Logo - Les Affaires
Logo - Les Affaires

Avoir un bon boss, c’est payant pour l’entreprise?

Olivier Schmouker|Mis à jour le 13 juin 2024

Avoir un bon boss, c’est payant pour l’entreprise?

Un bon boss agit en coach: il comprend, conseille et soutient. (Photo: Vitaly Gariev pour Unsplash)

MAUDITE JOB! est une rubrique où Olivier Schmouker répond à vos interrogations les plus croustillantes [et les plus pertinentes] sur le monde de l’entreprise moderne… et, bien sûr, de ses travers. Un rendez-vous à lire les mardis et les jeudisVous avez envie de participer? Envoyez-nous votre question à mauditejob@groupecontex.ca

Q. – «Notre boss est un véritable moron. Il agit comme un petit chef, et ça ne nous donne qu’une envie: en faire le moins possible dans l’espoir qu’il finisse par être viré, faute de résultats. La question que je me pose par rapport à tout ça, c’est de savoir si, le jour où nous aurons un bon boss, ça fera une vraie différence pour notre performance au travail. Je suis tellement déprimé que je me mets à en douter…» – Gino

R. – Cher Gino, vous semblez en quête d’espoir, à tout le moins d’une lueur d’espoir. Eh bien, je crois avoir une bonne nouvelle pour vous: oui, avoir un bon boss, ça fait une vraie différence pour une équipe, y compris lorsqu’on considère le seul critère de la performance au travail. J’en veux pour preuve une récente étude signée, entre autres, par Andréanne Tremblay-Simard, professeure de finance à l’Université Laval. Regardons ça ensemble.

Avec deux chercheurs de l’Université du Manitoba, Taha Mohebbi et Shiu-Yik Au, la chercheuse québécoise a compilé les données sur les PDG des entreprises américaines cotées en Bourse issues de Glassdoor.com, entre 2013 et 2018. Ce site web permet aux employés de fournir des avis anonymes sur leurs différentes expériences professionnelles, y compris leur évaluation de la performance du PDG.

Grâce à ces données, les trois chercheurs ont été en mesure de regarder si les PDG ayant de bonnes notes attribuées par les employés – les bons boss – avaient une influence positive sur la performance de leur entreprise, ou pas. Résultat? «Les entreprises dirigées par des bons boss affichent en général un rendement des actifs (ROA) supérieur de 1,6% à celui des entreprises qui ne sont pas dirigées par un bon boss», indique l’étude. (Pour information, le ROA représente la capacité d’une entreprise à générer des bénéfices à partir des actifs qu’elle possède.)

Bref, un bon boss permet bel et bien à son équipe d’engranger davantage de bénéfices que si elle était pilotée par un boss, disons, «commun» ou par un mauvais boss.

Maintenant, comment expliquer ce phénomène? Andréanne Tremblay-Simard et ses deux collègues ont davantage creusé dans leurs données et découvert deux choses fort intéressantes:

– Une rémunération plus élevée. Les PDG qui ont de bonnes notes se distinguent par le fait qu’ils ont souvent une rémunération plus élevée que les autres PDG.

– Plus d’actions. Les PDG qui ont de bonnes notes se démarquent aussi par le fait qu’ils détiennent souvent plus d’actions de l’entreprise qu’ils dirigent que les autres PDG.

Autrement dit, on note que les intérêts personnels de ces PDG sont alignés avec les intérêts de l’entreprise. Ce qui revient à dire que les bons boss se caractérisent par le fait qu’ils se portent mieux à mesure que leur équipe se porte mieux elle-même.

Ce n’est pas tout. Les trois chercheurs ont également regardé si les entreprises dirigées par des PDG bien notés se démarquaient, ou pas, par leurs politiques environnementales, sociales et de gouvernance (ESG). Or, il se trouve qu’il y a bel et bien un lien entre les deux: plus une entreprise est soucieuse d’ESG, plus elle a de chances d’être dirigée par un PDG bien noté.

Mieux, les trois chercheurs ont décomposé les scores ESG de ces entreprises-là et ont ainsi mis au jour le fait que ce qui les distinguait vraiment n’était ni le E ni le S, mais le G. Oui, la gouvernance. Les bons boss se différencient donc par leur ferme décision d’implanter de bonnes pratiques managériales: par exemple, ils agissent en coach, en comprenant, conseillant et soutenant, et non pas en petit chef, qui, lui, se contente de commander et contrôler.

En résumé, Gino, les bons boss font une vraie différence, en particulier sur le plan financier. Ils permettent à leur équipe de gagner en performance, ce qui passe par le souci constant d’améliorer l’efficacité et le bien-être de chacun et de tous. Et ils tirent leur propre motivation de l’alignement de leurs intérêts personnels avec les intérêts collectifs: par exemple, leur rémunération (prime, jours de congé supplémentaires, etc.) s’apprécie à mesure que l’équipe enchaîne les succès.

Je vous souhaite donc d’avoir la chance prochaine d’avoir un bon boss à la tête de votre équipe. Je vous le souhaite du fond du cœur.

En passant, l’écrivain français Jules Romains a dit dans «Les Hommes de bonne volonté»: «Le vrai patron est quelqu’un qui se mêle passionnément de votre travail, qui le fait avec vous, par vous.»