" Les bilans financiers sont redressés, pas les réputations "

Publié le 29/01/2011 à 00:00

" Les bilans financiers sont redressés, pas les réputations "

Publié le 29/01/2011 à 00:00

Par Diane Bérard

" Je suis un enfant de Trudeau, j'aime profondément le Canada tout en me considérant comme un citoyen du monde. " De fait, Robert Greenhill a beaucoup voyagé. Il est né en Alberta; il a étudié à la London School of Economics et à l'INSEAD de Paris; il a travaillé chez McKinsey, à Toronto, et chez Bombardier, à Montréal; il a aussi dirigé l'ACDI, à Ottawa. Depuis 2008, il est établi à Genève, où il fait partie du cénacle du Forum économique mondial (WEF, en anglais). Cet homme allie avec brio théorie et pratique. " Je prends le temps et le recul nécessaire pour comprendre une situation. Ensuite, je cherche comment l'améliorer. " Chez Bombardier, où il a été vice-président, stratégie, et responsable des marchés émergents, il a appliqué les leçons apprises chez McKinsey. Le WEF est la suite logique pour cet Albertain qui possède une maîtrise en histoire internationale. Nous l'avons joint à Genève, alors qu'il s'affairait aux derniers préparatifs pour Davos.

Diane Bérard - Malgré la couverture médiatique, Davos reste une rencontre méconnue. Quels sont ses objectifs ?

Robert Greenhill - Nous réunissons des acteurs influents de différents univers afin qu'ils cherchent ensemble comment améliorer le sort du monde.

D.B. - Vu de l'extérieur, nous avons plutôt le sentiment que c'est un lieu où les riches et puissants négocient leurs contrats.

R.G. - Nous accueillons 2 500 visiteurs, dont environ 1 000 proviennent d'entreprises. Les autres sont des leaders religieux, politiques et syndicaux, des représentants d'organisations non gouvernementales (ONG) ainsi que 25 universités. Il ne s'agit absolument pas d'une rencontre entre gens d'affaires, mais bien entre les entreprises et leurs diverses parties prenantes.

D.B.- À titre de directeur général du Forum économique mondial, quel est votre rôle ?

R.G. - Je suis responsable des relations avec les entreprises ainsi que des relations avec les gouvernements.

D.B. - Et votre plus grand défi ?

R.G. - J'en ai trois. Cerner les enjeux de demain. Rassembler des acteurs de groupes différents qui peuvent avoir une influence positive. M'assurer que le WEF demeure indépendant et crédible.

D.B. - Quel est le mythe le plus tenace à propos de Davos ?

R.G. - Il y en a plusieurs. D'abord, la rencontre qui se tient cette semaine attire beaucoup l'attention, mais elle ne représente que 10 % des activités du WEF. Le Forum économique mondial comporte aussi de 30 à 40 initiatives par année, qui sont toutes aussi importantes. En ce moment, on y discute, entre autres, de gestion de l'eau et de sécurité alimentaire. Un autre mythe consiste à croire que le Forum est une organisation décisionnelle. C'est plutôt une plateforme où les participants peuvent échanger librement, sans contrainte de consensus. Aucun manifeste n'est signé à la fin de l'événement.

D.B. - Quelle influence a un organisme non décisionnel, dont les membres ne prennent aucun engagement ?

R.G. - Une influence bien plus importante qu'un organisme dont les participants sont forcés d'atteindre un consensus artificiel. Nous créons un environnement propice aux échanges et nous laissons les participants discuter. Davos n'est pas un lieu pour les discours, c'est un endroit pour les conversations. Je suis convaincu qu'à long terme, on y gagne. L'engagement des participants est plus sincère et plus durable, parce qu'il est libre.

D.B. - Au plus fort de la crise, on a beaucoup parlé de capitalisme renouvelé et de nouvel ordre économique mondial. Que reste-t-il de ces voeux, maintenant que la poussière retombe ?

R.G. - La poussière retombe peut-être, mais pas au même endroit. En trois ans, le monde a changé. D'abord, un mouvement économique et politique irréversible s'est déplacé vers l'Est et le Sud. Le monde du G8 est désormais le monde du G20. Ensuite, il devient évident que les firmes ne peuvent plus limiter leur responsabilité vis-à-vis de leurs seuls actionnaires. Elles sont redevables à de nombreux autres acteurs. Finalement, le discours, qui était jusque-là idéologique, est devenu mathématique : il sera impossible de répondre aux attentes de la population si les entreprises ne se soucient que d'elles-mêmes et de leurs actionnaires. La croissance de la population crée une pression énorme sur la consommation. Les pays émergents n'ont pas fini de réclamer leur part.

D.B. - En tant qu'ex-pdg de l'ACDI, diriez-vous que les pays pauvres ont été aspirés vers le haut par les pays riches ou qu'ils se sont propulsés eux-mêmes pour y arriver ?

R.G. - Le nouvel équilibre du monde, ce sont les pays pauvres qui l'ont réclamé, aidés par les ONG. Les pays riches n'ont eu d'autre choix que de suivre le mouvement.

D.B. - La crise a rendu les gouvernements très interventionnistes. Continueront-ils à surveiller les entreprises ?

R.G. - Cette crise est aussi une crise de confiance envers les entreprises et leur capacité de s'autoréglementer. Il est clair que ni le gouvernement ni la société ne vont croire les entreprises sur parole : ils réclameront un certain encadrement. Les bilans financiers sont redressés, mais pas les réputations.

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