Acheter en Europe... quand tout tombe

Publié le 04/08/2012 à 00:00, mis à jour le 02/08/2012 à 09:18

Acheter en Europe... quand tout tombe

Publié le 04/08/2012 à 00:00, mis à jour le 02/08/2012 à 09:18

Avez-vous l'audace des CGI, Genivar et Alimentation Couche-Tard ? Ces trois québécoises sont sorties de leur zone de confort afin de faire de grosses acquisitions en Europe. Ces acquéreurs ont vu des occasions à saisir puisque les prix qu'ils ont offerts étaient de 25 à 67 % supérieurs au cours de leurs proies. Les investisseurs devraient-il les imiter ? Voici ce qu'en pensent quatre experts.

«Il ne faut pas voir ces transactions comme un coup de pistolet de départ. Contrairement aux acquéreurs, les investisseurs n'ont aucune influence sur les sociétés qu'ils achètent.» Marc Christopher Lavoie, vice-président, marchés européens, Hexavest

Les acquéreurs comme Groupe CGI profitent bel et bien d'une chute de l'évaluation des titres européens pour sauter sur des occasions et élargir leur marché, mais M. Lavoie met en garde les investisseurs individuels contre la tentation de les imiter.

Les acquéreurs connaissent bien leur proie et peuvent en tirer des synergies de revenus ou de coûts à plus long terme, un avantage inaccessible aux petits investisseurs. «Groupe CGI, par exemple, dit avoir étudié sa proie, Logica, pendant cinq ans», illustre-t-il.

En général, l'évaluation des titres européens est attrayante, mais les risques économiques demeurent très élevés.

L'effet du taux de change entre le huard et l'euro est un risque plus important à gérer pour l'investisseur que pour une entreprise ayant des sources de revenus et de coûts diversifiées.

Les géants mondiaux de produits de consommation ou pharmaceutiques établis en Europe, souvent les plus intéressants pour les investisseurs en raison de leurs clients non européens, ne sont pas de véritables aubaines non plus : les investisseurs s'y sont réfugiés depuis trois ans, note M. Lavoie.

Voici néanmoins ses titres préférés :

NESTLÉ

Rendement total (incluant les dividendes) de 27,8 % du 1er janvier 2008 au 30 juin 2012

Nestlé (NY, ADR, NSRGY, 61 $ US) se distingue du lot. La multinationale suisse est un acteur dominant dans les pays émergents, qui lui procurent 44 % de ses revenus. L'absence de marques privées dans ces marchés l'avantage.

«Sa franchise de café Nespresso lui procure aussi une source de croissance importante pour un titre traditionnellement défensif», dit M. Lavoie. Ainsi, les revenus de Nespresso et de Nescafé ont respectivement bondi de 22 % et 11 % en 2011.

Nestlé vient aussi d'avaler le producteur d'aliments pour enfants Pfizer Nutrition, pour 11,8 milliards de dollars américains.

SANOFI-AVENTIS

Rendement total de 19,3 % entre le 1er janvier 2008 et le 30 juin 2012

La pharmaceutique parisienne Sanofi-Aventis (NY, ADR, SNY, 40,74 $ US) est un autre titre prudent que M. Lavoie considère comme attrayant en raison de ses cinq axes de croissance : les marchés émergents, les vaccins, le diabète, les médicaments sans prescription et les soins vétérinaires.

La méfiance des investisseurs envers l'Europe a fait chuter son évaluation à moins de neuf fois ses bénéfices. «C'est bien peu payer pour une entreprise dont le portefeuille de médicaments cadre avec les besoins des pays émergents, où elle réalise déjà 30 % de ses revenus.»

L'achat de Genzyme l'aidera aussi à contrer l'expiration de plusieurs brevets de ses médicaments vedettes.

«Globalement, les actions européennes ont l'air d'aubaines, mais la chute des cours des banques tire l'évaluation moyenne vers le bas.» Paul Moroz, gestionnaire de portefeuille, Mawer Investment Management

Plusieurs titres européens se négocient à des évaluations raisonnables, sans être des aubaines, observe M. Moroz, qui consacre 35 % de son fonds mondial aux actions européennes, dont 20 % au Royaume-Uni.

«Être hors de la zone euro donne plus de flexibilité au Royaume-Uni pour gérer ses taux d'intérêt et sa politique fiscale, mais il faut garder en tête que le pays et ses banques réduiront leurs dettes pendant un bon moment, ce qui ralentira l'économie britannique.»

La fragilité de la monnaie européenne n'est pas un obstacle suffisant pour s'abstenir d'investir en Europe, pense M. Moroz. Le meilleur moyen d'atténuer les risques consiste à miser sur des entreprises dotées de modèles d'affaires solides et à préférer l'industrie des services.

Le gestionnaire de Calgary cible des entreprises de taille moyenne, méconnues des investisseurs.

