Shan mise sur le prêt-à-porter pour croître en Russie

Publié le 16/03/2013 à 00:00, mis à jour le 14/03/2013 à 09:34

Shan mise sur le prêt-à-porter pour croître en Russie

Publié le 16/03/2013 à 00:00, mis à jour le 14/03/2013 à 09:34

L'engouement pour les produits de luxe ne se dément pas en Russie. La demande bondira de 5 à 15 % par année d'ici 2015, selon le magazine suisse Luxury International. Une vague sur laquelle veut surfer le fabricant de maillots de bain de haute couture Shan, mais en misant sur le prêt-à-porter pour croître dans ce marché émergent.

«Nous vendons déjà beaucoup de maillots pour femmes en Russie. C'est pourquoi nous commençons à attaquer ce marché avec nos prêts-à-porter et nos maillots pour hommes», dit Jean-François Sigouin, vice-président, en nous faisant visiter les locaux et l'usine à Laval.

Fondée en 1985 par la designer Chantal Lévesque, présidente et unique propriétaire, Shan vend ses maillots, son prêt-à-porter et ses accessoires haut de gamme dans 26 pays. Ses produits sont distribués dans quelque 600 points de vente, notamment dans de grands magasins de luxe comme Saks, à New York, et Le Printemps, à Paris.

La Russie et les pays voisins comme l'Ukraine sont déjà des marchés en forte croissance pour Shan. «C'est la région du monde où nos ventes progressent le plus rapidement», dit M. Sigouin.

Un distributeur unique

Pour augmenter ses ventes en Russie, Shan s'appuiera sur son unique distributeur dans ce pays, dont elle préfère taire le nom. Ce groupe russe exploite ses propres boutiques et a accès à un réseau de points de vente offrant plusieurs marques. Outre les maillots pour femmes, ce distributeur sera donc aussi responsable de vendre le prêt-à-porter et les maillots pour hommes.

En Russie, les produits de Shan sont distribués dans plus de 50 points de vente, dont une vingtaine dans la région de Moscou.

Optimiste, Jean-François Sigouin s'attend à ce que les ventes de Shan en Russie et dans les pays voisins progressent de 50 % au cours des trois à cinq prochaines années. À terme, la PME pourrait y réaliser 25 % de ses revenus, comparativement à 20 % aujourd'hui.

Une stratégie prudente

JoAnne Labrecque, spécialiste en commerce de détail à HEC Montréal, estime que Shan fait bien de miser sur un seul distributeur. «Si l'entreprise gère bien la marque, la met en valeur et la déploie bien, c'est une bonne stratégie.»

Shan court néanmoins un risque : devoir rebâtir son réseau de distribution si cette relation d'affaires tourne mal et prend fin abruptement. Selon Mme Labrecque, ce scénario est peu probable tant que la PME fabriquera des produits de grande qualité. «Le distributeur trouve son compte à distribuer les produits de Shan.»

La Russie est un marché complexe pour les entreprises étrangères. Par exemple, en 2009, le géant de l'ameublement suédois Ikea avait mis sur la glace tous ses nouveaux projets d'investissements en Russie. Selon le New York Times, il faisait alors face à plusieurs demandes de pots-de-vin pour y faire des affaires.

C'est pourquoi plusieurs entreprises préfèrent s'associer à un partenaire local pour vendre leurs produits en Russie. Malgré son partenariat, Shan reste sur ses gardes. Elle demande par exemple à son distributeur russe de la payer avant de lui expédier des produits. «Le paiement avant livraison élimine beaucoup de risques», dit Pierre Fournier, analyste en gestion du risque à la Financière Banque Nationale.

Shan ne laisse rien au hasard en Russie, où elle est numéro un dans le segment des maillots de luxe. Jean-François Sigouin s'y rend trois fois l'an pour former les agents du distributeur et les gérants des boutiques dans lesquelles les produits de Shan sont vendus. La PME les réunit au même endroit pour leur expliquer l'essence de la marque Shan, la culture du resort wear, c'est-à-dire les activités liées à la plage.

«Plus ils ont de l'information, plus il leur est facile de vendre nos produits et de faire tomber les réticences à l'égard du prix», explique Jean-François Sigouin. En Russie, ses maillots sont vendus à des prix allant de 500 à 600 $ US, soit le double de ce qui est demandé en Amérique du Nord.

En Russie, les concurrents de Shan sont des fabricants spécialisés ou des groupes offrant diverses gammes de produits. Pour se démarquer, la PME mise sur la qualité et la complexité de ses créations. La quasi-totalité de la matière première utilisée par Shan (tissus, pièces de métal, etc.) est importée d'Italie. La PME conçoit et fabrique tous ses vêtements à son usine de Laval.

LES ENJEUX DE SHAN

LE RISQUE

Affaiblir la marque

Le plus grand risque de Shan est d'affaiblir son image par des produits de moindre qualité. Pour atténuer ce risque, la PME ne fait aucun compromis. Une stratégie qui l'a incitée à couper les ponts avec des distributeurs dans le passé. Ils lui demandaient de diminuer la qualité de ses matières premières afin de réduire les coûts de production et d'augmenter leurs marges bénéficiaires. «Nous avons refusé et mis encore plus l'accent sur la qualité de nos produits», dit Jean-François Sigouin, vice-président.

LE DÉFI

S'adapter à la demande

Shan doit livrer ses produits à temps sur le marché. Un défi d'autant plus grand que les distributeurs dans l'industrie de la mode effectuent quatre commandes par année au lieu d'une. Pour y arriver, la PME est en train de transformer sa chaîne logistique pour être plus flexible, en contrôlant davantage la distribution. Actuellement, environ 30 % des produits de Shan sont vendus sans intermédiaires. La société veut porter cette proportion à 50 %. Cela lui permettra de mieux contrôler ses cycles de production.

LE CONSEIL

Déplacez-vous

Trouver le bon partenaire dans un pays est capital. Et le meilleur n'est pas nécessairement le plus gros, mais celui qui comprend votre marque. De plus, déplacez-vous : ne concluez jamais une entente par téléphone ou par Internet, car vous manqueriez d'informations pour bien jauger les candidats, dit M. Sigouin.

4e rang

La Russie est le quatrième marché en importance pour les produits de luxe après les États-Unis, le Japon et la Chine. Source : Luxury International

SHAN EXPORTE 65 % DE SA PRODUCTION

Répartition des ventes par marché en 2012

35 % Canada

20 % États-Unis, Mexique et Caraïbes

20 % Russie et pays voisins

20 % Europe

5 % Autres (Chine, Moyen-Orient et Afrique du Nord)

10 à 20 M$ Chiffre d'affaires en 2012

125 employés dans le monde

6% Pourcentage des revenus consacrés à la R-D

LES MAILLOTS POUR FEMMES DOMINENT LES VENTES DE SHAN

Répartition des ventes par catégorie de produits en 2012

45 % : Maillots femme

35 % : Prêt-à-porter balnéaire femme

15 % : Maillots et vêtements homme

5 % : Accessoires et licences

Source : Shan

Dans cette série, nous décodons la stratégie internationale d'une entreprise canadienne et analysons ses risques.

Sur le Web, Les Affaires s'associe à L'actualité, Canadian Business, The Report on Business, The Economist Intelligence Unit et à la banque HSBC pour offrir un site axé sur les exportations. À lire sur affairessansfrontieres.ca.

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