Nassim Nicholas Taleb? Il s’agit du philosophe qui a concocté la théorie du Cygne Noir, selon laquelle un événement imprévisible a, certes, une faible probabilité de se dérouler, mais s'il se réalise, les conséquences ont une portée inouïe : on peut penser à la crise financière des subprimes survenue aux Etats-Unis en 2007, qui s’est transformée en une récession mondiale dont nous ne sommes toujours pas sortis; ou encore à l’accident nucléaire de Fukushima, qui a résulté d’un séisme et d’un tsunami.
Le problème, c’est que nous ne voulons jamais entendre parler de ces infimes risques de catastrophe, car cela perturberait notre paix intérieure, ou du moins nos «certitudes». Pour illustrer ce phénomène, M. Taleb a adopté l’expression du Cygne Noir parce que longtemps, les Européens ont cru que tous les cygnes étaient blancs. Pourquoi? Parce que tous ceux qu’ils voyaient étaient blancs (à l’exception de rares «erreurs» génétiques). Et ce, jusqu’au 18e siècle, quand ils en ont découvert en grande quantité en Australie. L’image du cygne noir évoque donc un événement hautement improbable.
Ainsi, un cygne noir est l'illustration d’un biais cognitif. Si l’on ne croise et n'observe que des cygnes blancs, on aura vite fait de déduire que tous les cygnes sont blancs. Seule l'observation de tous les cygnes existants sur la planète aurait pu confirmer cette hypothèse, mais cela était impossible des siècles durant, et il a été décrété – hâtivement – qu’ils étaient tous blancs. Idem, nous élaborons des raisonnements à partir d’informations incomplètes et en tirons des conclusions erronées parfois lourdes de conséquences. Paradoxalement, plus nous accumulons d'informations biaisées, plus nous sommes susceptibles de voir nos certitudes infirmées par l'apparition d'un cygne noir. Dès lors, toute prévision du futur n’est que supercherie, selon le théoricien, et ne fait qu’accroître l’impact du cygne noir lorsque celui-ci apparaît.