RESTAURANT GROUP

Rendement total de 102 % entre le 12 janvier 2008 et le 30 juin 2012

Restaurant Group (Londres, RTN, 326 pence), qui compte 350 restaurants de différentes enseignes, est un bon exploitant. Le restaurateur se concentre sur des créneaux qui lui ont procuré un rendement élevé sur le capital investi, soit de 21 % au cours des deux dernières années.

Le groupe exploite des concessions dans les magasins de grande surface, des pubs dans des immeubles qu'il possède, ainsi qu'une cinquantaine de concessions dans les aéroports. Son titre s'échange à un multiple raisonnable de moins de 12 fois les bénéfices prévus en 2013, et son dividende procure un rendement de 4 %. Le groupe a aussi un bon bilan, sa dette nette équivalant à seulement 0,2 fois son bénéfice d'exploitation.

DCC

Rendement total de 14,2 % entre le 1er janvier 2008 et le 30 juin 2012

M. Moroz propose aussi le conglomérat irlandais DCC (Londres, DCC, 20,18 pence). Sa filiale DCC Energy est le principal distributeur de produits pétroliers en Irlande, au Royaume-Uni et en Suède. «DCC facture en fonction des litres transportés. Ses activités lui fournissent des revenus récurrents qui lui permettent d'acquérir des distributeurs que les grandes pétrolières vendent, pour densifier ses zones de desserte», explique M. Moroz.

Une autre filiale, SerCom, distribue du matériel informatique, comme des ordinateurs, des serveurs et des consoles de jeu. DCC Healthcare fournit du matériel médical aux hôpitaux en Irlande et en Grande- Bretagne. DCC Environmental collecte des déchets. DCC Food & Beverage fournit des aliments, des boissons et des vitamines aux épiceries et aux pharmacies.

«Les investisseurs ne réalisent pas que la crise donne aux sociétés européennes une rare occasion d'extraire des concessions de leur main-d'oeuvre pour devenir encore plus efficaces.» - Thomas Adrian Russo, gestionnaire chez Gardner Russo & Gardner

«La crise n'est pas une raison pour bouder les multinationales européennes capables d'enrichir leurs actionnaires à long terme.» Thomas Adrian Russo , Gardner Russo & Gardner

Amateur de propriétaires de grandes marques depuis toujours, M. Russo juge que le moment est propice pour choisir des chefs de file mondiaux en Europe si ont est capable d'ignorer la crise et de se concentrer sur les bénéfices futurs.

«La crise leur donne une occasion unique de devenir encore plus efficaces en obtenant de rares concessions de leurs employés. Cela libérera des capitaux pour investir dans les pays émergents, où les nouveaux consommateurs aiment s'offrir le luxe du mode de vie occidental pour le prix d'une bouteille de Chivas», mentionne le gestionnaire de Pennsylvanie.

À ce chapitre, les meilleures multinationales d'Europe ont une longueur d'avance dans les pays émergents où elles sont établies depuis longtemps.

Son plus important placement est Nestlé. «Les investisseurs sous-estiment à quel point la force concurrentielle de ses marques lui donne une capacité inégalée de réinvestir ses bénéfices dans de nouveaux marchés qui renforcent davantage la valeur de ses marques et ainsi de suite», explique-t-il.

En Chine par exemple, Nestlé est déjà trois fois plus imposante que son plus proche concurrent. «La société s'approprie sans cesse de plus grosses parts de marchés en croissance», précise M. Russo.

HEINEKEN

Rendement total de 2,5 % entre le 1er janvier 2008 et le 30 juin 2012

Dans l'industrie de la bière qui s'épure au fil des fusions et des acquisitions, Heineken N.V. (NY, ADR, HINKY, 27,17 $ US) est le brasseur le plus attrayant aux yeux de M. Russo. Comme les autres brasseurs d'origine familiale, la société met l'accent sur les flux de trésorerie et le rendement du capital investi, à très long terme.

Or, son titre est davantage boudé parce que le brasseur domine le marché européen. Il est donc le plus associé à la crise qui sévit sur le continent. Pourtant, à long terme, le brasseur a de bonnes ressources financières, ainsi que de belles marques à exploiter pour croître au Mexique, en Indonésie et en Inde, par exemple.

«Les évaluations en Europe retrouvent leur niveau de 2009 et même de 2000. Malgré tout, la devise et la récession militent pour des choix sélectifs.» Richard Jenkins, directeur associé chez BlackCreek Investment Management

L'après-crise de 2008 ressemble à la crise de la dette russe de 1997 et à celle de la dévaluation des monnaies asiatiques en 1998. «En 1999, le tiers des titres dans mon portefeuille avaient alors été l'objet d'offres d'acquisition. Les crises incitent souvent les survivants à vouloir s'approprier plus de parts de marché pour croître», signale Richard Jenkins.

Les Bourses européennes ne sont pas un marché aux puces pour autant. «Il faut un long horizon de placement pour mettre l'orteil à l'eau», dit-il.

La prudence reste de mise dans le choix des titres. Mieux vaut éviter les entreprises qui dépendent des consommateurs européens (telles que Carrefour) et encore plus les sociétés endettées (telles que Lafarge), recommande le gestionnaire.

