Haro sur la culture ?

Publié le 01/07/2011 à 08:57, mis à jour le 08/07/2011 à 08:57

Haro sur la culture ?

Publié le 01/07/2011 à 08:57, mis à jour le 08/07/2011 à 08:57

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Trop souvent incomprise, ignorée, voire décriée, la culture d'entreprise constitue pourtant la meilleure alliée de la performance des organisations. À condition d'en saisir l'essence et d'en tirer profit intelligemment. Démonstration.

Auteurs : Jon Katzenbach et Ashley Harshak, Strategy + Business

Quand, en 1987, Alfred M. Gray Jr. est nommé commandant des Marines, nombreux sont les observateurs du monde militaire qui s’accordent à dire que « l’esprit guerrier » qui a fait la réputation de cette force armée américaine est déjà passablement entamé. Les conflits en Corée et au Vietnam ont gonflé les effectifs (de 75 000 engagés, dernier record historique, la force régulière est passée à 200 000 hommes) et, au sein des troupes, les valeurs et la discipline se sont émoussées. Plutôt que de jeter la pierre à la piètre culture organisationnelle — cela aurait été de bonne guerre — et de se lancer dans un remaniement d’envergure, le commandant Gray choisit de déterminer et de valoriser ce qui, dans la culture des Marines, a du bon. S’inspirant de la philosophie du respect mutuel, il n’hésite pas, par exemple, à se présenter au mess sans ses insignes de grade, afin d’être logé à la même enseigne qu’un simple soldat. Ainsi, Al Gray est, à ce jour, le seul officier qui, sur son portrait accroché au Pentagone, porte l’uniforme de combat. Et, dans l’histoire de ce corps d’armée vieux de 250 ans, il est l’un des commandants les plus respectés.

Un dirigeant comme M. Gray connaît la valeur de la culture organisationnelle, cet ensemble de comportements et de croyances profondément ancrés et communément admis qui définit le « train-train quotidien » d’un groupe. Les individus issus d’une même culture ont une compréhension tacite du monde, de leur place au sein de celui-ci, des codes, officiels ou sous-entendus, qui régissent leur milieu de travail et de la portée de leurs actions. Quoique apparemment intangible, la culture d’entreprise a des effets significatifs sur les comportements et la performance.###

Changer une telle culture prend du temps. Le gestionnaire qui souhaite modifier les comportements qu’il juge les plus néfastes pour son organisation aura plus de chances d’y parvenir s’il fait de la culture existante son alliée. Ainsi, lorsque l’instauration de nouveaux comportements se traduit par de bons résultats, la culture existante peut se transformer en celle qui est souhaitée.

Bonnes excuses et autres faux prétextes

Lorsque l’instauration d’une nouvelle stratégie constitue un risque pour la culture d’entreprise en vigueur, cette dernière a presque toujours raison de la stratégie. Les explications à ce phénomène ne manquent pas. L’identité d’une entreprise — l’ensemble des compétences et des pratiques qui la singularise et la rend performante — dépend en grande partie de la façon dont les individus pensent et se comportent. Profondément ancrée, l’empreinte culturelle tend à perdurer et change beaucoup moins vite que le marché. Si on n’y prend pas garde, ce décalage peut avoir de sérieuses répercussions sur le moral des troupes. Quand stratégie et culture se contredisent, il y a fort à parier que le stratège ne saisit pas le message que lui lance la culture à propos de sa philosophie du leadership.

Ce message, rares sont les dirigeants qui le prennent en considération. Nombre d’entre eux mettent la résistance qu’on oppose à leur stratégie sur le compte de la culture. Dans les cas les plus sérieux, certains se croient même investis d’un mandat de changement culturel radical. Cette croyance peut les amener, entre autres mesures d’envergure, à se séparer de collaborateurs précieux, à abandonner de vieilles façons de faire, à revoir le mode opératoire ou à mettre en place un nouveau système de gratifications et de promotions. Non seulement cette approche est-elle coûteuse, mais elle est aussi déstabilisante et risquée. De plus, sa mise en place peut prendre des années. Attaquer la culture d’entreprise de front a pour effet de saper l’énergie et la motivation des employés, pour qui une telle démarche ne peut se justifier que par une modification draconienne des données du marché ou de l’économie. De toute évidence, le jeu n’en vaut pas la chandelle. Pire, il est rarement efficace. La majorité des grandes entreprises qui s’y sont essayées — en particulier celles qui désiraient une transformation culturelle profonde — se sont cassé le nez et n’ont pas obtenu les résultats escomptés.

