Pas le choix de s'adapter aux changements climatiques

Publié le 23/02/2013 à 00:00

Pas le choix de s'adapter aux changements climatiques

Publié le 23/02/2013 à 00:00

Charles Brindamour : «L'impact des changements climatiques est tel que les sociétés d'assurance versent annuellement plus d'un milliard de dollars en remboursement à leurs clients pour les dommages qu'ils ont subis. En tant que société, comment pouvons-nous mieux nous protéger contre l'impact des changements climatiques ?»

Tout en reconnaissant l'importance de freiner le plus possible les changements climatiques, il faut se faire à l'idée : les conditions qui prévaudront dans les prochaines années seront bien différentes de celles que nous avons vécues jusqu'ici. Ce qui était auparavant perçu comme exceptionnel risque de devenir plus courant.

Des villes comme Québec, Sherbrooke et Trois-Rivières tiennent déjà compte de cette nouvelle donne lorsqu'elles planifient leurs infrastructures, dit Caroline Larrivée, coordonnatrice de programmes chez Ouranos, le consortium québécois sur la climatologie régionale et l'adaptation aux changements climatiques. Les ordres professionnels, dont les ingénieurs et les architectes, s'intéressent aussi à la question.

Un long processus

Tout ne se fait pas en criant ciseau, par contre. «L'adaptation est un long processus, qui demande sensibilisation et réglementation.» Car, en plus de conscientiser les élus et les fonctionnaires, il faut convaincre les citoyens qu'il est pertinent de modifier la réglementation et d'investir dans les infrastructures.

Catherine Dubois, doctorante et chargée de cours à l'École d'architecture de l'Université Laval, juge que «les choses bougent, mais lentement.» Il y a un certain intérêt pour l'adaptation, mais certains décideurs se font encore tirer l'oreille. «Les incertitudes liées aux changements climatiques n'aident pas», déplore-t-elle.

De plus, les quartiers sont souvent déjà bâtis, ce qui complique les travaux d'adaptation. «Avec de nouveaux quartiers, il y a beaucoup plus de possibilités !» Les planificateurs peuvent alors orienter les rues en fonction des vents dominants, planter de la verdure pour éliminer les îlots de chaleur, exiger des toitures vertes ou réfléchissantes, et s'assurer que les bâtiments capteront de façon optimale le rayonnement du soleil - beaucoup l'hiver, moins l'été.

La clé d'une adaptation réussie tient d'ailleurs beaucoup à la planification, estime Caroline Larrivée. «En déterminant et en évaluant les risques, puis en priorisant les actions, l'approche est plus stratégique.» L'exercice permet d'être au fait des synergies potentielles et de choisir les solutions les plus pertinentes. Par exemple, planter des arbres réduit les îlots de chaleur tout en augmentant l'absorption des pluies.

Évacuer l'eau

Au coeur des besoins d'adaptation : les réseaux d'égouts, qui ne suffisent plus lorsque les éléments se déchaînent. Pour limiter les dégâts, le ministère de l'Environnement provincial a émis une nouvelle consigne l'an dernier. Il a demandé aux municipalités de majorer de 4 à 20 % les précipitations historiques d'Environnement Canada qu'elles utilisent dans la conception de leurs infrastructures.

«Les fonctionnaires municipaux sont sensibilisés par les événements des années passées. Ils ont fait ou feront des ajustements», dit Gilles Rivard, directeur, hydrologie urbaine, chez Genivar. Le ministère des Transports et certaines villes majoraient depuis quelques années déjà les données historiques pour planifier égouts, routes et ponts.

Les noues, ces fossés peu profonds suffisamment garnis de végétation pour absorber l'eau, sont aussi de plus en plus populaires. «Le Québec est en retard dans l'adoption de cette solution simple qui permet de diminuer localement la quantité d'eau qui se retrouve dans les canalisations. En Ontario, ça se fait depuis une vingtaine d'années», dit M. Rivard. Heureusement, plusieurs projets sont prévus dans la province, notamment à Montréal, Laval et Boisbriand.

Trois-Rivières est l'une des municipalités québécoises qui ont modifié leurs pratiques pour limiter les dégâts futurs. «On voit bien que les précipitations qu'on appelait "20 ans" ou "10 ans" [parce qu'elles se produisaient à cette fréquence] deviennent annuelles», résume son porte-parole, Yvan Toutant.

La municipalité profite du remplacement graduel des égouts pluviaux pour en augmenter la capacité. Elle a aussi changé la configuration de certaines rues et installé des pompes plus puissantes. Par ailleurs, fonctionnaires et ingénieurs-conseils sont à analyser les cours d'eau trifluviens pour déterminer si leur débit pourrait être mieux contrôlé. «Mais, comme ailleurs, nos ressources financières sont limitées. Nous ne pouvons donc pas aller au rythme que nous souhaiterions», dit M. Toutant.

Caractériser le territoire

«Les décisions improvisées seront de plus en plus risquées dans un environnement où les changements climatiques auront un impact croissant», met en garde Caroline Larrivée. Mieux vaut prendre le temps et l'argent nécessaires à une caractérisation détaillée du territoire avant de choisir la localisation de nouvelles infrastructures et de quartiers résidentiels. Mme Larrivée plaide aussi pour une délimitation plus sévère des zones d'érosion et d'inondation.

En cas de reconstruction, Catherine Dubois suggère au moins de surélever le rez-de-chaussée, ne pas aménager le sous-sol et choisir des matériaux capables de résister pendant plusieurs jours à l'eau et à la boue.

Revoir les matériaux

Dans la voirie aussi, les ingénieurs doivent réévaluer leurs plans et leurs bons de commande. La structure des routes (l'épaisseur de chacun des matériaux) doit être moins sensible aux fluctuations importantes de température - qui causent les nids de poule -, et la surface doit résister à des températures plus chaudes - responsables des ornières. Comme les matériaux sont susceptibles de se dégrader plus rapidement en raison des changements climatiques, il faut aussi, selon Mme Larrivée, augmenter la fréquence des programmes d'entretien.

SON COMMENTAIRE

L'un des plus grands défis occasionnés par les changements climatiques reste la vulnérabilité des infrastructures urbaines ; en effet, elles n'ont pas été conçues en fonction de cette nouvelle réalité. Il est donc primordial d'évaluer leurs risques de défaillance afin de mieux planifier les investissements publics. De la même façon, les plans d'aménagement du territoire et d'urbanisme devraient mieux tenir compte des risques grandissants d'inondation ou d'érosion. Par ailleurs, la notion de résilience aux changements climatiques devrait également être intégrée dans les normes de construction, le code du bâtiment ainsi que dans de futures campagnes de sensibilisation du public et l'offre de programmes incitatifs d'adaptation. Bien que ces mesures soient des plus importantes pour la protection du patrimoine immobilier des Québécois, nous devrions tous - comme le suggérait une étude récente sur l'adaptation aux changements climatiques que nous avons appuyée - encourager une plus grande biodiversité, mieux protéger nos ressources en eau douce, intégrer les changements climatiques dans les décisions en matière agricole et acquérir une meilleure compréhension de la vulnérabilité des communautés autochtones du Grand Nord.

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