M. Jenkins détient deux titres hors des sentiers battus qui sont appelés à donner un bon rendement à long terme grâce aux efforts de relance.

WIENERBERGER

Rendement total de - 7,7 % entre le 1er janvier 2008 et le 30 juin 2012

Le plus important producteur de briques du monde et premier fabricant européen de tuiles pour les toits, l'autrichienne Wienerberger (NY, ADR, WBRBY), exploite 230 usines dans 30 pays.

Inscrite en Bourse depuis 1869, Wienerberger s'est restructurée pendant la crise pour renforcer son bilan, diminuer ses coûts, offrir des produits à valeur ajoutée et se réorienter vers les marchés de la rénovation et des infrastructures.

La société met l'accent sur la génération de flux de trésorerie et vise un rendement d'au moins 11,5 % sur ses investissements. Elle estime avoir une capacité excédentaire de production de 25 % qu'elle pourra mettre à profit, sans investissements additionnels, lorsque la construction reprendra.

MICRONAS

Rendement total de - 26,1 % entre le 1er janvier 2008 et le 30 juin 2012

La suisse Micronas (Six Swiss Exchange, MASN, 9,95 FS) est aussi une survivante en voie de rétablissement. Établie à Zurich, Micronas fabrique toute une panoplie de sondes et de capteurs pour les systèmes de contrôle automobiles, ainsi que des capteurs de dioxyde de carbone pour les immeubles. Ses capteurs de mouvement ou d'électricité ont une foule d'applications industrielles.

La crise a fait fondre ses revenus dans la branche des semiconducteurs pour les produits électroniques, mais Micronas bénéficie de la reprise de l'industrie automobile au Japon, où elle a réalisé 89 % de ses ventes à l'industrie automobile en 2011.

La société suisse est rentable, dégage de bons flux de trésorerie, malgré des investissements en recherche qui représentent 17 % de ses revenus. Les analystes prédisent que ses bénéfices bondiront de 55 % entre 2011 et 2013.

COMMENT ACHETER DES TITRES EUROPÉENS

Il est coûteux, voire impossible auprès de certains courtiers tels que Valeurs mobilières Desjardins et Disnat Direct, d'acheter directement des titres inscrits aux Bourses européennes.

Les courtiers recommandent donc à leurs clients de privilégier les certificats de propriété d'actions étrangères (American Depositary Receipts, ou ADR) inscrits à la Bourse de New York.

Un ADR est un certificat négociable émis par une banque américaine en contrepartie du dépôt d'un certain nombre d'actions étrangères. Un ADR dans Nestlé et Heineken, par exemple, représente une action dans chacune des deux sociétés. Il arrive qu'un ADR représente la propriété de plus d'une action.

La valeur boursière totale des certificats en circulation pour une société équivaut à une partie de sa valeur à sa Bourse d'origine.

Les ADR sont parfois moins facilement négociables que leurs actions d'origine, car il y a moins de certificats d'actions en circulation, explique Marc C. Lavoie, d'Hexavest. De plus, les dividendes versés peuvent différer de ceux du titre d'origine.

Quant au risque des changes, il est à peu près le même qu'on achète un ADR ou le titre d'origine, car le cours de l'ADR s'ajuste à la valeur du titre dans sa devise d'origine.

Les actions européennes sont à leur plus bas en 20 ans

Les bénéfices prévus dans un an pour...

L'Europe

9,7 x

Les États-Unis

12,3 x

Le Canada

12,0 x

15,1 G$

Valeur des acquisitions effectuées par des entreprises canadiennes en Europe, au deuxième trimestre de 2012, un sommet depuis 2008. Trois des quatre plus importantes transactions ont été réalisées par des entreprises québécoises.

Source : PreicewaterhouseCoopers

LONDRES

DCC

Londres, DCC

20,18 pence

RESTAURANT GROUP

Londres, RTN

326 pence

PARIS

SANOFI-AVENTIS

NY, ADR, SNY

40,74 $US

ZURICH

MICRONAS

Six Swiss Exchange, MASN

9,95 francs suisses

NESTLÉ

NY, ADR, NSRGY

61 $US

AMSTERDAM

HEINEKEN

NY, ADR, HINKY

27,17 $US

VIENNE

WIENERBERGER

NY, ADR, WBRBY

6,85 €

À la une

Le Québec pâtira-t-il de la guerre commerciale verte avec la Chine?

ANALYSE. Les producteurs d’acier craignent que la Chine inonde le marché canadien, étant bloquée aux États-Unis.

Bourse: Wall Street finit en ordre dispersé, le Dow Jones clôture au-dessus des 40 000 points

Mis à jour le 17/05/2024 | lesaffaires.com, AFP et Presse canadienne

REVUE DES MARCHÉS. La Bourse de New York a terminé en ordre dispersé.

À surveiller: AtkinsRéalis, Boralex et Lightspeed

17/05/2024 | Charles Poulin

Que faire avec les titres AtkinsRéalis, Boralex et Lightspeed? Voici des recommandations d’analystes.