Le gestionnaire modèle revoit son modèle

Publié le 01/09/2009 à 00:00

Le gestionnaire modèle revoit son modèle

Publié le 01/09/2009 à 00:00

YVRAS, le gestionnaire de l'aéroport de Vancouver, règne aussi sur 18 autres aéroports. Souvent cité en exemple, il vient de connaître deux revers. Ce n'est pas nécessairement une mauvaise nouvelle. Voici pourquoi.

L'ascension d'YVRAS (Vancouver Airport Services), la société responsable de l'aéroport de Vancouver, ressemble à un conte de fées. D'abord, cet aéroport a été un modèle, avec ses aires d'eau feng shui, ses oeuvres d'art autochtone, ses sculptures de Bill Reid et ses aires de repos. Puis, YVRAS est devenu un gestionnaire modèle. Depuis 1994, il a profité de la semi-privatisation des aéroports canadiens pour bâtir un empire qui, 15 ans plus tard, comprend 18 aéroports dans le monde, dont certains au Chili, aux Bahamas et en Jamaïque.

Rien ne semblait pouvoir arrêter YVRAS. En avril, puis en mai dernier, cette société a subi deux revers. Mais en affaires, ce qui peut sembler une mauvaise nouvelle ne l'est pas toujours. Ce peut être le signe qu'il faut changer de stratégie.

Au tournant des années 1990, l'industrie aéroportuaire vivait à l'heure de la privatisation et de ses nouveaux crédos : efficacité et simplicité. À bas la lourdeur bureaucratique qui minait la compétitivité des aéroports ! Au Canada, le gouvernement a adopté un modèle de gestion privée dans des aéroports qui appartiennent toujours au fédéral. " Le modèle gouvernemental était rigide et inefficace. Il ne répondait pas aux besoins de développement économique régional ", se rappelle Tae Oum, président de l'ATRAS (Association Trail Adventure Sèvre), la société de la recherche sur le transport aérien.

Frank O'Neill, gestionnaire général et vice-président de Vancouver Airport, s'occupe des opérations. Pendant les premières années de la privatisation, les gestionnaires procèdent à une expansion de l'aéroport de l'ordre de 500 millions de dollars. Le PDG actuel de YVRAS, George Casey, suit encore aujourd'hui les principes établis par son prédécesseur : " Notre priorité est d'augmenter le nombre de passagers, et de construire à temps des infrastructures qui soient efficaces. Notre structure est souple : nous maximisons les revenus qui ne proviennent pas de l'aéronautique ainsi que nos capacités de financement, et nous nous concentrons aussi sur notre relation avec nos associés ".

En 2003, l'ATRS (Air Transport Research Society) a d'ailleurs classé YVR premier pour sa gestion en Amérique du Nord. C'est ce modèle de gestion qu'a tenté d'exporter YVRAS par la création de son empire aérien. Jusqu'à l'année dernière, l'entreprise aura acquis plus d'un aéroport par an, chaque fois un peu plus grand.

C'est alors que surviennent, coup sur coup, deux revers.

Au printemps dernier, YVRAS devait étendre son emprise à Chicago, grâce à l'acquisition de l'aéroport de Midway, le premier aéroport américain à passer au privé. En raison de la crise économique, YVRAS et Citi Infrastructures Investors, son partenaire principal, n'ont pu trouver les capitaux nécessaires pour financer l'achat de Midway, pourtant approuvé à l'automne. En avril, ils ont dû annoncer l'annulation de la transaction. L'aéroport de Chicago avait été acquis au coût de 2,5 milliards de dollars américains, et sa vente avait fortement endetté l'entreprise aérienne.

Un mois plus tard, British Airports Authority (BAA) enfonçait à son tour un autre clou à YVRAS et Citi Infrastructure Investors, en annonçant que leur soumission concernant l'aéroport de Gatwick était non concurrentielle et qu'elle ne garantissait pas que le consortium pourrait livrer ce qu'il proposait. Jusqu'à la fin, avec son partenaire, Citi Infrastructure Investors, YVRAS était dans la course pour obtenir la gestion de London-Gatwick qui, avec ses 34 millions de visiteurs par an, est le deuxième aéroport en importance de Grande-Bretagne. L'opération, si elle avait réussi, aurait fait de YVRAS un des gros acteurs de l'industrie, et lui aurait permis de doubler le nombre de ses passagers dans le monde. Mais YVRAS et Citi Infrastructure Investors ne faisaient pas le poids face aux acteurs britanniques de l'industrie.

Ce revers est-il une si mauvaise nouvelle ? Pas selon Anthony Perl, auteur de Transport Revolutions - Moving People Without Oil : " Obtenir le contrat de Gatwick, c'était l'équivalent d'hypothéquer le Titanic une fois en mer, mais avant qu'il ne touche... un iceberg ".

Selon Anthony Perl, de l'Université Simon Fraser, Gatwick, en vente à deux milliards de livres sterling (3,7 G $ CA), vaudrait la moitié de ce que demande le BAA, la plus importante société de gestion aéroportuaire du monde, qui doit s'en départir pour des raisons de monopole en Grande-Bretagne. À long terme, si YVRAS avait remporté la mise, ce sont les utilisateurs de l'aéroport de Vancouver qui auraient eu à amortir les dépenses liées à l'acquisition de Midway et de Gatwick.

La prochaine révolution des transports

Les revenus de YVRAS, de même que sa capacité à rembourser les dettes contractées par l'achat de services aéroportuaires, sont assurés par l'expansion du marché, estimé à environ 2,5 % par an. Pourtant, en 2009, l'aéroport de Vancouver devrait connaître un déclin de visiteurs de l'ordre de 4,5 %. Après 40 ans de croissance quasi continue, la situation devrait être la même partout dans le monde. " On verra même des diminutions dans les deux chiffres dans l'aviation au cours de la prochaine décennie ", affirme Anthony Perl.

En juin dernier, Giovanni Bisignani, le PDG de l'IATA, l'Association internationale du transport aérien, annonçait déjà des pertes de 10,4 milliards de dollars pour l'industrie en 2008. Ces pertes sont liées aux coûts plus élevés du pétrole au cours des six premiers mois et à la crise économique lors des six derniers.

Conséquence de la crise, bien sûr, mais aussi de la transformation majeure de l'industrie aérienne. En raison de la reprise, le coût de l'essence ne manquera pas de grimper de nouveau, ce qui augmentera du coup les prix du transport aérien. Et vu les changements climatiques, une nouvelle génération de voyageurs pourrait bien y penser à deux fois avant de prendre l'avion à des fins touristiques.

S'il est encore trop tôt pour annoncer la mort de l'industrie aérienne telle qu'on la connaît, Anthony Perl y voit un signe que le modèle d'affaires de YVRAS, qui a contribué à sa réussite, mérite une transformation de taille. La souplesse qui a fait les beaux jours de YVRAS devrait maintenant être mise à profit pour consolider ses assises sur terre, grâce à l'amélioration des transports ferroviaires entre les aéroports et la ville. Car c'est sur terre, et non dans les airs, que se produira la prochaine révolution des transports.

Moncton

Canada

Nassau

Bahamas

Chypre

(2 aéroports)

Santiago

Chili

Îles Turks & Caicos

(2 aéroports)

République Dominicaine

(6 aéroports)

Vancouver

Canada

Hamilton

Canada

Kamloops

Canada

Fort St. John

Canada

Montego Bay

Jamaïque

Cranbrook

Canada

francisplourde@mac.com

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