" Le pire scénario serait un rejet de la mondialisation "

Publié le 08/11/2008 à 00:00

" Le pire scénario serait un rejet de la mondialisation "

Publié le 08/11/2008 à 00:00

Par Suzanne Dansereau

En 2001, Michael Spence, George Akerlof et Joseph Stiglitz ont reçu le prestigieux Nobel pour leur explication des " asymétries d'information " dans un marché. Une asymétrie d'information se produit, par exemple, lorsque vous achetez une voiture d'occasion : vous vous demandez si le vendeur ne vous ment pas sur la valeur réelle de son véhicule, car il en sait plus que vous sur cette voiture.

L'asymétrie d'information qui sévit actuellement sur les marchés financiers est d'une ampleur inégalée. M. Spence n'en est que mieux placé pour analyser la crise financière qui secoue actuellement le monde. Nous l'avons rencontré lors de son passage à Québec, où se tenait le 5e sommet nord-américain sur le capital de risque.

Journal Les Affaires - Qu'est-ce qui vous frappe le plus dans cette crise ?

Michael Spence - Son ampleur mondiale : 25 billions [milliards de milliards] de dollars de valeur comptable viennent d'être balayés. Le problème, toutefois, n'a pas été l'absence de capital, mais la contamination de tous les instruments de ce capital. Aucune institution n'y a échappé. L'autre chose qui m'a frappé, c'est que, si l'Amérique du Nord avait fonctionné en silo, il y aurait eu un mécanisme semi-automatique de stabilisation. L'inflation serait apparue pour limiter la surconsommation. Mais cela ne s'est pas produit. Les taux d'intérêts sont restés bas et la crise s'est aggravée.

JLA - La crise pourrait-elle susciter un fort courant anti-mondialisation ?

M.S. - Je le crains. Pour moi, le scénario positif de ce désastre serait qu'on jette le blâme sur les financiers et l'absence de réglementation, et qu'on réagisse par l'instauration d'une réglementation plus contraignante, quitte à ce qu'elle ait pour effet de ralentir la croissance. Mais le pire scénario consisterait à condamner la mondialisation et à se refermer sur soi-même. Cela pourrait facilement déraper, et avec des conséquences très néfastes : l'échange de biens et du capital sont la base de la croissance.

JLA - D'où viendra la croissance maintenant ?

M.S. - Nous n'atteindrons le fond que lorsque tous les actifs pourris auront été purgés. Nous nous dirigeons vers une très profonde récession, à moins qu'un autre train de mesures énergiques nous permette de nous en sortir avec moins de dommages que nous en méritons. Il y a tellement de dégâts qu'il est difficile de voir d'où proviendra la croissance.

JLA - Comment voyez-vous la situation des pays émergents ?

M.S. - Ils sont menacés par une fuite des capitaux, des taux de change en forte baisse et un resserrement du crédit. Mais je crois que la Chine est bien équipée pour faire face à la crise. Elle a 1,9 billion de dollars de réserves. Elle ne perdra pas le contrôle de sa monnaie. La Chine dépend moins des exportations qu'on le pense. En un mot, il faut amener les Chinois à dépenser et les Américains, à épargner !

JLA - Quels gestes prônez-vous ?

M.S. - Je crois que le secteur public aux États-Unis doit racheter les prêts hypothécaires en souffrance, de façon à éviter une détérioration accrue du marché immobilier. Le Fonds monétaire international doit coordonner l'achat massif de devises pour stabiliser les taux de change. Il faut prévenir le resserrement du crédit dans les pays émergents. Les gouvernements doivent aussi lancer rapidement des programmes de création d'emplois et d'infrastructures pour stimuler l'économie. Nous ne pouvons pas rester les bras croisés, car nous allons perdre des tonnes d'emplois. Je suggère aussi qu'on se mettre à racheter des actions d'entreprises qui sont en bonne santé financière.

JLA - Comment faire ?

M.S. - J'avoue que la pratique n'est pas très orthodoxe. Mais je verrais facilement une table ronde de dirigeants d'entreprises, de gros investisseurs, comme Warren Buffett, et d'observateurs du gouvernement [américain] préparer une offensive concertée et racheter les actions de leurs entreprises. Cela donnerait le ton.

suzanne.dansereau@transcontinental.ca

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