Le triste palmarès des professions qui payent mal les femmes

Publié le 08/06/2018 à 06:06

Le triste palmarès des professions qui payent mal les femmes

Publié le 08/06/2018 à 06:06

L'écart des revenus médians est d'en moyenne 9.200 $. Photo: DR

Au Québec, le revenu médian des femmes travaillant à temps plein s’établit à 42.400 $. Celui des hommes se situe, lui, à 51.600 $. Ce qui représente un écart de 9.200 $. C’est du moins ce qui ressort d’une toute nouvelle étude de l’Institut de la statistique du Québec (ISQ) signée par Luc Cloutier-Villeneuve.

Pour ceux qui en douteraient encore, il est donc clair que les Québécoises sont, en général, nettement moins bien payées que les Québécois. Maintenant, le sel de cette étude n’est pas là, mais dans l’angle adopté par l’auteur : une analyse par profession. M. Cloutier-Villeneuve a en effet considéré 67 des 140 professions répertoriées par l’ISQ, lesquelles représentent 85% des personnes oeuvrant toute l’année à temps plein au Québec. Et il a regardé, profession par profession, l’écart de rémunération entre les hommes et les femmes.

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Résultat? À partir de ces données, il est possible d’extraire le palmarès des professions qui payent mal les femmes, soit le classement des professions où l’écart salarial entre hommes et femmes est le plus grand.

Ce palmarès inédit, le voici :

Palmarès général des professions qui payent mal les femmes

1. Charpentiers et ébénistes / 39,1 %

2. Dispensateurs de soins en milieu familial et personnel de soutien en enseignement / 34,4 %

3. Opérateurs de machines dans le traitement et la fabrication des métaux et des minerais et personnel assimilé / 29,4 %

4. Entrepreneurs et contremaîtres du personnel des métiers d’entretien et des opérateurs d’équipement lourd et de transport / 29,3 %

5. Gestionnaires en agriculture, horticulture et en aquaculture / 28,2 %

6. Personnel spécialisé en services personnels et en services à la clientèle / 26,9 %

7. Vendeurs – commerce de détail / 26,6 %

8. Personnel des métiers d’usinage, du formage, du profilage et du montage du métal / 26,5 %

9. Monteurs de matériel mécanique, électrique et électronique / 26,3 %

10. Directeurs – commerce de détail et de gros / 24,3 %

Source : ISQ, 2018.

Par conséquent, la profession dans laquelle les femmes sont le moins bien payées par rapport aux hommes est celle de charpentier / ébéniste. Car l’écart entre les deux revenus médians est de 39,1 %, celui des hommes étant de 43.208 $ et celui des femmes, de 26.293 $. Ce qui est, on s’entend, gigantesque.

Idem, ce palmarès permet notamment de voir que le phénomène touche particulièrement le commerce de détail, puisque les femmes sont systématiquement moins bien payées que les hommes, qu’elles soient vendeuses ou directrices.

Et les autres professions? Pour s’en faire une juste idée, voici trois autres palmarès complémentaires, établis en fonction du niveau de compétence. L’ISQ considère en effet qu’il existe trois niveaux de compétence, à savoir :

– Niveau A : emplois de niveau professionnel (formation universitaire);

– Niveau B : emplois de niveau technique (formation collégiale professionnelle et technique);

– Niveau C / D : emplois de niveau intermédiaire / élémentaire (formation secondaire et postecondaire / sans exigence scolaire particulière).

D’où les palmarès détaillés de ces trois niveaux-là :

Palmarès des professions de niveau A qui payent mal les femmes

1. Gestionnaires en agriculture, horticulture et en aquaculture / 28,2 %

2. Directeurs – commerce de détail et de gros / 24,3 %

3. Professeurs d’université et assistants d’enseignement au niveau postsecondaire / 22,8 %

4. Directeurs de la fabrication et des services d’utilité publique / 20,6 %

5. Directeurs des ventes corporatives / 19 %

6. Directeurs de l’enseignement et des services sociaux et communautaires / 18,3 %

7. Directeurs des services financiers et des services aux entreprises / 17,8 %

8. Juges, avocats et notaires / 17 %

9. Directeurs des services administratifs / 16,4 %

10. Professionnels en gestion des ressources humaines et en services aux entreprises / 15,3 %

Source : ISQ, 2018.

