Accordez-vous assez d'attention à vos erreurs?

Publié le 07/02/2012 à 09:23, mis à jour le 07/02/2012 à 15:18

Accordez-vous assez d'attention à vos erreurs?

Publié le 07/02/2012 à 09:23, mis à jour le 07/02/2012 à 15:18

Dans cette étude, M. Yalçintas a adopté une approche historique de la notion d’erreur telle qu’elle était perçue par les philosophes et autres penseurs concernés par les «irrégularités de la pensée». Ainsi, l’erreur a vite été considérée comme une chose à combattre jusqu’à l’élimination, et ça a été à qui trouverait la meilleure manière de s’y prendre pour y parvenir. Un exemple : l’Allemand Friedrich Hegel, qui enseignait la philosophie sous la forme d’un système de tous les savoirs suivant une logique dialectique. Une quoi? Une «logique dialectique», c’est-à-dire une méthode de raisonnement qui tire son origine de l’Antiquité – elle aurait été inventée par le penseur présocratique Zénon d’Élée – et qui repose essentiellement sur les trois étapes suivantes : thèse – antithèse – synthèse. D’après Hegel, cette méthode permettait à tous coups de déceler une erreur, et donc de la supprimer à jamais.

Le hic? Karl Popper a montré que la logique dialectique ne suffisait pas à éradiquer toutes les erreurs. Par exemple, cela ne permettait pas de mettre KO les «pseudo-sciences» et les faussetés qu’elles véhiculent, comme l’astrologie. Le philosophe autrichien a donc décidé de porter un regard différent sur la notion d’erreur, en inventant la «réfutabilité». Grosso modo, cette dernière considère qu’une proposition scientifique ne doit jamais être tenue comme une vérité tant qu’elle est réfutable ; et ce n’est pas parce que différentes expériences tendent à montrer qu’une proposition est vraie qu’elle l’est pour autant.

M. Popper s’appuie, entre autres, sur un cas connu : le cygne noir. Longtemps, les Occidentaux ont tenu pour vrai le fait que tous les cygnes étaient blancs. En effet, partout où ils observaient des cygnes, ils étaient tout le temps blancs. Jamais rien ne contredisait cela. Jusqu’au jour où ils ont découvert l’Australie, et là… des cygnes noirs! La vérité d’hier venait d’être réfutée. En fait, elle était réfutable depuis toujours, mais personne n’en avait conscience. Les Occidentaux vivaient dans l’erreur, alors même qu’ils avaient adopté une approche «scientifique», ou «dialectique», depuis des siècles.

Le logicien hongrois Imre Lakatos a poussé la réflexion de M. Popper un peu plus loin, et considéré que le cœur du problème venait du fait que les scientifiques acceptent mal tout ce qui contredit leurs vérités, au point de réagir en cherchant à s’immuniser contre le danger représenté par les éléments perturbateurs. On peut notamment penser à la réaction de la communauté scientifique face au «E=MC2» d’Albert Einstein…

Par conséquent, il vaudrait mieux percevoir une proposition scientifique, ou une «démonstration» si vous préférez, comme une invitation à la contestation plutôt que comme une vérité absolue. Et donc, prendre conscience que l’erreur en tant que telle n’est pas si facilement destructible que ça, qu’elle est partout, dissimulée là où l’on refuse de la voir.

À propos de ce blogue

EN TÊTE est le blogue management d'Olivier Schmouker. Sa mission : aider chacun à s'épanouir dans son travail. Olivier Schmouker est chroniqueur pour le journal Les affaires, conférencier et auteur du bestseller «Le Cheval et l'Äne au bureau» (Éd. Transcontinental), qui montre comment combiner plaisir et performance au travail. Il a été le rédacteur en chef du magazine Premium, la référence au management au Québec.

Olivier Schmouker

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