À l’autre extrême se trouvent les dirigeants qui ignorent totalement la culture d’entreprise et agissent comme si elle n’avait pas d’importance. Mais le pouvoir insoupçonné de la culture peut venir à bout de bien des aspirations : les instructions, aussi nombreuses soient-elles, que ces gestionnaires donneront à leurs subalternes seront rarement suivies ; ou en tout cas, pas avec l’enthousiasme et la rigueur qui garantiraient leur succès.

Pourtant, la culture d’entreprise n’a rien de sacro-saint. Indubitablement, certaines entreprises auraient tout intérêt à changer leurs habitudes. Il y a les passives-agressives, chez qui les employés ne se soucient plus guère de respecter leurs engagements ; les créatives indisciplinées, tiraillées par une flopée d’individus talentueux travaillant dans des directions opposées ; et les hautement bureaucratiques, qui croulent sous le poids des décisions politiques et l’interventionnisme de leur administration.

Pour ou contre la culture de votre entreprise ?

Attaquer la culture ou l’ignorer, lorsqu’on tente d’instaurer de nouvelles politiques, c’est perdre tout espoir de raviver les attitudes et les comportements qui avaient fait et pourraient faire, de nouveau, les beaux jours de l’entreprise. Plusieurs études suggèrent une corrélation entre le résultat financier et la robustesse de la culture organisationnelle. Rien de plus normal, après tout, puisque la culture est ce qui teinte et nourrit les comportements ayant le plus d’incidence sur la vitalité de l’entreprise. Procter & Gamble, Southwest Airlines, Apple, Tata, Starbucks et FedEx sont autant de sociétés de renom dont la culture d’entreprise unique contribue de manière significative à leur avantage concurrentiel.

Heureusement, il existe des moyens simples et efficaces de relever le défi du changement culturel. La culture ne doit pas servir de prétexte. Elle doit être utilisée avec doigté et perçue comme un atout, une source d’énergie, de fierté et de motivation. Le leader avisé saura l’apprécier et l’adopter, afin de déterminer les éléments qui sont compatibles avec sa stratégie. Il détectera les attitudes constructives déjà bien établies qui pourront être mises à profit et s’efforcera de trouver les moyens de contrecarrer ou d’atténuer les effets des éléments qu’il juge être un frein au changement. C’est ainsi qu’il pourra, de manière efficace, instaurer et implanter une mesure réellement bénéfique pour l’entreprise, plus rapidement et plus facilement qu’il ne l’avait escompté, et à un coût moindre.

Edgar H. Schein, spécialiste de la culture organisationnelle et auteur de The Corporate Culture Survival Guide, raconte une histoire qui illustre parfaitement le gain inattendu qu’on peut retirer d’une telle approche. Trois cadres supérieurs d’un grand fabricant industriel, le pdg, le directeur de l’exploitation et le chef du service du développement des affaires ont, un jour, fait appel à ses services dans l’intention de revitaliser la culture de leur entreprise. Le directeur de l’exploitation lui a raconté que, lors de sa dernière réunion avec son équipe, qui avait eu lieu la veille dans une grande pièce circulaire où chaque participant s’assied toujours à la même place, à son grand dam, seuls quatre de ses collaborateur s’étaient présentés. Ils s’étaient assis, fidèles à leur routine, loin de lui, à l’autre bout de l’immense table. Il n’en revenait tout simplement pas.

Quand M. Schein a demandé au directeur ce qu’il avait alors fait, il a eu, pour seule réponse, une mine interdite. L’étonnement passé, les cadres qui le consultaient ont fini par comprendre qu’ils étaient parties prenantes du système qu’ils condamnaient. Après tout, le directeur de l’exploitation aurait pu instaurer un changement modeste, mais non négligeable, en demandant à ses quatre collaborateurs de se rapprocher de lui. Ou il aurait pu suggérer aux membres de son équipe d’occuper un siège différent à la réunion suivante. Ensemble, durant les heures qui ont suivi ce récit, les cadres ont dressé une liste de petits ajustements souhaitables, qu’ils ont mis en œuvre dès la semaine suivante, avec succès.

