Abattre des arbres pour produire de l'électricité

Publié le 12/11/2011 à 00:00

Abattre des arbres pour produire de l'électricité

Publié le 12/11/2011 à 00:00

Dans un récent rapport, Greenpeace Canada s'élève contre la récolte d'arbres vivants en forêt publique pour produire de l'énergie. Une pratique à laquelle Québec a ouvert toute grande la porte.

Jusqu'ici, les centrales électriques à la biomasse forestière du Québec ont échappé aux critiques principales de l'organisme international, puisqu'elles brûlent de véritables «résidus forestiers» : écorces, sciures et «liqueurs noires» issues de la production de pâte à papier. Mais dans ses nouveaux programmes d'utilisation de la «biomasse forestière résiduelle», le ministère des Ressources naturelles et de la Faune (MRNF) inclut des «volumes en disponibilité temporaire» et des «volumes faisant partie de la possibilité forestière, et non grevés de droits ou devenus disponibles de façon ponctuelle». En d'autres termes : des arbres dégradés, des plants à risque d'être détruits par un incendie ou des boisés dont l'industrie forestière n'a tout simplement pas voulu.

«Pour le MRNF, ce sont des résidus, parce que cette matière n'est pas traditionnellement utilisée par l'industrie. Mais c'est loin d'être un résidu pour la forêt !» s'exclame Nicolas Mainville, chez Greenpeace.

Pour lui, Québec autorise notamment des «frappes préventives en forêt». «Elle risque de brûler, donc on va la ramasser avant que ça n'arrive !» ironise-t-il.

Au MRNF, l'attaché de presse Jancimon Reid concède que le ministre «a le pouvoir d'attribuer des volumes de bois morts ou vivants dans le cadre du Programme d'attribution de biomasse forestière [...] Toutefois, jusqu'à maintenant, seuls des volumes provenant de la matière ligneuse générée par les résidus des activités de récolte ont été permis dans le cadre de ce programme.»

Le «mythe» de la carboneutralité

Pour le MRNF, la production d'énergie à partir de bois est carboneutre. Le carbone libéré avait de toute façon été capté dans l'atmosphère, et il sera de nouveau stocké dans les autres arbres qui repousseront sur les terres déboisées.

Faux, répond Greenpeace. «Aux États-Unis, il a été démontré que les centrales électriques à la biomasse actuelles émettent jusqu'à 150 % de plus de CO2 que si elles brûlaient du charbon, et 400 % plus de CO2 que si elles carburaient au gaz naturel», mentionne le rapport de l'organisme, rendu public le 2 novembre.

Si la biomasse brûlée est composée d'arbres récoltés exprès pour produire de l'énergie, les centrales émettent du carbone supplémentaire dans l'atmosphère. Et ces émissions s'ajoutent à celles de la machinerie fonctionnant au diesel utilisé pour abattre les arbres, ainsi qu'au carbone s'échappant du sol perturbé des parterres de coupe.

Les nouvelles forêts qui remplacent le bois abattu mettront des décennies à recapter tout ce carbone. En fait, la combustion du bois est carboneutre à condition de l'inclure dans un cycle de plusieurs décennies, jusqu'à un siècle, selon les experts consultés.

Mais le Canada s'est engagé à réduire ses émissions de gaz à effet de serre de 17 % sous les niveaux de 2005, d'ici 2020. Autant dire : demain matin !

À l'Université du Québec à Chicoutimi, le biologiste Claude Villeneuve crie de son côté à la manipulation à la lecture de l'étude de Greenpeace. Pour lui, des analyses de cycle de vie complexes sont nécessaires pour déterminer si oui ou non, la combustion de bois pour remplacer des hydrocarbures et produire de l'énergie permet de combattre les changements climatiques.

Greenpeace n'est cependant pas la seule organisation à remettre en question la prétendue carboneutralité de l'énergie à la biomasse. «Contrairement aux énergies éolienne et solaire, la biomasse est une forme d'énergie qui émet du gaz carbonique», mentionne une étude de l'État du Massachusetts datant de 2010. Elle conclut notamment que la production à partir de la biomasse est plus polluante que l'utilisation du charbon, «alors que le recours à la biomasse pour la chauffe et la cogénération réduit les émissions de gaz à effet de serre à long terme».

Bourse La hollandaise APX-Endex vient de lancer le premier marché d'échange de biomasse à Amsterdam. Cette nouvelle plateforme permet d'échanger des contrats de granulés de bois industriels, utilisés notamment pour la production d'électricité. APX-Endex est une filiale non consolidée de la belge Fluxys G, dont la Caisse de dépôt et placement du Québec est actionnaire à hauteur de 20 %.

BORALEX À COURT DE BIOMASSE

Boralex a fermé au début d'octobre son usine de cogénération à la biomasse forestière de Dolbeau-Mistassini, faute de client vapeur et de matière à brûler.

À l'origine, l'usine produisait à la fois de l'électricité pour Hydro-Québec, et de la vapeur pour AbitibiBowater, qui lui fournissait aussi le gros des écorces et des sciures à laquelle elle carburait.

Mais quand la scierie a fermé, en 2009, Boralex a perdu son client thermique et son principal fournisseur de biomasse. L'entreprise a tout de même produit de l'électricité dans les deux dernières années, mais «de novembre à avril, pour profiter de la prime de puissance» offerte par Hydro-Québec pendant les mois d'hiver, dit Patricia Lemaire, directrice des communications de Boralex.

Cette année, Boralex n'a pu trouver que 100 000 tonnes de résidus de bois, soit 20 % de la matière première nécessaire au fonctionnement de la centrale l'hiver prochain. Résultat : Boralex ferme son usine de 28 mégawatts et compte la revendre. Mme Lemaire convient toutefois que l'acheteur se heurterait aux mêmes problèmes.

À Kingsey Falls, Boralex doit renouveler en 2012 son contrat de vente d'électricité avec Hydro-Québec pour sa centrale de cogénération au gaz naturel. Dans un rapport, l'analyste Michael McGowan, de BMO Nesbitt Burns, s'interroge sur les chances pour Boralex d'y parvenir. «On est en train d'évaluer le potentiel de renouveler ça», répond Mme Lemaire, sans donner plus de détails.

Chez Hydro-Québec, Gary Sutherland confirme que des négociations sont en cours.

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