L'énergie de demain, vu par...

Publié le 21/09/2013 à 00:00, mis à jour le 19/09/2013 à 10:26

L'énergie de demain, vu par...

Publié le 21/09/2013 à 00:00, mis à jour le 19/09/2013 à 10:26

Quelle source d'énergie sera appelée à remplacer le pétrole au cours des prochaines années ? Les Affaires a posé la question à des personnalités du domaine. Voici leurs réponses.

Développer les ressources disponibles

«Lorsqu'on pense au futur, cela semble loin. Il y a donc danger d'immobilisme. Or, on ne peut pas attendre à demain pour trouver la recette énergétique qui assurera la croissance économique tout en minimisant les impacts sur l'environnement. N'oublions pas que le tiers de l'humanité n'a actuellement pas accès à l'électricité. L'énergie de demain reposera ainsi sur l'aptitude des sociétés à développer leurs ressources disponibles en fonction de leurs avantages comparés.»

- Sophie Brochu, présidente et chef de la direction de Gaz Métro

Des productions énergétiques décentralisées

«D'abord, il n'y aura pas qu'une seule énergie, il y en aura plusieurs. Il faut donc parler d'énergie de demain au pluriel. Le Québec foisonne justement d'entreprises qui développent de nouvelles technologiques énergétiques. Nos universités détiennent plus de 200 brevets dans le domaine solaire. Cela dit, les modes de production d'énergie seront très décentralisés. Le règne des grands centres de production, tels les barrages hydroélectriques, les centrales au charbon, les centrales nucléaires, tire à sa fin. Panneaux solaires, géothermie, éolienne... D'ici 20 ans, toutes et tous produiront à plus petite échelle leur propre énergie de consommation. Même la batterie de la voiture électrique sera mise à contribution. Hydro-Québec travaille déjà sur des programmes d'échange d'énergie véhicule-réseau et véhicule-maison pour utiliser l'énergie stockée dans les batteries comme source d'appoint.»

- Steven Guilbeault, directeur principal d'Équiterre

Dans l'ombre des puissants lobbys

«Les énergies de demain pourraient être mises en oeuvre dès aujourd'hui. Nous avons toutes les technologies en main pour exploiter l'éolien, le solaire, la biomasse, la géothermie... L'Amérique du Nord pourrait aisément bénéficier d'une électricité issue d'un système alimenté par l'éolien (60 %), le solaire (30 %) et d'autres formes d'énergie renouvelable. Le hic, ce sont les puissants lobbys des secteurs du charbon, du pétrole et du nucléaire. Ceux-ci empêchent l'exploitation maximale de ces formes, dont l'impact sur l'environnement est faible. Pas question pour ces secteurs de perdre leurs acquis. Et pour l'instant, ils réussissent à inspirer le doute et la peur à la population. Mais à l'image de l'industrie du tabac qui, elle aussi, a bénéficié d'une solide influence pendant trois décennies, celle de l'énergie traditionnelle finira par décroître.»

- Paul Gipe, analyste californien de l'industrie de l'énergie, auteur de livres portant sur l'éolien

Ne pas sous-estimer le solaire

«L'énergie de demain dépendra de l'endroit où vous vous trouverez. Au Québec, nous sommes extrêmement choyés par une production électrique issue d'une multidiversité de sources d'énergie renouvelables. L'avenir de l'énergie se conjuguera donc à l'hydroélectricité, à l'éolien, à la biomasse, sans oublier le solaire. On a tendance à sous-estimer le potentiel solaire du Québec. Il est pourtant tout aussi important que celui de l'Allemagne, un des plus grands producteurs d'énergie solaire du monde. Aujourd'hui, les cellules photovoltaïques sont quatre à cinq fois plus efficaces qu'il y a 20 ans. Et le prix de revient des panneaux se veut plus abordable. Le défi du futur, quelle que soit la source des énergies renouvelables, qui sont en fait des énergies très volatiles, sera de développer des accumulateurs d'énergie pour mieux les stocker... et les exporter. Encore une fois, le Québec est choyé, car il bénéficie de grands réservoirs d'eau qui sont des accumulateurs naturels.»

- Guy Drouin, président de Biothermica

Le gaz naturel, l'énergie de la prochaine décennie

«L'énergie de demain, peu importe l'endroit où l'on se trouve sur la planète, devra répondre à quatre critères : être disponible, accessible, abordable et acceptable. Si l'un de ces quatre éléments n'est pas respecté, l'exploitation de la ressource ne fonctionnera pas. Le transport des ressources énergétiques doit également être pris en considération pour desservir la population. Après le pétrole et le charbon, le gaz naturel est en voie, lui aussi, d'être transporté à l'échelle planétaire, par voies tant maritime que terrestre, ainsi que par oléoducs. Cela explique, selon moi, des prévisions de croissance mondiale relativement à la demande de gaz naturel pour les 10 prochaines années. Le pétrole continuera également de dominer le marché tant et aussi longtemps que les technologies pour le transport de l'électricité ne seront pas plus abordables. Par ailleurs, compte tenu des immenses réserves mondiales de charbon, notamment aux États-Unis, en Russie, en Chine et en Inde, on assistera au retour de cette ressource. Mais, attention, il s'agira d'un charbon propre dont on pourra recueillir les émissions.»

