Dette et déficit du fédéral: on respire par le nez!

Publié le 19/04/2024 à 19:00

Dette et déficit du fédéral: on respire par le nez!

Publié le 19/04/2024 à 19:00

Mardi, la ministre fédérale des Finances, Chrystia Freeland, a déposé un budget qui a fait couler beaucoup d’encre. (Photo: La Presse canadienne)

ANALYSE ÉCONOMIQUE. Dans l’absolu, un chiffre communique une information pertinente, d’autant plus si on analyse son évolution dans le temps. Toutefois, sans le mettre en perspective avec d’autres nombres, un chiffre absolu peut donner une lecture imparfaite de la situation. Eh bien, c’est la même chose avec la dette et le déficit du gouvernement du Canada: sans mise en perspective avec d’autres pays similaires, nous avons une image tronquée de la réalité.

Ce mardi, la ministre fédérale des Finances, Chrystia Freeland, a déposé un budget qui a fait couler beaucoup d’encre, en plus de susciter des séances de «déchirage» de chemises sur la place publique.

Et on peut comprendre en partie cette réaction.

Après tout, pour l’exercice 2024-2025, la ministre a annoncé que le déficit du gouvernement fédéral atteint 39,8 milliards de dollars (G$), tandis que la dette s’élève à 1255,3G$.

Selon l’état sommaire des opérations du budget (à la page 435), le déficit représente 1,3% du produit intérieur brut (la taille de l’économie canadienne). Quant à la dette fédérale, elle pèse pour 41,9% du PIB.

Ces chiffres et ces ratios semblent élevés, d’autant plus que les aiguilles ont peu bougé depuis deux ans.

 

Nette amélioration depuis le pic de la pandémie

Ce bilan n’a toutefois rien à voir avec la situation financière catastrophique qui prévalait lors l’exercice 2020-2021, pendant le pic de la pandémie de la COVID-19.

Les chiffres parlent d’eux-mêmes, selon le ministère des Finances.

  • En 2019-2020, le ratio du déficit au PIB s’élevait à 1,7% comparativement à 14,9% en 2020-2021
  • En 2019-2020, le ratio de la dette au PIB s’élevait à 31,2% comparativement à 47,6% en 2020-2021

Bref, le bilan financier du gouvernement s'est amélioré.

Malgré tout, on reste dans l’absolu —même si nous avons pris un peu de recul— puisque nous n’avons pas de perspective avec le bilan financier d’autres pays similaires.

Or, quand on effectue cet exercice, on s’aperçoit bien que la situation au Canada est enviable, si on inclut en plus l’ensemble des administrations publiques, comme les gouvernements nationaux et locaux, selon les données du Fonds monétaire international (FMI).

 

La situation financière du Canada est de loin la meilleure des pays du G7. (Source: ministère des Finances du Canada)

 

Commençons par la dette.

Comme on peut le constater dans le tableau ci-dessus, le Canada affiche —et de loin— le ratio de la dette au PIB (de l’ensemble des administrations publiques) le plus bas des pays du G7, sous la barre des 25%.

Et même si ce ratio a pratiquement doublé depuis 2019, il demeure néanmoins relativement bas par rapport à l’Allemagne, le deuxième pays du G7 affichant la meilleure santé financière.

 

Un ratio dette/PIB de 150% au Japon

Aux États-Unis, le ratio dette/PIB s’élève à 100%, tandis qu’il atteint un niveau stratosphérique de 150% au Japon.

C’est le même constat au chapitre du solde budgétaire (de l’ensemble des administrations publiques) par rapport au PIB.

Encore une fois, la situation au Canada est bien mieux que la fourchette des six autres pays du G7 en 2024, d’autant plus qu’en 2020, au pic de la pandémie, le pays se classait parmi les derniers du groupe.

La petite leçon à tirer de cette petite comparaison internationale?

Pour paraphraser le fameux slogan d’une ancienne publicité québécoise du lait, on pourrait dire qu’un chiffre, c’est bien, mais deux chiffres, c’est mieux.

Bref, sans mettre en perspective la situation financière du Canada avec celle d’autres pays, nous n’avons qu’une vue partielle de la situation.

Et quand nous avons le portrait global, l’état des finances publiques à Ottawa apparaît bien moins pire qu’elle n’y paraît à première vue.

 

À propos de ce blogue

Dans son analyse bimensuelle Dans la mire, François Normand traite des enjeux auxquels font face les entrepreneurs aux quatre coins du Canada, et ce, de la productivité à la pénurie de la main-d’œuvre en passant par la 4e révolution industrielle ainsi que la gestion de l’énergie et des ressources naturelles. Journaliste à «Les Affaires» depuis 2000 (il était au «Devoir» auparavant), François est spécialisé en ressources naturelles, en énergie, en commerce international et dans le manufacturier 4.0. François est historien de formation, en plus de détenir un certificat en journalisme de l’Université Laval. Il a réussi le Cours sur le commerce des valeurs mobilières au Canada (CCVM) de l’Institut canadien des valeurs mobilières, et il a fait des études de 2e cycle en gestion des risques financiers à l’Université de Sherbrooke durant 15 mois. Il détient aussi un MBA de l'Université de Sherbrooke.

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