L'exploitant de sites transactionnels revigore LesPAC et cherche d'autres acteurs rentables du Web

Claude Roy n'est plus le bourreau de travail qu'il a été pendant ses 28 ans chez le spécialiste des logiciels de gestion pour hôpitaux Logibec, mais il prend visiblement un réel plaisir à donner une nouvelle vie à Technologies interactives Mediagrif, un exploitant de cybermarchés interentreprises.

« Je suis allé au bureau une dizaine de fois au cours des trois derniers mois. Je reste connecté en tout temps aux cadres et aux membres du conseil par courriel. Quand tu diriges une entreprise, tu y penses tout le temps », a-t-il confié lors d'un entretien qu'il nous a accordé au siège social de Mediagrif, à Longueuil.

Ça ne l'empêche pas de s'être fixé d'ambitieux objectifs. M. Roy se donne deux ou trois ans pour doubler la taille de Mediagrif. Cela se fera en améliorant davantage les rendements financiers, afin d'obtenir, par ricochet, une plus grande valeur boursière.

« Lorsque tu atteins une valeur boursière d'un demi-milliard de dollars, tu apparais dans le radar d'un plus grand nombre d'investisseurs. »

Ainsi, des investisseurs américains veulent déjà le rencontrer, intrigués par les marges et les rendements élevés de la PME établie près du métro Longueuil.

Pour arriver à ses fins, Mediagrif devra doubler à 45 millions de dollars son bénéfice d'exploitation. « La moitié du chemin est déjà fait », assure M. Roy.

Il vise notamment à faire passer ses marges d'exploitation de 35% à plus de 40%. Un tel niveau séduirait des partenaires potentiels, tout en assurant de bons flux de trésorerie pour saisir des occasions comme LesPAC, le site d'annonces classées acquis à la fin de 2011.

Mediagrif : une cible devenue un placement personnel

« J'avais étudié Mediagrif dès 2006 quand j'étais chez Logibec, mais leurs sites interentreprises ne cadraient pas avec la vocation des logiciels de gestion d'organismes de la santé. J'étais attiré par leurs marges et leurs revenus récurrents. À l'époque, j'y ai plutôt investi de façon personnelle. Je suis entré au conseil en 2007 et j'ai accédé à la présidence en décembre 2008 », dit l'entrepreneur de 64 ans.

Reconnu pour sa gestion serrée des coûts, M. Roy a consacré les deux premières années à donner une cure minceur à l'entreprise.

« Il y avait 28 sociétés et une douzaine de bureaux, dont en Inde et à Dubaï. J'ai fait le ménage là-dedans », confie l'homme d'affaires avec son franc-parler habituel. M. Roy a aussi harmonisé les rabais, les commissions de vente et la structure des effectifs des plateformes.

« Il y a beaucoup de fonctions qu'on peut mettre en commun, des centres d'appel à l'achat de clics Google, en passant par les publipostages », donne-t-il en exemple.

La relance de la société est aussi passée par son emménagement il y a deux ans dans de nouveaux locaux plus modernes. On y a installé une aire de jeu dans la cafétéria, question de redynamiser les troupes malmenées par les turbulences internes d'avant 2008.

Après le dégraissage, la croissance

Maintenant que M. Roy a dégraissé Mediagrif, regroupé diverses fonctions et plateformes, puis qu'il les a confiées à une poignée de cadres dans lesquels il a confiance, il passe en mode croissance.

À la réunion stratégique de février 2012, Mediagrif a aussi choisi de concentrer 60% de ses investissements à ses quatre réseaux offrant les meilleures perspectives de croissance interne : le site de petites annonces LesPAC.com, le réseau d'appels d'offres gouvernementaux MERX, le site InterTrade de transfert électronique de documents pour la chaîne d'approvisionnement des entreprises des domaines de la chaussure, de l'automobile, des produits pharmaceutiques et des produits alimentaires, ainsi que les cinq plateformes américaines de gestion d'appels d'offres du secteur de la construction.

LesPAC : un potentiel encore à exploiter

Acquise pour 72,5 millions de dollars auprès du groupe Yellow Media grâce à l'appui de ses banquiers, le site de petites annonces LesPAC.com est le plus prometteur aux yeux de M. Roy, en raison de sa notoriété et de ses 1,7 million de visiteurs uniques par mois.

La croissance de ce site repose sur l'augmentation du nombre d'utilisateurs, actuellement autour de 780000.

Une application mobile pour iPhone est aussi fonctionnelle depuis peu.