Le changement culturel et ses mythes

Question : Qu’est-ce qui, a priori, empêche un leader de réagir de manière constructive aux défis que soulève la culture d’entreprise ? Réponse : Les mythes qui accompagnent la notion de changement culturel et qui, dans le monde des affaires, mènent à des décisions aux conséquences fâcheuses.

Mythe : La culture est à l’origine de tous les problèmes de l’entreprise

C’est l’excuse qu’on brandit inlassablement et qui est bien commode pour justifier de piètres résultats. On entend souvent dire qu’une culture axée sur le processus est une culture qui inhibe la collaboration. Ou encore, qu’une entreprise qui a trop à cœur le bien-être de ses employés protège ses maillons les plus faibles. Ce mythe sous-tend l’idée que les attitudes et les croyances façonnent le comportement, sans rendre compte des réalités de la culture organisationnelle. Nous verrons plus loin que le comportement peut influencer les croyances, au moins autant que le contraire.

Mythe : Autant ignorer sa culture quand on ne sait pas comment la changer.

La création de groupes de travail autonomes ultraperformants est une réalité qui ne date pas d’hier. Les fameux Skunk Works de l’avionneur Lockheed remontent aux années 1940. Pensées pour fonctionner en dehors de la culture existante, ces poches d’activités parallèles peuvent être couronnées de succès, mais elles font souvent figure d’outsiders. Elles finissent immanquablement par se constituer en entreprise à part entière ou se fondre dans la structure d’origine, victimes du malaise culturel ambiant. Il est alors de bon ton de déclarer que la culture d’entreprise finit toujours par saper les efforts d’innovation. L’histoire de la Saturn en est une illustration probante : conçue sur le modèle des cons-tructeurs automobiles japonais, une division de General Motors a été mise en place avec le statut d’entité autonome ayant le droit de faire cavalier seul ; mais, très vite rattrapée par la culture de GM, elle a connu le sort funeste que l’on sait.

Mythe : La culture, c’est l’affaire des professionnels du contact humain.

Les cadres spécialisés dans l’ingénierie, la finance ou la technologie se sentent souvent mal préparés aux problématiques culturelles. Persuadés qu’elles ont une dimension abstraite, ils préfèrent les confier aux équipes des ressources humaines, du développement des affaires, voire des communications, pendant qu’eux-mêmes veillent à la performance de leurs effectifs. Mais la qualité d’une culture organisationnelle se mesure autant à ses aspects concrets (stratégies, structures, modes opératoires, programmes) qu’à ses éléments plus abstraits (croyances, opinions, sentiments, réseautages, affinités). Si, à l’interne, les professionnels du contact humain peuvent bel et bien évaluer et contrôler les comportements — en plus de conseiller la direction en matière de culture —, ils ne peuvent justifier, exécuter ou mettre en application les décisions stratégiques ou les objectifs de rendement. S’assurer qu’un changement de comportement a une incidence sur l’avantage concurrentiel de l’entreprise est le rôle des cadres hiérarchiques, à tous les niveaux de l’organisation.

Mythe : La culture, c’est pour les hauts dirigeants.

C’est toujours de bon augure quand le pdg et ses lieutenants font de la culture d’entreprise une affaire personnelle. Mais, sans aide, les cadres supérieurs ne peuvent rien. En haut de l’échelle hiérarchique, agissant au vu et au su de tous, ils n’ont pas de contact direct avec ceux qui pourraient instaurer de nouvelles habitudes ou changer les comportements. La réussite d’une intervention culturelle dépend du lien que la direction entretient avec ses cadres sur le terrain, notamment avec ceux qui sont en contact quotidien avec les employés dont on attend les plus grands changements.

Ce mythe transparaît parfois dans les décisions prises par le conseil d’administration. Par exemple, quand ses membres sont convaincus que la seule façon d’améliorer la performance globale est de mettre en place un nouveau dirigeant qui apportera une culture nouvelle, enrichie. Ils élisent alors quelqu’un qui promet un changement majeur, et c’est le branle-bas de combat culturel, avec les coûts, les risques, les soubresauts — et, probablement, le peu de répercussions — habituels.

