Les professionnels veulent prendre leur place dans le débat public

Publié le 21/01/2012 à 00:00

Les professionnels veulent prendre leur place dans le débat public

Publié le 21/01/2012 à 00:00

Par Alain Duhamel

Débat sur la mise en valeur des ressources minières et gazières, discussions sur l'avenir de la foresterie... Bon nombre d'ordres professionnels, tels que les géologues ou encore les ingénieurs forestiers, ont inscrit la visibilité, publique et médiatique, dans leurs priorités stratégiques.

L'Office des professions du Québec (OPQ), l'organisme de surveillance du système professionnel, fait bon accueil à cette volonté de se faire voir et entendre sur la place publique.

Son président, Jean-Paul Dutrisac, croit que la mission de protection du public, dont sont investis les ordres, comporte un rôle sociétal. «Les ordres professionnels apportent un éclairage sur les enjeux de société», dit-il.

S'ouvrir davantage

L'OPQ a amorcé l'an dernier une importante réflexion sur l'actualisation de la notion de protection du public, dont les conclusions devraient être connues ce printemps. Mais d'ores et déjà, M. Dutrisac invite les ordres à s'ouvrir davantage à la communication publique et à ne pas confiner leur devoir de protection du public à la discipline et à la surveillance de leurs membres.

Tous les ordres n'en sont pas au même point à cet égard. «Ils n'ont pas tous des politiques d'intervention structurée», note Jean-François Thuot, directeur général du Conseil interprofessionnel du Québec. Certains ordres professionnels, tels le Barreau du Québec ou le Collège des médecins, ont une culture bien enracinée des interventions publiques.

L'Ordre des conseillers en ressources humaines agréés, par exemple, publie régulièrement les résultats de ses sondages sur les tendances en matière de rémunération. «Nous avons un rôle de représentation, et nous essayons d'assumer sans intérêt corporatiste», dit Florent Francoeur, directeur général de l'Ordre.

Une année chargée

En 2012, les ordres professionnels auront besoin de se faire entendre du public. Les professions de la comptabilité, des sciences appliquées et des technologies ont un rendez-vous historique à l'Assemblée nationale d'ici le printemps. Deux projets de loi y sont très attendus.

Le premier instituera un nouvel ordre professionnel de la comptabilité, fort de 34 428 membres, et un nouveau titre : comptable professionnel agréé (CPA). Il s'agit de la cinquième tentative d'unification des comptables agréés, des comptables en management accrédités et des comptables généraux accrédités depuis 1973.

«Cette fois est la bonne», dit M. Dutrisac. «Depuis trois ans, la comptabilité publique est partagée, de telle sorte qu'il y a de moins en moins de différence entre ces trois professions.»

Le deuxième amendera les lois professionnelles en génie, en architecture, en chimie, en agronomie et en géologie, ainsi que la loi de l'Ordre des technologues professionnels afin de préciser les champs d'exercice réservés à un ordre professionnel, comme celui des ingénieurs ou des architectes, et les champs partagés avec les technologues professionnels. Quelque 74 250 professionnels seront touchés. Cela mettra fin à une querelle qui durait depuis une trentaine d'années.

SE DISTINGUER DES LOBBYISTES

Dans l'exercice de leur devoir de protection du public, les ordres professionnels se sont toujours défendus d'agir à la manière des groupes d'intérêts ou d'influence dans les antichambres ministérielles.

Un jugement récent de la Cour du Québec vient les contredire. Dès lors qu'ils démarchent un autre ministère que celui de la Justice, chargé de l'administration du système professionnel québécois, les ordres professionnels sont assimilables à des groupes d'intérêts et doivent s'inscrire au registre des lobbyistes, comme toute autre association de défense d'intérêts particuliers ou privés. Or, plusieurs ordres ont des rapports professionnels fréquents avec d'autres ministères.

Le jugement confirme l'interprétation du commissaire au lobbyisme qui avait fait cinq constats d'infraction à l'encontre de deux anciens dirigeants de l'Ordre des ingénieurs forestiers (OIF). Les faits reprochés portent sur trois lettres envoyées en 2006 au ministre des Richesses naturelles et au premier ministre, portant sur divers aspects de la loi du ministère touchant la pratique et l'autonomie professionnelles.

L'OIF plaide qu'il ne pouvait être assimilé à une organisation d'influence au sens de la Loi sur le lobbying.

«Il y a une incohérence dans la loi, affirme le directeur général du Conseil interprofessionnel du Québec, Jean-François Thuot. Le législateur demande aux ordres d'encadrer des pratiques dans certains secteurs, mais quand un ordre fait des démarches auprès d'un ministère titulaire d'un secteur, il fait du lobbying.»

Ni l'Ordre des ingénieurs forestiers ni le Conseil interprofessionnel du Québec n'ont l'intention d'interjeter appel de ce jugement. Ils se tournent désormais vers le législateur afin qu'il modifie les lois de manière à ce que les ordres puissent communiquer leur point de vue sur des enjeux d'intérêt public, sans être pour autant confondus avec des lobbyistes. A.D.

LES GÉOLOGUES ÉTENDENT LEUR CHAMP D'ACTION

«Il faut étendre le champ réservé des géologues à tous les domaines où ils travaillent, comme cela se fait dans les autres provinces», estime Robert Wares, président de l'Ordre des géologues du Québec (OGQ). «Au Canada, le Québec constitue une exception dans ce domaine.»

Adoptée dans la foulée du désastre boursier de la canadienne BRE-X Minerals, survenu en 1997, la loi instituant un ordre professionnel des géologues confine l'encadrement de la géologie aux opérations minérales, pétrolières et gazières. Cependant, l'exercice de la profession s'étend à de nombreuses autres activités : alimentation en eau souterraine, protection de l'environnement et gestion de la contamination des terrains, aménagement et gestion des risques naturels...

L'Ordre considère que cette démarche, qui remonte à 2001, reste inachevée. «Cela a été fait un peu vite, en réaction à la pression des autorités réglementaires en valeurs mobilières», estime M. Wares.

Le nouveau projet de loi annoncé cette année sur les champs de pratique professionnelle du domaine des sciences appliquées et des technologies (ingénieurs, architectes, agronomes, chimistes, géologues et technologues professionnels) est donc très attendu par la profession.

L'OGQ travaille depuis quatre ans sur ce dossier. Il souhaite que le gouvernement achève le travail d'encadrement commencé il y a dix ans et qu'il précise les champs professionnels partagés avec les technologues. D'autant que les consultations auprès des autres ordres professionnels et des organismes intéressés n'ont pas suscité d'opposition importante aux visées des géologues.

Dans la foulée du Plan Nord

Le lancement du Plan Nord, la mise en valeur des gaz de schiste et l'adoption de la nouvelle loi québécoise sur les mines ont interpellé et interpellent encore les professionnels de la géologie. À tel point que M. Wares a lancé à ses collègues une pressante invitation à faire valoir leur science et leur expérience professionnelle dans les débats publics.

«J'aimerais que les géologues se mobilisent davantage», avoue-t-il. «C'est un ordre professionnel encore jeune, et les géologues n'ont guère l'habitude de s'exprimer. Mais il est devenu clair que les géologues devront participer activement au débat public pour apporter un juste éclairage sur des questions trop souvent déformées et manipulées sur la place publique.» A.D.

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