- André Caillé, consultant énergétique sur le continent africain, ex-pdg, Hydro-Québec et ex-président du Conseil mondial de l'énergie

Les réservoirs d'eau, nos batteries

«L'énergie de demain sera un mariage complémentaire entre plusieurs ressources. Une seule ressource ne suffira pas à la demande. Et le défi ne consistera pas seulement à produire de l'énergie, mais à avoir la capacité de l'accumuler pour mieux l'exploiter et la transporter. Le Québec, c'est un monde à part. On les a, nos propres batteries, avec nos grands réservoirs d'eau. Ce qui n'est pas le cas d'autres régions du globe, où chacun devra composer avec les ressources de proximité.»

- Patrick Lemaire, président de Boralex

L'énergie sera plus créative !

««L'énergie de demainsera très créative. Ce sera une énergie innovante capable d'exploiter de nouvelles sources de carbone pour remplacer le pétrole. On se dirige vers un monde où il sera plus facile de réutiliser le carbone résiduel, actuellement gaspillé. Grâce au capital d'innovation, nous sommes déjà en mesure de puiser du carbone dans des endroits, notamment dans les déchets, où il aurait été impensable d'en puiser il y a même cinq ans. Chez Enerkem, notre technologie pourrait éventuellement transformer en éthanol plus de 30 % des 529 millions detonnes métriques de déchets produites chaque année en Amérique du Nord. Ce qui correspondrait à 63 milliards de litres d'éthanol. Et le plus beau de tout cela, c'est que ce carburant issu du carbone résiduel pourrait coûter moins cher à produire que le carburant composé d'essence traditionnelle.»

- Vincent Chornet, président et chef de la direction d'Enerkem

Du pétrole «Made in Québec» pour développer des énergies vertes

«Le pétrole va continuer d'occuper une place considérable à titre de ressource énergétique au cours des 40 prochaines années. Compte tenu du coût que représente l'importation de pétrole au Québec (15 milliards de dollars par année), on doit considérer, sur un plan éthique, les retombées de la production de notre propre pétrole. On doit se donner la chance de développer et tirer profit de notre propre expertise pétrolière. Une production pétrolière québécoise éliminerait non seulement d'importants coûts d'importation, mais elle servirait aussi d'outil de transition pour développer des énergies renouvelables. Plusieurs entreprises mondiales contribuent déjà à la recherche et au développement des énergies renouvelables. Pourquoi ne le ferait-on pas ici ?»

- Isabelle Proulx, vice-présidente, développement des affaires de Petrolia

Concilier croissance économique et réduction des GES

«L'énergie parfaite n'existe pas. Quelles que soient les ressources, les énergies de demain devront concilier croissance économique et diminution des émissions de gaz à effet de serre. À ce propos, si les environnementalistes ne sont pas toujours écoutés, les grandes sociétés d'assurances mondiales, elles, commencent à faire valoir leur opinion. Les conditions climatiques extrêmes liées au gaz à effet de serre finissent par leur coûter cher en réclamations. Ce qui explique, entre autres, que le gaz naturel fasse des percées importantes dans le domaine du transport lourd. Ce n'est pas la solution idéale, mais c'est déjà une bonne transition. Après tout, il y a un rythme à suivre pour assurer la croissance économique.»

- Jean-François Samray, pdg de l'Association québécoise de la production d'énergie renouvelable

À chacun sa ressource électrique

«Après le feu, le charbon et le pétrole, le prochain vecteur énergétique qui contribuera au développement humanitaire sera, à mon avis, l'électricité. Comment sera-t-elle produite ? Oubliez la solution unique. Chaque pays, chaque région produiront cette électricité à l'aide des ressources dont il ou elle dispose. Et, puisque ces ressources ultimes sont immenses, les différentes façons de fabriquer de l'électricité auront pour avantage de réduire l'actuelle dépendance mondiale au pétrole, contrôlée par une poignée de grandes sociétés. Cette dépendance a justement commencé à plafonner et devrait décroître d'ici 2050. Remarquez, le défi sera de trouver les bons procédés pour développer ces sources d'électricité et en augmenter l'efficacité afin de réduire leurs impacts sur l'environnement.»

- Gaétan Lafrance, professeur honoraire à l'Institut national de la recherche scientifique

Soleil et attraction terrestre

«L'énergie du futur est celle qui saura le mieux intégrer les deux sources initiales d'énergie de la planète : soit l'attraction terrestre et le solaire. L'hydroélectricité constitue le meilleur exemple de cette intégration. L'énergie solaire fait monter l'eau sous forme de vapeur. Cette même eau, qui retombe en pluie, remplit les grands réservoirs qui, par gravité, alimentent par la suite les centrales.»

- Pierre-Olivier Pineau, professeur HEC et spécialiste des politiques énergétiques

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