Apprivoiser sa culture d’entreprise actuelle

Chacun de ces mythes se manifeste à sa façon, mais ce qui les sous-tend est identique : une bonne dose de défaitisme. Trop importante pour être ignorée, trop difficile pour être domptée, trop abstraite pour être comprise, la culture donne du fil à retordre à bien des gestionnaires. Cette attitude pessimiste — surtout quand de précédentes tentatives de changement culturel ont échoué — suffit à saper l’énergie et l’enthousiasme nécessaires au changement. Elle minera toute mesure prise en vue d’améliorer la performance, avant même que celle-ci n’ait pu atteindre une vitesse de croisière qui permette d’envisager un changement durable.

Travailler avec sa culture d’entreprise actuelle, s’en servir, c’est, par conséquent, prendre une décision sensée, pratique, efficace, et de nature à revitaliser celui qui la prend. Le dirigeant qui agit de la sorte voit souvent ses efforts récompensés, car la performance de ses employés tend à s’améliorer.

C’est l’idée même que le gestionnaire peut modifier la culture de son organisation, en intervenant de manière directe, qui doit être battue en brèche. Cette approche aboutit rarement à de bons résultats. De la même manière qu’on ne peut faire changer d’avis celui qui croit dur comme fer à quelque chose, on ne peut forcer les sentiments des individus ni la manière dont ils perçoivent leur travail. Il est préférable de se concentrer sur certains comportements dont la transformation réglera des problèmes concrets et donnera des résultats tangibles. En voyant les problèmes se résoudre et la performance s’améliorer, les individus ont alors tout le loisir de changer leur manière de voir les choses. L’expérience a parfois de plus grandes vertus pédagogiques que la logique.

Imaginons la situation d’un conseiller dépêché par un pays industrialisé sur une île lointaine, pour aider les fermiers d’un village à améliorer leur productivité. Doit-il leur suggérer d’emblée un changement radical de culture, afin que la leur ressemble plus à la sienne, ou doit-il chercher à mieux connaître leur manière de penser, à trouver des liens possibles avec ses propres idées et à les rassurer quant à la possibilité de changer leur façon de procéder ? La première approche a de bonnes chances de flatter son ego (dans un premier temps, du moins), mais elle risque fort de tomber à l’eau. Ou de prendre des années à se réaliser. Proposer quelques nouvelles méthodes de travail, en revanche, trouvera vraisemblablement un écho favorable et, les résultats aidant, c’est l’ensemble des pratiques qui pourra être repensé. Il en va de même pour la culture d’une entreprise.

Afin de bien comprendre une culture d’entreprise, il faut s’intéresser à ses manifestations les plus subtiles, voire cachées, comme les conversations de couloir, les réunions impromptues derrière des portes closes ou encore le type de bons tuyaux que les employés se refilent. Il faut aussi savoir lire l’organigramme de l’entreprise et décoder le ton avec lequel sont données les directives. Rien n’est plus éclairant que les habitudes de travail dont la culture d’entreprise fait la promotion. La collaboration est-elle de mise ? Les décisions sont-elles prises individuellement ou en groupe ? L’information circule-t-elle librement ? Les succès et les échecs servent-ils de leçons ?

Pour passer du diagnostic au changement, il importe de se concentrer sur quelques comportements cruciaux. Et, pour vite obtenir des résultats, il faut veiller à la mise en application des décisions, en ayant recours tant à des moyens officiels qu’officieux.

Le comportement comme vecteur de changement

L’idée qu’un changement de comportement peut entraîner un changement d’attitude est un concept qui remonte à la théorie de la dissonance cognitive, élaborée, dans les années 1950, par le psychologue Leon Festinger. Selon Festinger, lorsqu’on demande à un individu d’adopter de nouvelles façons d’agir, son besoin d’équilibre altère graduellement sa façon de penser et la manière dont il se sent, et ce, même si les comportements à adopter lui sont, de prime abord, peu familiers ou qu’ils lui paraissent mauvais. Il tente alors de trouver des raisons, rationnelles ou émotives, qui justifient ses nouvelles actions.

