Qu'arrive-t-il exactement quand on est trop stressé?

Publié le 22/11/2013 à 05:47

Qu'arrive-t-il exactement quand on est trop stressé?

Publié le 22/11/2013 à 05:47

BLOGUE. La Grèce ne cesse d'être aspirée vers les abysses sans fond de la crise économique qui la frappe depuis 2008. Un chiffre permet, à lui seul, de saisir l'ampleur des ravages : le taux de chômage y frôle aujourd'hui les 30%, les jeunes étant les principales victimes (55% des moins de 24 ans sont aujourd'hui sans emploi). Ce taux a triplé par rapport au début de la crise.

 

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Sur le terrain, cela se traduit par des mesures d'austérité de plus en plus drastiques menées par les gouvernements qui se succèdent les uns après les autres, par des manifestations de plus en plus massives et violentes, par, surtout, une dépression du peuple grec de plus en plus généralisée. On notera d'ailleurs un autre chiffre, au passage : le taux de suicide a bondi en Grèce de plus de 40% depuis 2007, à 4%.

 

Pourquoi vous parler de tout ça aujourd'hui? Parce que j'ai mis la main sur une étude à ce sujet, une étude riche en enseignements pour qui s'intéresse au management, et en particulier au stress. Celle-ci s'intitule Higher perceived stress but lower cortisol levels found among young greek adults living in a stressful social environment in comparison with swedish young adults. Elle est signée par : Elvar Theodorsson et Tomas Faresjö, deux professeurs de médecine et de science de la santé à l'Université de Linköping (Suède), assistés de leurs étudiants Ashild Faresjö, Hans-Peter Claesson et Jenny Koppner; Marios Chatziarzenis, praticien au Centre de santé de l'Hôpital général Thriasson d'Elefsina à Athènes (Grèce); et Vasiliki Sapouna, étudiant en psychologie à l'Université d'Athènes (Grèce).

 

Les sept chercheurs voulaient voir si les jeunes adultes grecs étaient particulièrement stressés en raison de la crise économique. Stressés, dans les sens physique et psychique du terme. Pour ce faire, ils ont analysé certaines données concernant deux groupes de personnes, à savoir un groupe de 124 Grecs et un autre de 112 Suédois, vu que la Suède, elle, a été nettement moins touchée par la crise économique qui sévit partout en Europe depuis cinq ans.

 

Les participants ont dû :

 

> Répondre à un questionnaire détaillé sur leur santé physique et psychique ainsi que sur la perception qu'ils ont de leur niveau de stress dans leur vie quotidienne.

 

> Accepter de se faire couper une mèche de cheveux.

 

Pourquoi une mèche de cheveux? C'est là tout le sel de l'étude : les sept chercheurs ont, en effet, utilisé une nouvelle méthode pour déterminer le niveau de cortisol d'une personne… dans le temps! Explication : plus on remonte vers la racine du cheveu, plus on remonte dans le temps. Or, il est maintenant possible d'évaluer le niveau de cortisol d'une personne rien qu'avec ses cheveux – jusqu'à présent, cela se faisait surtout à l'aide de prélèvements de salive, de sang ou d'urine. Il suffit par conséquent de relever graduellement les différents niveaux de cortisol en remontant vers la racine, sachant qu'en général 1 cm équivaut à 1 mois.

 

Autre interrogation : pourquoi s'intéresser au cortisol? Tout bonnement parce que cette hormone stéroïde est un bon marqueur du niveau de stress d'une personne. De fait, on se met à en sécréter pour une raison principale, qui est que cela nous permet d'accroître notre glycémie. L'objectif est alors de pouvoir permettre au corps de réagir au quart de tour en cas de gros stress, en puisant l'énergie nécessaire dans notre stock accru de glucose dans le sang.

 

Résultats? Dans un premier temps, ils semblent logiques…

 

> Les Grecs se disaient nettement plus stressés dans la vie que les Suédois.

 

> Les Grecs ont dit avoir vécu des choses nettement plus dures psychologiquement que les Suédois, ces derniers temps.

 

> Les Grecs étaient nettement moins optimistes pour l'avenir que les Suédois.

 

> Les Grecs étaient nettement plus sujets à des symptômes de dépression que les Suédois.

 

> Les Grecs étaient nettement plus anxieux que les Suédois.

 

Mais dans un second temps, ils semblent moins logiques…

 

> Les Grecs affichaient un niveau de cortisol en baisse au fur et à mesure que le temps passait.

 

> Les Grecs affichaient un niveau de cortisol moins élevé que celui des Suédois.

 

Curieux, n'est-ce pas? En tout logique, les Grecs, plus stressés, devraient voir leur niveau de cortisol aller croissant, et peut-être même battre des records à mesure que la crise économique s'aggrave.

 

Après analyse, les sept chercheurs avancent une explication. Une explication qui fait froid dans le dos :

 

> Hypocortisolisme. Les Grecs sont vraisemblablement en état d'hypocortisolisme. De quoi? D'hypocortisolisme. C'est-à-dire que le corps, après avoir sécrété des semaines, des mois, voire des années durant du cortisol à tout-va, ce qui met la personne sur les nerfs en permanence, il finit, dans un second temps par stopper net toute sécrétion. Dès lors, nous ne réagissons plus à rien. Un gars qui, par exemple, se fait larguer par sa femme se contente à ce moment-là de hausser les épaules, en se disant que c'est la vie.

 

L'ennui, c'est que l'hypocortisolisme se traduit, souvent, par une détérioration grave de la santé de la personne. Cette dernière se met à souffrir de maux de dos, se sent toujours fatiguée, puis file droit vers le burnout, voire vers des désordres mentaux dignes de ceux dits post-traumatiques. Bref, c'est quelque chose qu'il ne faut pas prendre à la légère.

 

Voilà donc à quoi est exposée toute personne vivant un stress continuel dans sa vie quotidienne, en particulier au travail. Celle-ci risque d'être tout d'abord sur les nerfs – comme on le voit souvent chez une personne stressée par une situation imprévue qui la rend très mal à l'aise (une réunion impromptue, une remarque maladroite de son boss, etc. Puis, elle va finir par "craquer", comme on dit, à un moment ou à un autre. Elle va baisser les bras et ne plus réagir à rien. À cause de l'hypocortisolisme. L'état actuel des jeunes Grecs en atteste.

Que faire pour enrayer ce cercle vicieux, me direz-vous? Eh bien, le mieux, à mon avis, est de prendre conscience de son existence. Puis, trouver le moyen de s'extraire de – ou mieux, de mettre fin à – la situation qui fait que nous subissons un stress continuel. Car sinon cela finira mal, comme on vient de le voir.

En passant, le penseur latin Sénèque disait dans De la colère : «La colère n'a rien de grand, ni de noble. Il n'y a de vraiment grand que ce qui est calme.»

 

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À propos de ce blogue

EN TÊTE est le blogue management d'Olivier Schmouker. Sa mission : aider chacun à s'épanouir dans son travail. Olivier Schmouker est chroniqueur pour le journal Les affaires, conférencier et auteur du bestseller «Le Cheval et l'Äne au bureau» (Éd. Transcontinental), qui montre comment combiner plaisir et performance au travail. Il a été le rédacteur en chef du magazine Premium, la référence au management au Québec.

Olivier Schmouker

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