Capitalisme 3.0


Édition du 24 Mai 2014

Capitalisme 3.0


Édition du 24 Mai 2014

Par Diane Bérard

2. Accroître la portée

Les entrepreneurs sociaux ont du flair pour cerner les problèmes. Et de la créativité pour imaginer des solutions. Leur défi tient plutôt à l'échelle et à la portée de leur action. «On peut faire mieux que sauver le monde un village à la fois», insiste Sally Osberg, présidente et pdg de la Skoll Foundation. Les ateliers les plus fréquentés du Skoll Forum portaient donc sur la massification. La Québécoise Andréanne Grimard a animé l'un d'eux. La jeune trentenaire dirige le bureau nord-américain de Solidaridad. Cette ONG investit dans l'entrepreneuriat. Solidaridad bâtit des chaînes d'approvisionnement et de livraison pour les agriculteurs des pays en développement. Comme la plupart des ONG, des fondations et des OBNL, Solidaridad a atteint les limites de la charité. «Pour remplir notre mission, accélérer et augmenter notre impact, il nous faut un nouveau modèle d'activité qui permettra d'avoir accès à des sommes importantes de façon récurrente», explique la jeune dirigeante aux participants de son atelier.

La plupart des entreprises sociales reposent sur un modèle hybride. On parle de sociétés tandems : une combinaison de fondation et d'activités à but lucratif. C'est le cas de l'organisme de conservation de la nature Ecotrust. «Nous avons utilisé tous les outils financiers et économiques à notre disposition : prêts, équité, dons, subventions, dette, etc., témoigne le fondateur, Spencer Beebe. En 20 ans, nous avons transformé des dons et des investissements responsables de 30 M $ en actif de 1 G $.» Quant à WakaWaka, elle compte aussi une fondation qui accorde du microcrédit aux clientèles plus fragiles. Ce sont souvent des femmes désirant faire le commerce de ses lampes. Mais les lampes ne sont jamais gratuites. Maurits Groen ne croit pas à la gratuité. «Je ne donne pas mon produit. Je le rends accessible. C'est un modèle plus durable pour une entreprise sociale et pour la société», estime l'entrepreneur. Andréanne Grimard acquiesce. «Nous aidons les entrepreneurs à devenir plus productifs afin qu'ils n'aient plus besoin de nous», explique-t-elle.

WakaWaka pratique aussi le cofinancement. En Occident, sa lampe solaire coûte 79,99 $, soit le prix courant. En Afrique et en Asie, elle se détaille 25 $. Le premier groupe finance le manque à gagner du second. Et le démarrage ? Pour amasser le million de dollars requis, Maurits Groen a organisé quatre campagnes de financement participatif. Les internautes ont acheté 2,5 % de son entreprise et ils ont fourni des prêts. L'entrepreneur a comblé le reste de sa poche.

Créer un marché, pas seulement une entreprise

Le financement n'est pas le seul obstacle à la massification des entreprises sociales. Parfois, le marché n'est pas prêt. L'entrepreneur a mis le doigt sur l'enjeu et la solution. Le problème se trouve entre les deux : il n'y a pas d'écosystème pour accueillir l'innovation. «Il faut éliminer les barrières au développement du secteur, pas uniquement de l'entreprise», souligne Judith Pollock, responsable de la Shell Foundation. Elle cite la réglementation, la chaîne d'approvisionnement, la livraison, l'éducation du consommateur, etc.

La Shell Foundation s'est associée à l'entreprise sociale américaine Envirofit pour le développement de poêles à combustion propre. Fondée dans les locaux de la Colorado State University, Envirofit vole aujourd'hui de ses propres ailes. Elle s'attaque aux enjeux de santé et d'énergie en concevant des technologies moins polluantes et moins énergivores. Depuis 2006, les produits Envirofit ont remporté une douzaine de prix. Près de 700 000 poêles ont été vendus, ce qui a créé 1 000 emplois. Les utilisateurs, eux, utilisent près de 60 % moins de bois pour alimenter le feu. Depuis qu'ils consacrent moins de temps à la cueillette du bois, ils ont récupéré 6,3 millions de semaines de travail.

Malgré cet impact, Envirofit ne peut pas tout régler à elle seule. «La direction d'Envirofit aurait bien aimé que nous ne travaillions qu'avec eux, reconnaît Judith Pollock. Mais il faut diviser notre énergie et nos ressources. Ne pas soutenir uniquement les entrepreneurs sociaux, mais aussi les intermédiaires et les facilitateurs qui gravitent autour d'eux.»

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