Le nouveau visage des CA


Édition du 25 Janvier 2014

Le nouveau visage des CA


Édition du 25 Janvier 2014

Par Diane Bérard
Échapper à la tentation du pdg

Près de la moitié des administrateurs canadiens recrutés depuis six ans sont des pdg ou d'ex-pdg, révèle le Board Index. Pourquoi ? La réponse officielle tient à leur expérience diversifiée. La réponse officieuse tient à des facteurs plus psychologiques. «Il faut un ego puissant pour affronter l'ego du pdg, souligne Michel Magnan. Il n'y a peut-être qu'un pdg ou un ex-pdg qui y arrive.»

Hugues Lacroix ajoute la confiance et le temps. «Le pdg doit faire confiance à son conseil, explique le consultant. Or, la rapidité avec laquelle il accordera sa confiance tient au respect que les administrateurs, surtout le président du conseil, lui inspireront ou pas.» Il ajoute : «Confieriez-vous votre auto à quelqu'un qui n'a jamais conduit ou qui n'a qu'un permis temporaire ?» Cela dit, le v.-p. d'une division internationale d'une grande entreprise fait certainement le poids face au pdg d'une entreprise de taille moyenne, ajoute M. Lacroix.

Un ex-pdg vaut-il un pdg ? «Rien ne se compare à la réalité du terrain, surtout lorsqu'elle change de plus en plus vite», répond Michel Magnan. «Rien ne vaut un administrateur qui se consacre à temps plein à son rôle», réplique Louise Champoux-Paillé, présidente du Cercle des administrateurs de sociétés certifiés.

En fait, rien ne vaut l'équilibre. Un conseil est constitué d'une somme de talents, de compétences, d'expériences et de styles, rappelle Andrew MacDougall. Le conseil doit servir de contrepoids à la direction, rappelle Louise Champoux-Paillé. «En n'ajoutant que des pdg [au conseil], on ne fait qu'alimenter la pensée de troupeau.»

De gré ou de force, les conseils doivent s'affranchir de la tentation du pdg. Ils n'ont pas le choix. Des pdg disponibles, il y en a de moins en moins. «Les investisseurs institutionnels ne veulent plus que leur pdg siège à plusieurs conseils, souligne Thierry Dorval. En assemblée générale, ils pourraient s'abstenir de voter pour ceux qui cumulent les conseils, ce qui équivaut à voter contre eux.» Déjà, le profil des nouveaux administrateurs change. En 2013, 27 % des nouveaux administrateurs du Board Index étaient des cadres supérieurs, mais non des pdg. C'est un peu plus du double du niveau de 2012 (13 %) et la plus forte proportion depuis 2008.

Pour s'affranchir de la tentation du pdg, on peut porter son regard ailleurs, à l'étranger par exemple. Du coup, on élargit le bassin de candidats. En 2013, le tiers des nouveaux administrateurs du Board Index provenaient de l'extérieur du Canada, principalement des États-Unis (76 %). Le niveau le plus élevé depuis trois ans. Au total, 26 % des administrateurs des sociétés canadiennes du Board Index étaient issus de l'extérieur du Canada. Parmi les sociétés québécoises du Board Index, 18 % des administrateurs ne résident pas au Canada.

Combien vaut un administrateur ?

Recruter à l'extérieur du Canada règle un problème - celui d'élargir le bassin -, mais en crée un autre : la disparité des rémunérations. Les sociétés québécoises du Board Index qui comptent des administrateurs étrangers offrent 47 % de plus (140 000 $) que celles qui n'en comptent pas (95 000 $). À l'échelle du Canada, l'écart est de 40 % (183 000 $ comparativement à 130 000 $).

Un administrateur de sociétés québécoises vaut-il moins qu'un administrateur canadien ou étranger ? On peut supposer que l'activité d'une société qui recrute un administrateur étranger dépasse les frontières du Canada. Autres lois, autres marchés, autres réalités. Cette complexité pourrait expliquer la disparité salariale.

Quant à la composition de la rémunération, elle varie aussi. Les administrateurs britanniques reçoivent la quasi-totalité de leur rémunération sous forme d'argent. Plus de la moitié (56 %) de la rémunération des administrateurs américains se compose d'actions de l'entreprise. Les administrateurs canadiens, eux, reçoivent un peu plus du tiers (36 %) de leur rémunération sous forme d'actions. Pourquoi cette différence ? Les Britanniques n'abordent pas le rôle du conseil comme les Américains. Les premiers accordent au conseil un rôle de surveillance et de contrôle, explique le consultant Hugues Lacroix. Ces conseils sont axés sur les moyens et les processus. Les CA américains auraient plutôt un rôle de création de valeur, car on s'attend à ce qu'ils aient un impact sur les résultats à court terme de l'entreprise. D'où la présence d'actions dans leur rémunération, afin que leurs intérêts soient arrimés à ceux de l'entreprise. Le Canada se situe entre les deux. «On y reconnaît plus formellement le rôle élargi du conseil de veiller aux intérêts de l'entreprise, rappelle Michel Magnan. Cela va au-delà du simple intérêt de l'actionnaire. Il est question de créer de la valeur, mais pas à tout prix. C'est pourquoi on offre moins d'incitatifs à court terme [actions] qui pourraient compliquer le jugement.»

La diversification des CA peut sembler un acte de foi. Les recrues influeront sur la dynamique des conseils. Elles pourraient même ralentir la prise de décision. Mais alors qu'on demande aux administrateurs de voir plus large et plus loin, la fin des stéréotypes peut aussi être vue comme un beau risque.

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