Depuis décembre, les Québécois qui passent l'hiver en Floride ont aussi accès au site.

LesPAC a tout simplement inséré les données de localisation des membres (liste des codes postaux américains des villes) et a modifié certaines pages du site.

Au cours des prochains mois, LesPAC.com sera offert en anglais.

« Une fois la saison forte du printemps et de l'été passée, nous améliorerons l'expérience de l'internaute, notamment le processus d'inscription, le moteur de recherche par mots clés, le classement des rubriques de produits et les forfaits », dit M. Roy, sans dévoiler plus de détails.

LesPAC évalue d'autres outils de séduction, comme les promotions et les cartes de fidélité, indique M. Roy.

Miser sur la vente de maisons et de voitures

Pour attirer de nouveaux utilisateurs, LesPAC mise aussi sur de nouveaux produits tels que l'immobilier résidentiel, les voitures d'occasion et, à moyen terme, l'emploi.

« Si nos créneaux sont bien cernés, des gens intéressés prendront contact avec nous pour proposer des choses », prévoit M. Roy.

Déjà, LesPAC offre aux membres de la Chambre d'immeuble de Montréal, partenaire du site, des forfaits pour les inciter à mettre en ligne toutes leurs inscriptions quotidiennement.

Il en va de même dans l'automobile, où les concessionnaires peuvent mettre en ligne un plus grand nombre de leurs véhicules en stock.

Autre cible à moyen terme : l'emploi, un créneau que Claude Roy juge porteur.

« C'est un marché difficile dans lequel je suis néophyte. On cherche une formule qui exploiterait la réalité augmentée du Web. Au lieu d'afficher un emploi classique pour un mécanicien de classe A, par exemple, un employeur tel que Xstrata pourrait mettre en valeur les profils de carrière de son organisation. »

Dans le créneau de l'emploi, LesPAC pourrait procéder par acquisition ou s'allier à des partenaires afin d'implanter elle-même de nouveaux services.

« On pourrait travailler pour le Plan Nord en reliant employeurs, écoles et instituts », donne aussi en exemple M. Roy.

Encore à l'affût d'acquisitions

Maintenant que Mediagrif a déjà intégré LesPAC et a commencé à rembourser la dette de 40 millions de dollars contractée pour la transaction, elle part de nouveau à la chasse aux acquisitions.

« On peut saisir d'autres occasions de sociétés Web dont le modèle d'affaires tirerait profit de nos forces en technologie, en ressources humaines et en gestion », indique M. Roy.

Mediagrif vise des entreprises qui réalisent des revenus de 5 à 25 millions de dollars.

Si une occasion d'achat de plus de 25 à 35 millions se présentait, Mediagrif émettrait de nouvelles actions pour récolter le capital nécessaire.

MEDIAGRIF EN CHIFFRES

23,8 % Part des actions de Mediagrif détenues par Claude Roy.

29,8 M$ Somme que Claude Roy a personnellement investie dans Mediagrif depuis 2006, à un coût moyen de 9$ par action.

910 % Gain de l'action de Mediagrif depuis que M. Roy en est devenu le président, en décembre 2008.

CV

64 ans

Président, chef de la direction et président du conseil de Mediagrif depuis le 15 décembre 2008. De 1982 à juillet 2010, M. Roy dirigeait Logibec Groupe informatique, dont il est le fondateur.

Il est titulaire d'un baccalauréat en génie de l'Université de Montréal et d'une maîtrise en administration des affaires de HEC Montréal.

Marié, père de deux filles, Catherine et Mélissa, et grand-père de quatre petits-enfants.

Passe-temps : ski, voile et petits-enfants.

Livres marquants :Good to Great, de Jim Collins, et The Presentation Secrets of Steve Jobs, de Carmine Gallo.

Le site d'annonces classées LesPac.com a été lancé en Floride en décembre, question de faire un clin d'oeil aux vacanciers québécois. Le trafic provenant de la Floride est encore marginal.

66 % Part des revenus qui proviennent de frais récurrents d'abonnement, d'hébergement et de maintenance.

SES RÉFLEXIONS SUR...

L'ENTREPRENEURIAT

« Je crois qu'on nait entrepreneur. Ça tient à l'aversion au risque. »

LA RELÈVE

« Les entreprises ont aussi une mission sociale. Quand j'ai vendu Logibec, j'ai choisi un acquéreur qui garderait les emplois au Québec. »

DOMINIQUE.BEAUCHAMP@TC.TC