N'en déplaise aux disciples de la ruralité, c'est en ville que l'on retrouve les gens les plus créatifs.
C'est ce qu'affirme Alain Giguère, président de la firme de sondage et de recherche en marketing CROP, qui s'intéresse beaucoup à la créativité. «Lorsqu'un Tremblay d'Alma rencontre un autre Tremblay d'Alma, ou lorsqu'un cultivateur se rend à son étable le matin, ça n'aiguise pas leur créativité. Désolé pour les régions, mais les gens créatifs, vous les trouverez à Montréal et à Québec.»
M. Giguère tire ces conclusions d'un sondage réalisé l'automne dernier auprès de 2 400 personnes. Au moyen de plus de 350 questions, ce sondage vise à mesurer plus de 100 courants socioculturels, dont deux sont particulièrement importants pour établir le pourcentage de gens créatifs : «Est-il très important pour vous de vous sentir créatif ?» et «Vous sentez-vous proche des gens créatifs, qui ont de l'imagination ?»
Vingt pour cent (20 %) des gens se sont dits tout à fait d'accord avec la première question, et, à la seconde, 31 % ont répondu se sentir très proche. Les algorithmes ont fait le reste.
En plus d'être urbaine, la créativité est jeune, d'après M. Giguère : on retrouve en effet plus de gens créatifs chez les 35 ans et moins, ce qui n'étonnera personne. Troisième caractéristique à accoler à la créativité : elle est plus scolarisée. Urbaine, jeune et scolarisée : voilà le portrait-robot de la créativité, selon CROP.
La firme de sondage et de recherche en marketing a aussi dressé une liste de «postures mentales», comme les appelle M. Giguère, qui caractérisent les gens créatifs. La liste est longue, mais mentionnons les plus importantes : le besoin de relever des défis personnels, de réseauter, de stimuler tous ses sens, de multiplier les connexions émotionnelles et le refus de la hiérarchie (hétérarchie). Derrière toutes ces postures mentales, on sent un grand besoin de diversité, une diversité qu'on retrouve surtout dans les grandes agglomérations urbaines.
Quand le président de CROP parle de créativité, il parle de créativité dynamique, c'est-à-dire qui apporte de la valeur à la collectivité : «Vous pouvez être très créatif en jouant de la flûte dans votre sous-sol, mais ça n'apporte rien aux autres. Ce n'est pas cette créativité qui m'intéresse.»
Le vieillissement, un frein à la créativité
À ce sujet, CROP arrive à la conclusion que 26 % des gens pouvaient être qualifiés de créatifs dynamiques en 1996. Ce chiffre est tombé à 19 % en 2008, à cause du vieillissement de la population, estime M. Giguère. Ce pourcentage est remonté à 24 % en 2009, en pleine récession, ce qui constitue une illustration de la maxime «la nécessité est la mère de l'invention». Puis, leur nombre est redescendu à 20 % en 2011.
«Le vieillissement de la population ne favorise sûrement pas la créativité, soutient M. Giguère. Et si le nombre de personnes créatives baisse, il faudra pour compenser être très actifs pour les débusquer et leur fournir un environnement favorable à l'épanouissement de leur créativité.»
Si 20 % des gens sont des créatifs dynamiques, le président de CROP est incapable de dire quel pourcentage d'entre eux a effectivement développé leur potentiel. Mais à ces 20 % de gens créatifs s'ajoutent 21 % de personnes sensibles à la créativité, qui apprécient un leadership créatif. À côté d'eux, on compte 59 % de personnes avec lesquelles il n'y a pas grand-chose à faire : «La job commence à 9 heures et finit à 5 heures.» Point.
POURQUOI PAS UN PLAN CRÉATIVITÉ ?
Pouvez-vous imaginer, assis autour de la même table d'un bon restaurant, Pierre Beaudoin, de Bombardier, Guy Laliberté, du Cirque du Soleil, le metteur en scène Robert Lepage, Alain Bouchard, d'Alimentation Couche-Tard, et Kent Nagano, de l'Orchestre symphonique de Montréal, discourir sur la créativité et l'innovation dans une ambiance détendue ? Alain Giguère, lui, en rêve. «Imaginez les idées qui pourraient émerger de telles rencontres», affirme le président de CROP. C'est un peu ce que veut faire l'agence Sid Lee pendant trois jours avec son événement C2-MTL, mais de façon permanente. Il s'agirait de réunir régulièrement des leaders de tous les milieux dans une ambiance décontractée. «Je pense que la société québécoise y gagnerait beaucoup.»
