Le harcèlement sexuel au travail, ce fléau des milléniaux!

Publié le 15/06/2018 à 06:09

Le harcèlement sexuel au travail, ce fléau des milléniaux!

Publié le 15/06/2018 à 06:09

Une souffrance quotidienne trop souvent silencieuse... Photo: DR

«Le harcèlement et l’intimidation sévissent aujourd’hui dans tous les milieux de travail, partout à l’échelle de la planète. Certes, des milieux semblent un peu plus propices que d’autres – ceux des soins de santé, de l’administration publique et du transport, selon une récente étude de la Fondation européenne pour l’amélioration des conditions de vie et de travail (Eurofound) –, mais le phénomène est généralisé, à un point même qu’on peine à soupçonner...»

Qui m’a confié ceci? Andrée-Anne Guénette, une journaliste-recherchiste-auteure qui a eu la chance d’assister à la 11e Conférence internationale sur le harcèlement et l’intimidation au travail qui a eu lieu la semaine dernière à Bordeaux, en France; et ce, grâce au soutien du Réseau Global-Watch, un cabinet-conseil spécialisé dans la santé et la qualité de vie au travail. Une consoeur, donc, qui a eu la générosité de partager avec moi ses notes de travail, histoire de vous informer des dernières avancées en la matière.

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Sur le même sujet : «Le triste palmarès des professions qui payent mal les femmes»

Résultat? Un point a particulièrement attiré mon attention : le harcèlement sexuel. C’est que ce dernier est un véritable fléau pour les milléniaux (les 18-34 ans d’aujourd’hui, si vous préférez), comme en atteste une récente enquête du cabinet d’études Angus Reid à propos du mouvement #MeToo au Canada :

– 2 jeunes employées sur 5 victimes de harcèlement et 1 sur 5, d’agression. 42% des Canadiennes de 18-34 ans ont déjà été victimes de harcèlement sexuel au travail; et 20%, carrément d’agression sexuelle. La plupart du temps, les événements sont survenus dans les 12 derniers mois.

– 2 victimes sur 3 se murent dans le silence. 66% des victimes de harcèlement sexuel de 18-34 ans n’ont pas porté plainte auprès de leur employeur; et 64%, en ce qui concerne celles qui ont subi une agression sexuelle.

Des chiffres qui font froid dans le dos, n’est-ce pas? Car ces chiffres montrent que les jeunes employées font aujourd’hui figure de proie au travail. Et que le bureau n’est pas un lieu d’épanouissement professionnel pour elles, mais plutôt de rabaissement personnel.

Ce n’est pas tout. La même enquête montre autre chose de renversant : l’indifférence apparente des jeunes employés par rapport au harcèlement sexuel au travail dont pâtissent leurs homologues féminins!

Voici quelques chiffres qui devraient vous saisir peut-être même davantage que les précédents :

– Attirance sexuelle. 30% des Canadiens de 18-34 ans trouvent «acceptable» de dire explicitement à une collègue qu’elle suscite chez eux une attirance sexuelle (le pourcentage moyen, tous âges et tous sexes confondus, est de 16%).

– Blagues déplacées. 27% des Canadiens de 18-34 ans trouvent «acceptable» de dire des blagues «déplacées» au bureau (le pourcentage moyen, tous âges et tous sexes confondus, est de 14%).

– Collage physique. 24% des Canadiens de 18-34 ans trouvent «acceptable» de coller physiquement une collègue (le pourcentage moyen, tous âges et tous sexes confondus, est de 15%).

– Commentaires salés. 25% des Canadiens de 18-34 ans trouvent «acceptable» de faire des commentaires sur le physique d’une collègue (le pourcentage moyen, tous âges et tous sexes confondus, est de 13%).

– Phrases connotées. 20% des Canadiens de 18-34 ans trouvent «acceptable» d’utiliser des phrases sexuellement connotées au travail (le pourcentage moyen, tous âges et tous sexes confondus, est de 7%).

– Gestes connotés. 14% des Canadiens de 18-34 ans trouvent «acceptable» de faire des gestes sexuellement connotés au travail (le pourcentage moyen, tous âges et tous sexes confondus, est de 3%).

