Attention, les robots humanoïdes arrivent!

Publié le 10/10/2023 à 07:27

Attention, les robots humanoïdes arrivent!

Publié le 10/10/2023 à 07:27

Par Olivier Schmouker

Comment montre-t-on un geste à un robot intelligent? C’est très simple. L’opérateur, un être humain, se munit de deux manettes, une dans chaque main. Et il prend ainsi le contrôle des bras et des mains du robot intelligent, qui se laisse entièrement guider. Après quelques démonstrations, dont certaines reviennent à récupérer une erreur comme d’échapper l’un des outils, le robot intelligent a assez de données pour s’exercer tout seul. Ce qu’il fait toute la nuit, à coups d’innombrables essais-erreurs. Le lendemain, le geste en question est acquis.

Pour l’heure, le TRI a enseigné aux robots plus de 60 opérations difficiles et délicates, qui concernent pour l’essentiel des gestes que l’on fait en cuisine. Ceux-ci sont maintenant capables de verser un liquide, de saisir et manipuler des objets mous et déformables, ou encore de se servir d’outils comme un économe pour éplucher n’importe quel légume. L’objectif est de leur enseigner une centaine de nouvelles compétences d’ici la fin de l’année, et 1 000 d’ici la fin de 2024.

«Si on m’avait dit l’an dernier que nos robots auraient aujourd’hui une telle dextérité, jamais je ne l’aurais cru, dit Russ Tedrake, vice-président, recherche en robotique, du TRI. Ce que je les vois accomplir est tout bonnement incroyable. Et ce n’est sûrement rien comparé à ce qui s’en vient.»

Toyota s’est associée au MIT et à l’Université Columbia pour réaliser une telle prouesse. Ensemble, ils ont mis au jour une toute nouvelle approche en matière d’apprentissage, dénommée la Diffusion Policy (politique de diffusion, en français). Et c’est celle-ci qui leur permit de réussir là où les autres ont échoué.

La Diffusion Policy consiste à doter un robot intelligent d’yeux et de doigts et à lui dire d’apprendre à travers ceux-ci. Sans aucune ligne de code. Sans aucune base de données. Juste avec l’aide d’un modèle humain, d’une sorte d’enseignant, si l’on veut. Comme on le fait nous-mêmes pour apprendre un nouveau geste: par exemple, enfants, nous avons vu notre père scier une planche et la clouer, puis nous avons effectué les mêmes gestes par nous-mêmes pour bien les apprendre et les maîtriser.

Autrement dit, l’idée est on ne peut plus simple: apprendre aux robots intelligents la dextérité, comme on l’apprend aux petits d’homme. À ceci près que les robots intelligents ont, eux, une capacité d’apprentissage aussi époustouflante qu’infinie.

 

Quatre vagues

Dans son excellent livre «IA, la plus grande mutation de l’Histoire», Kai-Fu Lee, l’un des plus grands experts mondiaux en IA qui a œuvré pour Apple, Microsoft et Google, explique que l’avènement de l’intelligence artificielle se fera en quatre vagues. Les deux premières sont l’IA en ligne et l’IA professionnelle. La première a déferlé sur le grand public au début des années 2010, elle consistait essentiellement en ces algorithmes capables de faire des recommandations pour chacun, en fonction de ses goûts et préférences. La deuxième, elle correspond à la capacité des algorithmes d’effectuer certaines tâches mieux que l’être humain, de par sa force de calcul phénoménale: par exemple, grâce à l’analyse de millions et de millions de radiographies, l’IA repère à présent mieux que le meilleur des médecins un début de cancer de la peau. C’est cette vague-là qui fait dire à certains que l’IA est là pour assister l’être humain dans son travail afin de lui permettre d’afficher une meilleure performance, sans risque de lui faire perdre sa job pour autant.

De nos jours, nous connaissons les deux premières vagues, l’impact de la seconde sur le grand public n’en étant qu’à ses débuts. Mais voilà, il y a encore deux autres vagues qui s’en viennent: l’IA perceptive, puis l’IA autonome. La dernière, comme son nom l’indique, n’a plus besoin d’être humain pour exister et croître; on pourrait même dire que le risque est qu’elle se mette à nous considérer comme une chose insignifiante et inutile, un peu comme nous considérons, disons, les fourmis. Celle qui nous intéresse vraiment, c’est la troisième vague. Car l’IA perceptive correspondra à des robots intelligents dotés de sens, comme la vue et le toucher.

Dans son livre qui date de 2018, Kai-Fu Lee n’en parle que comme de la science-fiction: il illustre ce à quoi elle pourrait ressembler avec l’image d’un chariot de supermarché intelligent et perceptif qui se connecterait au réfrigérateur intelligent du client pour savoir ce qu’il faut acheter (lait, confiture, etc.) et ferait des suggestions personnalisées en fonction des habitudes alimentaires du foyer du client, en parlant à voix haute: «Tiens, je suis sûr que votre ado aimerait découvrir ces nouvelles céréales. Elles sont justement en rabais de 10% cette semaine», dirait-il d’une voix agréable. Selon l’auteur, l’IA perceptive ne serait pas pour demain matin. Il se trompait: Toyota est en train de la mettre au jour, et celle-ci se développe nettement plus vite que ce que ses chercheurs anticipaient.

Maintenant, qu’implique l’avancée de Toyota? Essentiellement que les robots intelligents de demain seront humanoïdes, c’est-à-dire qu’ils auront notre aspect physique (une tête, un torse, deux bras, deux jambes). Mais la différence, c’est qu’ils maîtriseront mieux les gestes des métiers manuels et les effectueront nettement plus vite que nous. C’est aussi qu’ils seront inarrêtables: ils seront, eux, en mesure de travailler jour et nuit, sans jamais prendre de congé maladie. C’est aussi qu’ils seront, en un sens, gratuits: ils ne réclameront jamais de salaire, encore moins d’augmentation en raison de l’inflation.

Bref, Hassan, je ne veux pas vous déprimer, mais vous donner l’information juste, aussi brutale soit-elle: oui, demain, des robots humanoïdes seront en mesure d’effectuer votre métier. À la perfection, à tout le moins mieux et plus vite que vous. Sans jamais demander à être payés pour ça.

Certes, cela ne va pas survenir demain matin. Mais demain, c’est une certitude.

D’ailleurs, la «révolution» semble d’ores et déjà en branle. L’entreprise texane Apptronik entend commercialiser son robot humanoïde dès 2024. Quant à Agility Robotics, en Oregon, elle vient d’ouvrir son usine, qui devrait produire sous peu quelque 10 000 robots humanoïdes par an.

La question saute aux yeux et va devoir être vite abordée par nos sociétés en danger: risquons-nous d’assister prochainement à un grand remplacement?

 

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