. Toutes les opérations du côté chilien sont interrompues, parce que les consultations nécessaires avec les peuples autochtones n'ont pas été respectées, tout comme certaines règles environnementales.

Bonne nouvelle, les infrastructures de minage sont principalement situées du côté de l'Argentine. Mauvaise nouvelle : le gros des réserves se trouve du côté chilien. Le projet est évalué à 8,5 G$ US, ce qui représente environ le tiers de la capitalisation de Barrick. Plus de 4 G$ US ont déjà été engagés. Pas étonnant que les investisseurs soient nerveux.

Quelque chose nous dit que le problème devrait éventuellement se résorber et que le titre pourrait alors reprendre quelques dollars.

La difficulté est cependant de savoir si ce sera à partir du niveau actuel ou d'un niveau plus bas.

Le prix de l'or est en dents de scie et, ces dernières années, Barrick n'a pas été en mesure de profiter de sa hausse. À chaque poussée haussière du métal précieux, ses coûts ont grimpé. Elle devrait finir par les abaisser, mais l'effort risque de prendre du temps.

Or, en plus d'une contre-performance financière (une chute à prévoir des bénéfices), ce temps nécessaire à l'abaissement des coûts, amène une autre menace : une dilution du capital-actions.

Une cote de crédit sous surveillance

Dans l'attente de la réalisation des nouveaux objectifs de coûts, les cotes de crédit de l'entreprise pourraient en effet subir une sérieuse baisse. La Deutsche Bank estime que, si le prix de l'or descend à 1 300 $ US l'once au cours des 24 prochains mois, Barrick pourrait devoir lever de 5,8 à 8,6 G$ US en financement pour maintenir sa cote de crédit au niveau «qualité investissement». Ce qui équivaudrait à une dilution du capital-actions de 32 à 48 %. Même dans les conditions actuelles (1 425 $ US), il se pourrait qu'un financement par actions soit nécessaire, et le potentiel de dilution oscille entre 4 et 23 %.

Morale de l'histoire ? La Caisse a fait plusieurs bons investissements en 2012, mais, sur celui-là, sa frustration pourrait bien encore grimper. On éviterait.

DANS LE DÉTAIL

Sur le radar

Le titre sur cinq ans

BARRICK GOLD (ABX ; 19,26 $ US)

Données de marché

Symbole: ABX

Prix actuel: 19,26 $ US

Fourchette 52 sem.: 17,73 $ - 44,13 $ US

Dividende: 0,77 $ US

Valeur boursière: 18,5 G$ US

Prévisions de bén. par action ($ US)

ANNÉE / 2013 / 2014

DÉCEMBRE / 3,39 $ / 3,74 $

T1 / 0,92 $ / 0,83 $

T2 / 0,78 $ / 0,82 $

T3 / 0,83 $ / 0,84 $

T4 / 0,88 $ / 0,90 $

Recommandations des analystes

Achat 9

Surperforme 5

Conserver 14

Sous-performe 0

Vendre 0

Cible des analystes

Moyenne: 34,32 $ US

Plus élevée 52,00 $ US

Plus basse 20,93 $ US

Sources : Bloomberg, Thomson Reuters

francois.pouliot@tc.tc

blogue > www.lesaffaires.com/francois-pouliot

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