Les femmes, encore trop timides pour gérer leurs avoirs

Publié le 23/02/2013 à 00:00

Les femmes, encore trop timides pour gérer leurs avoirs

Publié le 23/02/2013 à 00:00

Isabelle Hudon : «Les femmes sont passées maîtres dans la gestion du budget familial. Elles représentent même, dans le tiers des cas, le principal salaire de la maison. Pourtant, lorsqu'il s'agit de planification financière et d'investissements, elles passent leur tour. Pourquoi ?»

Seulement 30 % des femmes âgées de 45 ans à 64 ans disposent d'un plan financier, selon de récents sondages menés par TD Waterhouse. «Gagner de l'argent pour gagner de l'argent n'est pas dans la mentalité des femmes», soutient Hélène Lee-Gosselin, titulaire de la Chaire Claire-Bonenfant - Femmes, Savoirs et Sociétés, de l'Université Laval.

L'universitaire a mené une étude auprès de 60 femmes entrepreneures de la région de Québec en 2010. Résultat : les femmes privilégient une approche sociale vis-à-vis de l'argent.

Le bien-être avant les résultats

«Elles se préoccupent davantage du bien-être de leurs employés, et veillent à ce qu'ils travaillent dans de bonnes conditions et puissent subvenir aux besoins de la famille», souligne-t-elle. D'ailleurs, 25 % des participantes de cette étude n'ont évoqué d'aucune façon l'argent comme motivation d'être en affaires.

Comment peut-on expliquer cette attitude face à l'argent ? «Peut-être est-ce la peur de perdre leur féminité», soulève Whitney Johnson dans son blogue sur Harvard Business Review.

Cofondatrice de la firme d'investissement Rose Park Advisors, Mme Johnson fait ici référence à l'Inventaire des rôles sexués de Bem, un ouvrage publié dans les années 1970 sur l'évaluation des traits de personnalité dits masculins et féminins. Dans ce livre, la société considère qu'une femme est féminine dans le contexte d'une relation de couple ou lorsqu'elle donne quelque chose à quelqu'un.

«À mon avis, les femmes ont peur tout court de l'argent» souligne Daniele Henkel, présidente de Entreprise Daniele Henkel. Selon elle, les femmes éprouvent un sentiment d'insécurité à l'égard de l'argent. «C'est comme si le mot argent nous poignait aux tripes. Pourtant, nous, les femmes avons tout pour réussir sur le plan de l'investissement. Nous sommes déjà de très bonnes leaders, nous avons l'intuition, l'art d'exceller dans le multitâche, bref, nous disposons de très bonnes bases»», souligne la seule femme au sein de l'émission L'Oeil du Dragon.

Une rente moins élevée

Ce manque d'intérêt des femmes à l'égard de l'investissement risque d'avoir un fort impact sur leur retraite.

Durant leur vie active, les femmes gagnent en moyenne 75 % du salaire des hommes. Elles cumulent également moins d'années sur le marché du travail en raison des enfants. Par conséquent, «elles doivent combler un manque à gagner sur le plan de l'épargne d'au moins 20 % d'ici l'âge de leur retraite», signale Jo-Anne Carette, présidente fondatrice de Finances au féminin, un cabinet de services financiers, dont 70 % de la clientèle est de sexe féminin.

Hélène Gagné, gestionnaire de portefeuille chez PWL Capital, a fait le calcul. «En matière de prestations de la Régie des rentes du Québec, la rente moyenne par mois des femmes est actuellement inférieure de 200 $ à celle des hommes», dit-elle. Et pour compléter ce tableau peu optimiste, l'espérance de vie des femmes allonge.

«Mais pour bien investir, il faut avoir de l'argent et du temps. Et le temps, ce n'est pas un élément dont disposent beaucoup de femmes, partagées entre le boulot et la famille», dit Mme Gagné.

Des solutions ? «En fait, les femmes se préoccupent davantage de leurs finances personnelles si on apprend à mieux les écouter. Les femmes veulent savoir dans quoi elles investissent», rapporte Jo-Anne Carette, qui consacre au minimum deux heures pour tout premier rendez-vous avec une cliente.

Pour sa part, Hélène Lee-Gosselin pense que les institutions financières sont en bonne partie responsable du comportement financier féminin.

«Les institutions devront augmenter le niveau de confiance auprès des investisseuses, surtout auprès des jeunes. La crise de 2008 et la mauvaise gestion des finances publiques ne contribuent en rien à stimuler les investissements. Au contraire, dans l'ère de consommation où l'on vit, les gens préfèrent dépenser leur argent plutôt que de voir fondre leur épargne», signale la titulaire.

Certains experts croient tout de même que l'arrivée de femmes au sein de postes financiers pourrait changer la donne. Même si elles sont peu nombreuses, elles se distinguent. Selon une recherche du Hedge Fund Research, des financières oeuvrant dans la gestion de fonds de couverture ont mieux performé que les hommes pendant la crise. Certes, leurs fonds ont diminué (9,61 %) mais moitié moins que ceux détenus par des hommes (19,03 %).

SON COMMENTAIRE

Les 30 dernières années donné lieu à ce que j'appelle un «lady-boom», une période où les femmes se sont approprié les campus et le marché du travail. En reconnaissant la profondeur et la rapidité de ces changements, on comprend mieux pourquoi il reste encore aux femmes un certain chemin à parcourir du côté des finances personnelles. Face à cette situation, le changement le plus porteur réside dans la présence grandissante de femmes au sein d'institutions financières. À la Financière Sun Life, par exemple, le comité de direction est aujourd'hui paritaire. En outre, les femmes représentent une force montante dans le réseau de 800 conseillers en sécurité financière de l'institution. L'intégration du point de vue des femmes dans le coeur de nos décisions est la meilleure approche pour répondre adéquatement aux besoins financiers de nos clientes - bien plus en fait que d'attribuer à des stéréotypes féminins l'incapacité du secteur financier à établir une solide relation avec elles.

À la une

Le Québec pâtira-t-il de la guerre commerciale verte avec la Chine?

17/05/2024 | François Normand

ANALYSE. Les producteurs d’acier craignent que la Chine inonde le marché canadien, étant bloquée aux États-Unis.

Bourse: Wall Street finit en ordre dispersé, le Dow Jones clôture au-dessus des 40 000 points

Mis à jour le 17/05/2024 | lesaffaires.com, AFP et Presse canadienne

REVUE DES MARCHÉS. La Bourse de New York a terminé en ordre dispersé.

À surveiller: AtkinsRéalis, Boralex et Lightspeed

17/05/2024 | Charles Poulin

Que faire avec les titres AtkinsRéalis, Boralex et Lightspeed? Voici des recommandations d’analystes.