Comprendre le fractionnement d'actions

Publié le 19/02/2014 à 09:10

Comprendre le fractionnement d'actions

Publié le 19/02/2014 à 09:10

Photo: Bloomberg

Deux banques canadiennes, la Banque TD et la Banque Nationale, ont fractionné leurs actions lors des récentes semaines. Ce qui a provoqué plusieurs réactions de la part de lecteurs, réactions qui m’ont fait réaliser que le fractionnement est mal compris par bien des investisseurs.

Pour vous illustrer cela, rien de mieux que de partager quelques-uns des courriels reçus à ce sujet.

  * «J’aimerais bien avoir votre avis sur le « fractionnement » prochain que fera la Banque TD. Je viens de relire votre chronique du 26 octobre dernier et je suis d’accord avec vous. Toutefois ce cas-ci me semble un peu différent car on émet une action pour chacune détenue. Je suis conscient qu’il y aura dilution des bénéfices mais si on considère que l’on double son investissement en nombre d’actions la plus-value me semble très intéressante. En outre, je partage votre vision d’investir à long terme dans des entreprises solides et rentables. La Banque TD semble être dans cette catégorie et les nombreux analystes qui en recommandent l’achat semblent aussi être de cet avis. Donc la question qui se pose est : pourquoi ne pas profiter de ce « fractionnement » pour doubler son investissement en peu de temps ?»

   * «Comme la TD ne regroupe pas ses actions, 2 pour 1 par exemple, mais nous en donne plutôt une pour chacune détenue, le prix au marché devrait demeurer sensiblement le même. On peut donc présumer que l’on « doublera » notre investissement entre le 23 et le 31 janvier ou peu de de temps après. Cela me semble trop simple et facile…. Et on sait que quand c’est trop beau pour être vrai… Est-ce que je « manque » quelque chose ?»

 * «Pourriez-vous me dire si le gain en capital sur des actions qui ont été fractionnées à 2 pour 1 se calcule sur une base avant ou après fractionnement…ou autrement.»

 * «Vous avez dû recevoir plusieurs courriels relativement à l’objet en titre, soit le fractionnement de la Banque de TD. Pouvez-vous expliquer , à part l’accessibilité, quels peuvent être les effets positifs pour les présents actionnaires, de voir leur conseil d’administration procéder à un split (2 actions pour 1) qui fera passer l’action de 97$ à 47,61$ ? Est-ce les IFRS ? La banque était-elle si mal évaluée à l’international? La Banque Royale qui est une IFIS (Institution Financière Internationale Systémique) a-t-elle fait la même transformation ou sur le point de l’être?»

Vous voyez que bien des gens ne comprennent pas le fractionnement d’actions.

L’essentiel à retenir pour l’investisseur c’est qu’un fractionnement ne crée aucune richesse et n’a aucun impact financier et fondamental réel. Pour utiliser la plus simple analogie possible, imaginez que vous avez une pizza de 12 pouces de diamètre. Que vous la divisiez en quatre ou en huit ne grossit pas, ni ne rapetisse votre pizza. Les morceaux, lorsque vous la divisez en huit, sont tout simplement plus petits.

La pizza dans cette analogie c’est l’entreprise inscrite en Bourse. Si vous avez une société qui vaut 500 millions de dollars et que vous avez 50 millions d’actions en circulation, le titre se vendra 10$ (500 divisé par 50). Si vous divisez ces actions en deux (ce qu’on appelle un fractionnement), vous vous retrouverez avec une entreprise valant toujours 500M$, mais avec 100 millions d’actions. Donc, chaque action vaudra maintenant 5$.

Si vous aviez 1 000 actions de cette entreprise, vous aviez un placement valant 10 000$ avant le fractionnement (1 000 X 10$) ; après le fractionnement, vous aurez 2 000 actions, mais valant 5$. Votre placement vaudra toutefois toujours 10 000$ (2 000 X 5$).

Maintenant, les sociétés qui annoncent ces fractionnements utilisent souvent des vocabulaires différents (par exemple, certaines mentionnent que le fractionnement se fera par le biais d’un dividende, etc.). Peu importe le langage et la mécanique financière utilisée, la réalité est toujours celle illustrée dans mon exemple précédent.

Pour reprendre l’exemple de la Banque TD, le fractionnement a eu lieu le 3 février. Le 31 janvier, le titre a clôturé à 96,32$ ; le lendemain, soit le 3 février, il a ouvert à 48,43$, soit 50% moins cher. A ce jour, les actionnaires détenaient par contre deux fois plus d’actions. Celui qui avait 100 actions se retrouve avec 200 actions. Si vous refaites les calculs que j’ai fait plus tôt, vous constaterez qu’il n’est pas plus riche qu’avant.

Concernant le calcul des gains en capital, l’investisseur doit simplement ajuster son coût par action pour tenir compte du fractionnement. Par exemple, notre actionnaire avec 100 actions de la Banque TD qui avait payé supposément 74$, pour un coût de 7 400$, a toujours un placement de 7 400$, mais réparti maintenant dans 200 actions. Donc, son coût devient 37$. S’il vendait après le fractionnement, il ferait un gain de 11$ par action environ, soit 2 200$, le même gain qu’avant le fractionnement.

Ce qui confirme que cette pratique financière ne crée aucune richesse et est, du moins à mes yeux, un exercice inutile.

Le fractionnement en fait crée l’illusion qu’un titre est moins cher, que l’acheteur, peu avisé admettons-le, obtient plus de valeur pour son argent. Je vous invite à faire les calculs vous-mêmes, en utilisant le nouveau nombre d’actions. Vous verrez que le fractionnement ne fait que jeter de la poudre aux yeux des investisseurs.

Ne vous laissez pas prendre !

Bernard Mooney

 

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