La compétitivité du fer canadien sera mise à l'épreuve

Publié le 03/11/2012 à 00:00

La compétitivité du fer canadien sera mise à l'épreuve

Publié le 03/11/2012 à 00:00

Alors que le gouvernement Marois veut réformer la réglementation pour tirer plus de revenus des mines, les producteurs de fer font face à des coûts plus élevés que prévu et à une grande volatilité du prix du métal. Dans ce contexte, les acteurs présents dans la Fosse du Labrador pourront-ils rester concurrentiels ? Analyse.

À son bureau rue Sherbrooke, qui offre une superbe vue sur le Mont-Royal, Zoë Yujnovich, présidente d'IOC Canada, filiale du géant mondial Rio Tinto, affirme que le fer canadien est «de très bonne qualité. Mais le climat réduit la productivité, nuance-t-elle. Sans parler de l'éloignement des marchés, qui accroît les coûts de livraison».

Sans compter le coût de la concentration, inexistant en Australie à cause des teneurs plus élevées. Le fer canadien coûte presque deux fois plus cher à produire que le fer australien, selon Nochane Rousseau, associé chez PricewaterhouseCoopers (PwC) Canada.

Alors que le mandat de Zoë Yujnovich, voilà deux ans, était de présider à une formidable expansion, la présidente d'IOC se démène pour réduire au maximum ses coûts d'exploitation au complexe minier situé du côté de Terre-Neuve, dans la Fosse du Labrador.

ArcelorMittal est, quant à elle, tellement endettée qu'elle envisage de céder jusqu'à 30% de ses actifs dans le complexe minier de Mont-Wright, situé du côté québécois de la Fosse.

Certes, les filiales canadiennes de ces deux acteurs demeurent rentables, même au prix plancher de 86,70 $ US la tonne atteint le 5 septembre (il est depuis remonté à 120 $ US). On évalue leur coût de production entre 40 $ US et 50 $ US la tonne. Mais pour elles, la concurrence se joue entre les différentes filiales dans le monde. Et les pressions des actionnaires sont fortes pour augmenter les dividendes plutôt que de poursuivre les expansions, relate Nochane Rousseau, de PwC.

Des coûts plus élevés

Les nouvelles mines fonctionnent toujours à des coûts plus élevés : celle de Cliffs Natural Resources, au Lac Bloom, a accusé un coût comptant moyen de 132 $ la tonne. Cela veut dire qu'à l'heure actuelle, Cliffs perd de l'argent. La société Labrador Iron Mines produit à plus de 80 $ US la tonne : en septembre, LIM a dû annoncer une réduction de ses dépenses en capital. Le prix est remonté, certes, mais la forte volatilité va durer, prévoit Sandy Chim, patron de la petite société minière Century Iron Mines.

Un «virage radical» dans l'industrie du fer s'est produit au lendemain de la crise de 2008, relate celui dont l'entreprise détient le plus grand nombre de titres de fer au Canada et qui envisage pas moins de quatre complexes miniers au pays.

Les contrats à terme dans le fer, établis annuellement, ont cédé la place au marché instantané ou spot, «ce qui signifie que les fluctuations de prix seront plus fortes qu'avant», dit-il.

«Le défi à l'heure actuelle pour les producteurs de fer canadiens est de faire preuve de résilience, en dépit des fluctuations de prix», explique de son côté Jeff Hussey, vice-président de Champion Minerals, une autre junior canadienne qui publiera fin novembre une étude de faisabilité pour une mine de fer à 65 km de Fermont.

Crainte vis-à-vis du gouvernement

Contrairement à Century Iron mines, Champion n'a pas encore cherché de partenaire stratégique pour financer son projet. Elle attend la publication d'une étude de faisabilité. Mais une juridiction qui taxerait la minière sur la valeur brute de sa production et imposerait des taxes sur des profits supérieurs à 8 % - tel que proposé par le gouvernement Marois - aurait un «impact négatif considérable» sur les projets à l'étape de développement, fait valoir Nochane Rousseau, car la minière serait taxée avant même d'avoir pu rembourser ses investisseurs.

Qui plus est, les petits projets miniers se financent souvent par des actions, plutôt que par de la dette. Or, dans les financements par action, les investisseurs exigent des rendements minimums de 15 %.

Bref, à l'heure actuelle, les minières sont devant leurs calculatrices et espèrent que le gouvernement minoritaire tombera ou refera ses devoirs.

«Tout gouvernement doit trouver un juste équilibre entre la volonté de maximiser les revenus de ses ressources naturelles et sa capacité d'attirer des capitaux pour que les projets se réalisent sur son territoire, relate Marc Dorion, avocat chez McCarthy Tétrault. N'oublions pas que chaque tranche de 20 millions de tonnes de fer produite au Québec représente 300 millions de dollars de revenus pour le gouvernement.»

Voilà peut-être pourquoi le gouvernement Marois dit maintenant aux minières qu'il est prêt à négocier avec elles avant de changer le régime de droits miniers.

+ 30 %

Hausse du prix du fer en seulement cinq semaines, de 86,70 $ US la tonne sur le marché spot, le 5 septembre, à 120 $, le 11 octobre.

87 $ US

Prix moyen de la tonne de fer d'ici 2017, selon les projections de la firme de conseillers financiers indépendants Raymond James.

45

Nombre de jours nécessaires au transport du fer de la Fosse du Labrador à la Chine, comparativement à huit jours de l'Australie à la Chine Source : Zoë Yujnovich, IOC

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