Pourquoi la loi du silence règne-t-elle chez SNC-Lavalin?

Publié le 28/03/2012 à 09:33, mis à jour le 29/03/2012 à 14:28

Pourquoi la loi du silence règne-t-elle chez SNC-Lavalin?

Publié le 28/03/2012 à 09:33, mis à jour le 29/03/2012 à 14:28

Deux méthodes sont en général adoptées pour éviter cet écueil. Des incitatifs financiers suffisants pour que le PDG ne soit pas tenté par la beauté du diable. Et une surveillance renforcée des faits et gestes du PDG menée par le conseil d’administration. Le hic? Ce sont des méthodes coûteuses et complexes à mettre en pratique, souligne M. Hendry dans son étude. Des méthodes, de surcroît, pas toujours très efficaces : l’étude semble indiquer que les incitatifs financiers visant à apaiser la cupidité des PDG ne sont pas des freins à toute épreuve… Des méthodes, enfin, mal appliquées : par exemple, nombre de conseils d’administration se contentent d’un rapport d’activité établi et présenté par le PDG lui-même à son sujet, alors qu’ils devraient commander à une tierce partie indépendante un véritable audit sur ses décisions et agissements.

En conclusion, comment résoudre le paradoxe de départ? Le professeur de Cambridge suggère en substance de revoir de fond en comble l’approche habituelle de la bonne gouvernance. Il faudrait que l’on comprenne que la discrétion du PDG est une chose normale, et même une vertu à cultiver. Il faudrait qu’on saisisse aussi que cette vertu a son revers, comme toutes les autres vertus, et qu’il est donc très aisé de voir des PDG se dissimuler derrière cette image vertueuse pour échafauder des projets dérogeant à l’éthique et les mener à terme en douce. Ni vu ni connu.

Il faudrait encore que le conseil d’administration soit moins naïf à l’égard du PDG qu’il a choisi pour diriger l’entreprise. Il ne doit pas lui donner carte blanche, mais au contraire renforcer sa surveillance, comme s’il devinait que le PDG allait profiter de sa situation pour mal agir. Il devrait être tout bonnement plus prudent.

Revenons maintenant au cas qui nous intéresse, celui de SNC-Lavalin. Je disais que M. Duhaime était un excellent PDG. Or, on note que, sans l’ombre d’un doute, celui-ci a fait preuve d’une remarquable discrétion. Il n’a, semble-t-il, pas confié à grand monde à quoi et à qui étaient destinés ces fameux 56 millions de dollars. Et il ne le dira sûrement jamais, à moins, bien sûr, que la Gendarmerie royale du Canada ne s’en mêle. Et au-delà de ce scandale financier, il est de notoriété publique que la haute direction de SNC-Lavalin ne parle jamais en profondeur de ses projets et de ses réalisations, y compris de ceux qui ne prêtent pas a priori à controverse…

L’ennui, c’est que cet omniprésent silence qui règne chez SNC-Lavalin n’est pas géré comme il le devrait par son conseil d’administration, si l'on en croit les enseignements de l'étude. Pour preuve, il a fallu que celui-ci commande une enquête interne pour tenter de savoir où sont passés 56 millions de dollars, et l’enquête n’a, semble-t-il encore, pas permis d’y voir plus clair! C’est bien simple, le conseil d’administration a laissé se développer une culture du silence à la tête de l’entreprise, sans nullement veiller à ce que des hauts dirigeants ne sombrent dans le «côté obscur» de cette vertu. Il s’est finalement piégé lui-même, et doit bien se demander comment s’en sortir maintenant…

En passant, l’écrivain américain Paul Auster a dit dans Moon Palace : «Le silence oblitère tout»…

Découvrez mes précédents posts

Suivez-moi sur Facebook et sur Twitter

À propos de ce blogue

EN TÊTE est le blogue management d'Olivier Schmouker. Sa mission : aider chacun à s'épanouir dans son travail. Olivier Schmouker est chroniqueur pour le journal Les affaires, conférencier et auteur du bestseller «Le Cheval et l'Äne au bureau» (Éd. Transcontinental), qui montre comment combiner plaisir et performance au travail. Il a été le rédacteur en chef du magazine Premium, la référence au management au Québec.

Olivier Schmouker

Blogues similaires

L’exclusion des cadres des casinos du droit à la syndicalisation serait constitutionnelle

L’Association des cadres de la Société des casinos du Québec a déposé une requête en accréditation syndicale en 2009.

Les salutations de Jacques Ménard... ainsi que les miennes

Édition du 30 Juin 2018 | René Vézina

CHRONIQUE. C'est vraiment la fin d'une époque chez BMO Groupe financier, Québec... et le début d'une nouvelle. ...