Une bataille remplie d'erreurs stratégiques

Publié le 11/05/2013 à 00:00

Une bataille remplie d'erreurs stratégiques

Publié le 11/05/2013 à 00:00

L'éléphant a accouché d'une souris. Depuis la campagne électorale de septembre 2012, le débat sur les redevances minières a été transformé en enjeu économique central pour le Québec. Il est maintenant clos, avec l'annonce d'un régime beaucoup moins gourmand que ne l'avait promis le Parti québécois. Les Affaires a interviewé deux experts en stratégie de communication pour tracer le bilan de ce débat. Y a-t-il des gagnants et des perdants dans cette bataille de relations publiques?

LE NOUVEAU RÉGIME EN BREF

Les minières doivent payer le montant le plus élevé de deux options : soit une taxe de 1 % ou 4 % sur la valeur du minerai à la tête de puits (valeur brute moins frais de transport et de traitement) ; soit un impôt progressif basé sur la marge de profit et variant de 16 % à 28 %. Dans le scénario extrême, les minières auront un taux d'imposition effectif de 42,4 %, alors que cet impôt se situait à 38,6 % avec le régime précédent.

Le résultat est que toutes les minières devront payer des redevances, même celles dont les exploitations sont déficitaires.

Le gouvernement prévoit qu'il pourra aller jusqu'à 200 M$ de plus par année pour ce qui est des redevances. Si le nouveau régime avait eu cours en 2011, il lui aurait permis de récolter de 35 M$ à 50 M$ de plus. Mais en campagne électorale, le gouvernement avait promis d'augmenter ses ponctions de 400 M$ par année.

LES ÉCONOMISTES ET LE SECTEUR MINIER

L'Association des économistes québécois tiendra son 38e congrès annuel à Québec du 22 au 24 mai sur le thème des ressources naturelles et de leur importance dans l'économie du Québec. L'Association a consulté ses membres au préalable sur ce sujet à la fin d'avril.

60 % estiment que, compte tenu de ses effets en amont et en aval, le secteur des ressources naturelles aura une contribution grandissante sur le PIB du Québec d'ici les dix prochaines années. 32 % croient que la contribution de ce secteur à la croissance économique demeurera stable, et 8 % jugent qu'elle sera décroissante.

70 % sont d'avis que le boom minier se poursuivra ou s'accélérera (2 %), alors que 28 % pensent qu'il est terminé.

91 % croient que, en plus des redevances, l'État québécois devrait chercher des moyens pour maximiser les retombées économiques du secteur minier.

78 % considèrent que le gouvernement du Québec devrait envisager rapidement l'option de transporter du pétrole albertain vers la province, de sorte à favoriser l'indépendance énergétique du Québec.

«Le marché s'attendait à pire.»

- Killian Charles, au sujet du nouveau régime sur les redevances minières

«PERSONNE N'A GAGNÉ LA BATAILLE DES RELATIONS PUBLIQUES»

Nom : Marie-Claude Johnson

Titre : Associée

Entreprise : Hatley Strategies

Hatley est une firme de conseillers en stratégie. Elle oeuvre dans le domaine des relations gouvernementales et des relations publiques. Elle compte notamment deux minières parmi ses clients : Métaux BlackRock et Quest Rare Minerals.

«Le mouvement environnemental a fait l'erreur de s'attaquer à la viabilité économique de l'industrie plutôt qu'à ses pratiques. Cela dit, ni le gouvernement ni l'industrie n'ont gagné la bataille des relations publiques.

Il faut se rappeler que l'industrie, qui est particulièrement vulnérable aux modifications réglementaires, vient de subir deux changements de régime en peu d'années. La leçon principale à tirer est, d'une part, que l'industrie doit pouvoir mieux mettre en évidence ses intérêts en gardant à l'esprit que les résultats des débats publics découlent d'un étalon plus large que leurs considérations propres. Au-delà des efforts continus de relation avec les communautés locales, l'industrie a un effort supplémentaire à faire afin de faire connaître ses progrès en matière d'environnement dans les médias.

D'autre part, la leçon pour nos décideurs politiques est qu'ils doivent tenir compte des réalités de l'industrie et des impacts qu'elle subit avant de véhiculer un agenda politique. Cependant, au final, le bilan est pédagogique pour les Québécois. Ils ont pu constater que les enjeux de l'industrie minière vont de la conjoncture économique mondiale aux particularités de chacun des projets existants et en développement.»

«LE DOSSIER DES REDEVANCES AU FIRMAMENT DES ENJEUX ÉCONOMIQUES»

Nom : Patrice Ryan

Titre : Président

Entreprise : Ryan Affaires publiques

Fondée en 2006 par Patrice Ryan et Rémi Bujold, l'agence oeuvre dans le domaine des communications stratégiques et des relations gouvernementales. Elle a eu des clients dans le secteur minier.

«Tout le monde est perdant dans ce débat. Les minières ont attendu trop longtemps avant de réagir à la campagne massive qui se déroulait contre elles dans l'opinion publique. Elles auraient dû s'y mettre plus tôt. De nature discrète et méfiante envers les médias, elles ont été incapables de s'ajuster à la nouvelle dynamique publique dans laquelle le débat sur les redevances allait se faire : que voulez-vous, il faut passer à la télé !

Heureusement qu'elles ont fait le bon choix de participer au forum sur les redevances minières que le gouvernement a organisé. Cela aurait été une erreur de le boycotter.

Le gouvernement, lui, a fait l'erreur de décider d'avance du résultat qu'il voulait comme régime et de le chiffrer. Il a créé dans les marchés financiers l'impression que son futur régime allait être abusif. Et dans l'opinion publique, on dira maintenant qu'il a reculé.

Quant à la coalition Pour que Québec ait meilleure mine, je lui dis bravo, elle a réussi à élever le dossier des redevances au firmament des enjeux économiques - ce qu'il n'était pas - et à mettre le Parti québécois de son côté. Elle a été d'une efficacité redoutable. Elle a eu une présence démesurée par rapport à son expertise sur l'enjeu des redevances minières. Mais je crains qu'elle ait brûlé son capital politique pour la bataille qui s'en vient, notamment sur la protection de l'environnement. Elle risque de se retrouver avec une influence réduite, ayant utilisé toutes ses munitions.

Ce qui est positif dans tout cela, et là-dessus je félicite le gouvernement Marois, c'est qu'avec la tenue du Forum sur les redevances minières, on a vu poindre une nouvelle façon de gouverner au Québec, qui est publique. Certes le processus menant au Forum a été désordonné et précipité, mais l'exercice est porteur : les gouvernements ne peuvent plus gouverner en cachette, comme ils l'ont fait dans le passé. Les minières doivent en prendre note, car c'est l'avenir. Dorénavant, les décisions se prendront après avoir consulté le public. C'est une leçon de base en science politique : il y a les idées, les intérêts et les institutions. Les institutions sont là pour trancher.»

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