– Pornographie. 13% des Canadiens de 18-34 ans trouvent «acceptable» de consulter des sites pornographiques sur l’heure du lunch (le pourcentage moyen, tous âges et tous sexes confondus, est de 4%).

Bref, les milléniaux masculins sont les moins conscients des ravages que peut faire le harcèlement sexuel au travail, et a fortiori la diffusion de propos et d’attitude à connotation sexuelle au bureau. Pour le dire autrement, il semble qu’ils s’en moquent totalement, du moins pour une grande partie d’entre eux. Deux autres chiffres en témoignent :

– 45% des milléniaux masculins trouvent que toute entrave aux propos et aux attitudes à connotation sexuelle ne ferait que plomber l’ambiance de travail.

– 56% des milléniaux masculins estiment qu’un comportement «inadéquat» à l’égard d’une collègue n’est pas une raison valable pour subir une sanction à même de nuire à la réputation professionnelle du fautif, et encore moins un licenciement.

On le voit bien, la situation ne va pas aller a priori en s’améliorant dans les années à venir puisque les milléniaux – démographie oblige – vont prendre une place grandissante sur le marché du travail. Du coup, les victimes risquent de souffrir encore davantage, et d’avoir le réflexe de se replier sur elles-mêmes dans un silence appelé à être de plus en plus pénible à supporter.

D’ores et déjà, 39% des employées de 18-34 ans disent adopter différentes stratégies pour ne pas devenir la cible d’un éventuel prédateur sexuel au travail, et soulignent que cela «pourrit (leur) quotidien au travail», selon l’enquête d’Angus Reid. De quelles stratégies s’agit-il? Cela va de l’adoption de tenues vestimentaires passe-partout à la déambulation minimale dans les bureaux en passant, entre autres, par un comportement ferme à outrance, voire carrément cassant, à l’égard de tous les collègues masculins.

Le hic? Ça saute aux yeux : les femmes ne devraient pas se retrouver toutes seules pour régler le problème. Ce n’est pas à elles de rivaliser d’ingéniosité pour éviter les griffes d’un être malfaisant. Non, ce n’est pas à elles de vivre en silence avec d’horribles plaies purulentes.

«Le harcèlement sexuel au travail n’est pas vraiment une question de relations interpersonnelles. Il est, en vérité, lié au contexte de travail, à la culture de l’entreprise, qui est plus ou moins permissive à ce sujet. Voilà pourquoi, si l’on veut que les choses changent radicalement, il faut que chaque organisation se mette à considérer que tout compromis sur ce point est impossible. Im-po-ssi-ble», a confié à l'occasion de l'événement le juriste français Loïc Lerouge, co-organisateur de la Conférence.

Autrement dit, c’est tolérance zéro. Et le message doit surtout être véhiculé, pour ne pas dire martelé, auprès des jeunes employés, si l’on en croit les données issues de l’enquête d’Angus Reid. Car c’est ainsi, et probablement pas autrement, que l’on pourra progresser vers des milieux de travail plus ouverts aux femmes, et donc plus agréables à vivre pour tout le monde.

Une anecdote, histoire de finir ce billet par un petit sourire en coin, malgré tout : l’une des conférencière de la Conférence bordelaise était une Australienne qui portait le titre – tenez-vous bien ! – de CBO, pour Chief Bullying Officer, soit, en français, celui de directrice de l’intimidation. Qui sait? Certaines organisations canadiennes en viendront peut-être là aussi, si elles entendent vraiment éradiquer en leur sein le harcèlement sexuel au travail, ce fléau des milléniaux…

 

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À propos de ce blogue

EN TÊTE est le blogue management d'Olivier Schmouker. Sa mission : aider chacun à s'épanouir dans son travail. Olivier Schmouker est chroniqueur pour le journal Les affaires, conférencier et auteur du bestseller «Le Cheval et l'Äne au bureau» (Éd. Transcontinental), qui montre comment combiner plaisir et performance au travail. Il a été le rédacteur en chef du magazine Premium, la référence au management au Québec.

Olivier Schmouker

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