Les bio-hackers redynamisent l'industrie des sciences de la vie

Publié le 30/03/2013 à 00:00, mis à jour le 28/03/2013 à 09:26

Les bio-hackers redynamisent l'industrie des sciences de la vie

Publié le 30/03/2013 à 00:00, mis à jour le 28/03/2013 à 09:26

Un vent de renouveau souffle sur l'industrie des sciences de la vie. Malgré les difficultés qu'elle a connues ces dernières années, plusieurs biologistes croient que l'émergence de laboratoires communautaires pourrait accélérer le rythme d'innovations dans le secteur.

Ces laboratoires, qu'on a pu créer grâce à une baisse des coûts, sont comparés aux clubs d'informatique des années 1970, où des entrepreneurs comme Steve Jobs ont trouvé leur vocation. «Ce qui se passe en ce moment me rappelle le début des années 1980, alors que tous les biologistes voulaient fonder leur entreprise ou travailler pour une start-up», soutient Ellen Jorgensen, qui a fondé le laboratoire new-yorkais Genspace en 2010.

La différence, toutefois, est que la biologie intéresse aujourd'hui des amateurs, qui la pratiquent à la maison ou dans des laboratoires publics comme le sien. Cette tendance est appelée bio-hacking.

Détentrice d'un doctorat en biologie moléculaire, Ellen Jorgensen considère que la biologie est aujourd'hui à la portée de tous. La baisse des prix de séquençage de l'ADN et l'émergence de bibliothèques de séquences génétiques libres de droits, comme celle de la fondation BioBricks, seraient en cause.

Grâce à ces avancées, les amateurs peuvent manipuler des gènes pour concevoir des systèmes biologiques à la manière d'enfants construisant des maisons en Lego.

«Supposons que vous vouliez construire un circuit biologique qui réagit à la lumière bleue d'une manière déterminée. Pour ce faire, vous allez insérer la séquence qui a cette propriété dans une bactérie, comme vous installeriez un logiciel sur un ordinateur», explique Mme Jorgensen.

Genspace, un organisme sans but lucratif comptant 25 membres qui paient des frais mensuels de 100 $, est le premier laboratoire dans son genre à avoir vu le jour en Amérique du Nord. D'autres ont depuis ouvert leurs portes à Boston, à Sunnyvale (Californie) et à Victoria (Colombie-Britannique). Si certains des amateurs qu'ils attirent sont des artistes se servant de cultures bactériennes pour explorer des motifs et des couleurs, d'autres entreprennent des projets plus ambitieux.

Loisir original ou nouveau paradigme ?

Genspace est un laboratoire se conformant au niveau de sécurité biologique 1, soit le moins exigeant des quatre niveaux ; ses utilisateurs ne peuvent pas manipuler d'agents pathogènes ni de cellules humaines. En d'autres termes, ce n'est pas dans ces laboratoires qu'on découvrira un traitement révolutionnaire contre le cancer.

Malgré tout, les travaux qu'on y fait pourraient déboucher sur différentes technologies utiles pour la société, qu'il s'agisse de biosenseurs, de matériaux intelligents ou de technologies agricoles. Pour appuyer son propos, Ellen Jorgensen cite en exemple les biosenseurs d'arsenic, qui pourrait sauver des vies dans les pays où de nombreuses sources d'eau sont empoisonnées. «L'avantage de ce type de technologies est qu'on peut les produire à grande échelle à peu de frais, car il suffit de les cultiver», explique-t-elle.

La biologie synthétique, un champ d'études qui englobe la plupart des expérimentations décrites ci-dessus, applique plusieurs principes d'ingénierie à la biologie. Ce n'est donc pas étonnant que de nombreux ingénieurs s'intéressent au bio-hacking.

«L'un des avantages d'un laboratoire comme le nôtre, c'est qu'il réunit des gens qui ont des expertises différentes», explique Avery Louie. Cet étudiant en ingénierie tente de synthétiser le gène de la couleur indigo dans ses moments libres, lorsqu'il visite le laboratoire bostonais Bosslab.

Henry Olders, qui a obtenu son diplôme d'ingénieur avant de devenir psychiatre, souhaiterait se joindre à un tel laboratoire s'il en existait un à Montréal. Il s'est d'ailleurs inscrit à un groupe en ligne de Montréalais intéressés par le bio-hacking après avoir lu un article sur des vers utilisés pour réaliser des recherches sur la longévité.

«J'ai 64 ans et j'ai pensé que ça pourrait être intéressant de faire moi-même ce type de recherches lorsque je serai à la retraite, dit M. Olders. Ces vers vivent deux semaines et ont beaucoup de gènes en commun avec les humains. Pour moi, c'est un autre paradigme pour étudier les maladies qui touchent le vieillissement, comme la démence.»

Selon le professeur adjoint en psychiatrie à l'Université McGill, qui donne des conférences sur le vieillissement, la démocratisation qui a lieu dans le domaine de la biologie pourrait mener à de nombreuses découvertes. «L'histoire des technologies est composée d'individus qui font des expériences dans leur cour arrière», fait valoir Henry Olders.

julien.brault@tc.tc

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