Comment Québec pourrait tenter de sauver Rona

Publié le 01/08/2012 à 09:20, mis à jour le 01/08/2012 à 09:20

Comment Québec pourrait tenter de sauver Rona

Publié le 01/08/2012 à 09:20, mis à jour le 01/08/2012 à 09:20

Comment bloquer la transaction?

Le ministre Raymond Bachand a annoncé mardi matin qu’il avait demandé à Investissement Québec d’examiner toutes les possibilités offertes pour bloquer la transaction, y compris la création d’un nouveau Fonds de défense des intérêts du Québec.

En conférence de presse téléphonique en après-midi, monsieur Bachand a cependant bien précisé qu’il n’était pas question de nationaliser Rona et que la participation du gouvernement serait « raisonnable ».

Voici ce que le gouvernement et la Caisse pourraient bien avoir à l’esprit.

À elle seule, la Caisse ne peut pas bloquer la vente de Rona. Les lois canadiennes font en sorte que lors d’une OPA, l’acquéreur obtenant 66,6% des actions a la possibilité de forcer la vente du reste des actions par une procédure juridique (et ce au même prix que ce qui a été offert aux autres actionnaires).

C’est ce que Lowe’s cherche assurément à obtenir, 100% du contrôle de Rona. Ce faisant, elle pourrait utiliser les flux de trésorerie de l’entreprise québécoise pour rembourser la dette que lui occasionnera l’acquisition.

À défaut d’obtenir 100% des actions, le financement de la transaction devient plus complexe. Lowe’s ne pourra utiliser que le dividende de Rona pour rembourser sa dette, ce qui ira beaucoup moins vite. Il faut en effet respecter l’actionnaire minoritaire et ne pas dépouiller la filiale de sa trésorerie.

La marque à atteindre pour mettre du sable dans l’engrenage de la transaction est donc de 33,33%. Une bonne partie du chemin est déjà parcouru avec la Caisse qui a désormais 14,18% des actions. Robert Dutton a déjà indiqué que les détaillants pouvaient détenir au moins 10% des actions. On est potentiellement à plus de 24%. Le Fonds de solidarité est réputé avoir 3,5%, on est à près de 28%.

Monsieur Bachand a appelé d’autres acteurs à participer au sauvetage. Ce n’est pas impossible, mais on n’aurait pas trop d’espoir. Ces « appelés » devront avoir une très forte conscience nationale car on les tentera avec une offre autour de 18-19$, qui, si elle ne passe pas, ramènera le titre à 11$.

Au cours actuel de Rona, s’il veut accumuler une position lui permettant d’espérer nuire à Loew’s, le gouvernement du Québec devra donc probablement sortir autour de 100 M$ pour que sa participation, combinée à celle de la Caisse, du Fonds et éventuellement des détaillants, atteigne le chiffre magique de 33,33%.

Ce n'est pas une si forte somme. L'investissement pourrait toutefois perdre en valeur pour un certain temps si Québec réussit et que l’offre est retirée.

Même en cas de succès de l’opération, et d’un blocage de l’accès aux flux de trésorerie, il n’est pas dit que Rona sera automatiquement sauvée.

Il est en effet possible que Lowe’s décide de tout de même aller de l’avant avec l’acquisition. Avec 66% des actions, elle pourrait se doter d’un conseil majoritaire et implanter ses politiques. La dette serait plus lourde à assumer, mais l’entreprise aurait aussi l’occasion de se familiariser avec de plus petits formats de magasins et de voir comment fonctionnent des établissements franchisés. Aux États-Unis, le marché des big box est à maturité et il n’est pas impossible que son plan de match soit pour une expansion avec de plus petits formats. C’est ce que fit notamment Walmart.

Lowe’s a en outre les moyens d’assumer la dette liée à l’acquisition de Rona, même sans accès aux flux de trésorerie. Pour donner un peu de perspective, Rona vaut quelque chose comme 2,25 G$ à 18$ par action, alors que l’actuel programme de rachat d’actions du géant américain est de 4,5 G$ US.

Si les manœuvres de Québec échouent, y a-t-il une autre option?

À propos de ce blogue

Diplômé en droit de l'Université Laval, François Pouliot est avocat et commente depuis plusieurs années l'actualité économique et financière. Il a été chroniqueur au Journal Le Soleil, a collaboré au Globe and Mail et dirigé les sections économiques des différentes unités de Quebecor Media, notamment la chaîne Argent. Au cours de sa carrière, il a aussi fait du journalisme d'enquête ce qui lui a valu quelques distinctions, dont le prix Judith Jasmin. La Bourse Southam lui a notamment permis de parfaire son savoir économique à l'Université de Toronto. François a de même été administrateur de quelques organismes et fondation. Il est un mordu des marchés financiers et nous livre son analyse et son point de vue sur diverses sociétés cotées en bourse. Québec inc. sera particulièrement dans sa mire.

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