 

Palmarès des professions de niveau B qui payent mal les femmes

1. Charpentiers et ébénistes / 39,1 %

2. Entrepreneurs et contremaîtres du personnel des métiers d’entretien et des opérateurs d’équipement lourd et de transport / 29,3 %

3. Personnel spécialisé en services personnels et en services à la clientèle / 26,9%

4. Personnel des métiers d’usinage, du formage, du profilage et du montage du métal / 26,5 %

5. Personnel paraprofessionnel des services juridiques, sociaux, communautaires et de l’enseignement / 22,9 %

6. Concepteurs artistiques et artisans / 22,1 %

7. Mécaniciens de véhicules automobiles / 22 %

8. Personnel technique en génie civil, mécanique et industriel / 20,7 %

9. Personnel technique en soins de la santé / 19,7 %

10. Personnel technique en architecture, en dessin, en arpentage, en géomatique et en météorologie / 16,9 %

Source : ISQ, 2018.

 

Palmarès des professions de niveau C et D qui payent mal les femmes

1. Dispensateurs de soins en milieu familial et personnel de soutien en enseignement / 34,4 %

2. Opérateurs de machines dans le traitement et la fabrication des métaux et des minerais et personnel assimilé / 29,4 %

3. Vendeurs – commerce de détail / 26,6 %

4. Monteurs de matériel mécanique, électrique et électronique / 26,3 %

5. Manoeuvres dans la transformation, la fabrication et les services d’utilité publique / 24 %

6. Nettoyeurs / 23,5 %

7. Autre personnel de montage et personnel assimilé / 19,1 %

8. Débardeurs et manutentionnaires / 17,5 %

9. Personnel des services des aliments et des boissons / 16,7 %

10. Représentants des ventes et des comptes – commerce de gros / 16,5 %

Source : ISQ, 2018.

Voilà. Mesdames, vous connaissez à présent l’ampleur de l’écart salarial dont vous pâtissez par rapport à vos collègues masculins, à postes égaux. Et vous êtes même en mesure de comparer cet écart-là à d’autres professions que la vôtre (il paraît que lorsqu’on se compare, on se console…).

J’imagine qu’une question vous a sauté aux yeux, en découvrant avec effarement ces palmarès : «Comment s’expliquent de tels écarts salariaux?» L’étude de M. Cloutier-Villeneuve ne le dit pas précisément, mais souligne qu’ils ne proviennent pas franchement – mais un peu tout de même – du fait qu’en général les femmes travaillent moins d’heures par semaine que les hommes. En creusant ses données, il a en effet noté que, dans 30 des 67 professions considérées, l’écart était inférieur à 1 heure par semaine; et que ces 30 professions-là représentaient environ 50% des personnes travaillant à temps plein au Québec. Autrement dit, oui, cela joue un peu, certes, mais seulement un peu.

L’explication est, en vérité, plus complexe que cela. Elle tient surtout à notre culture de travail, qui est, disons-le clairement, sexiste. Et si vous avez du mal à me suivre sur ce point, je vous invite à répondre en toute sincérité aux interrogations suivantes :

«À votre avis, un employeur n’y pense-t-il pas à deux fois avant d’offrir un poste à temps plein à une employée qui était à temps partiel? Oui, ne se dit-il pas, par hasard, qu’elle risque d’en « profiter » pour réaliser son projet personnel de maternité?»

«À votre avis, un employeur ne considère-t-il pas le salaire d’une femme vivant avec un conjoint comme le « second » salaire du couple? Et ne songe-t-il pas dès lors comme « normal » que celui-ci soit moindre que s’il l’avait perçu comme le salaire « principal »? »

Je pourrais continuer longtemps, vous savez…

D’où l’impératif de modifier sans tarder notre approche sexiste du milieu de travail. À tout le moins, en matière de rémunération. Car, en continuant ainsi de discriminer la moitié de la main-d’œuvre du Québec, nous ne faisons, en tant que société, que nous tirer bêtement une balle dans le pied!

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À propos de ce blogue

EN TÊTE est le blogue management d'Olivier Schmouker. Sa mission : aider chacun à s'épanouir dans son travail. Olivier Schmouker est chroniqueur pour le journal Les affaires, conférencier et auteur du bestseller «Le Cheval et l'Äne au bureau» (Éd. Transcontinental), qui montre comment combiner plaisir et performance au travail. Il a été le rédacteur en chef du magazine Premium, la référence au management au Québec.

Olivier Schmouker

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