Quand il repose sur l’expérience et se justifie par une amélioration notable des résultats, le changement comportemental a une incidence plus marquée sur l’état d’esprit. L’expérience directe peut venir à bout de vieilles croyances dans une culture donnée. Lorsque cette expérience est partagée par un groupe d’individus, le changement culturel est beaucoup plus facile à réaliser qu’on ne le croit. Encore faut-il que le dirigeant se donne la peine de changer les comportements, et non d’intervenir directement sur la culture.

Pour modifier les comportements, il faut commencer par déterminer les actions qui, maintes fois réitérées, renouvelleront les valeurs (et se traduiront par de meilleurs résultats). Il est important ici de distinguer les valeurs qu’on souhaite développer des actions ponctuelles qu’on désire changer et des comportements qu’on espère instaurer. S’engager à fournir un service de qualité, par exemple, est une valeur. Quand un conseiller des ventes honore cette valeur en acceptant d’échanger l’article d’un client, c’est une action. Quand ce même conseiller le fait à de multiples reprises, sachant qu’en cela il aide à fidéliser la clientèle de son magasin, il s’agit d’un comportement. Et ses inévitables répercussions sur la culture seront d’autant plus importantes.

Le dirigeant qui souhaite promouvoir une plus grande responsabilisation doit déterminer le type de comportement qui, en se répétant, exprime cette valeur. Et il doit donner des directives très claires. Par exemple : « J’attends d’untel qu’il prenne connaissance et conserve une trace de toute plainte adressée par un client et qu’il y réponde. Pour cela, il sera récompensé, ou pénalisé, sinon. »

Les comportements répétés se propagent aisément; c’est pourquoi ils ont une incidence sur la culture. Inconsciemment, nous sommes portés à imiter les autres. C’est particulièrement vrai au sein d’un groupe de collègues se vouant un respect mutuel. L’estime est un puissant facteur d’influence. Quand d’autres commencent à voir ses bénéfices et à l’adopter, le moindre changement individuel peut avoir un réel effet d’entraînement dans une organisation.

Pour convaincre les gens de changer de comportement, il faut faire appel à la raison comme à l’émotion. Pour rationaliser, il faut justifier le changement. Par exemple, expliquer pourquoi un comportement en particulier a besoin d’être modifié. Aider à faire comprendre comment de nouveaux comportements permettront à l’entreprise de mettre en œuvre une nouvelle stratégie, de fidéliser sa clientèle, ou encore quelle sera leur influence sur la valeur en Bourse de l’entreprise.

Mais pour motiver un changement, les facteurs émotionnels sont plus importants encore. La prévenance, l’équité, la responsabilité en matière d’écologie, voilà des sources convaincantes de motivation. Il en va de même de la réduction du stress et de la possibilité d’avoir des relations de travail plus conviviales. Dans bien des cas, les individus concernés voudront savoir quels effets les changements auront sur leurs pairs, sur la fierté qu’ils tirent de leur travail, sur la conciliation travail-famille, sur les opinions de leurs proches ou de leur entourage, ou encore sur la réputation de l’entreprise. Toutes ces questions, on doit les aborder sans détour, afin d’assurer un changement véritable, auquel adhéreront, avec enthousiasme, le plus grand nombre d’individus.

Le changement dépend non seulement de la compréhension, mais aussi de l’acceptation et de l’implication personnelle. De la même manière, sans discipline, sans cohérence ni compétence, l’acceptation et l’implication personnelle ne suffiront pas. Les éléments rationnels et émotionnels doivent s’allier pour provoquer un changement durable.

La culture d’entreprise en période de changement

Certains comportements favorisent le changement et d’autres le freinent, quelle que soit la culture. Le dirigeant perspicace, celui qui apprend à reconnaître les personnes aptes à faciliter le changement et qui leur donne les moyens de le faire, fera preuve d’une capacité d’adaptation qui aura une influence sur l’identité même de son organisation. Il saura trouver les forces de la culture d’entreprise susceptibles d’amener des changements bénéfiques pour tous, forces dont il tiendra compte avant de choisir l’endroit où il veut intervenir, la façon d’y parvenir et les moyens qu’il souhaite mettre en œuvre.

La culture d’entreprise n’est pas immuable. Pour s’adapter aux réalités du marché, elle doit sans cesse évoluer. Apprivoiser sa culture et apprendre à l’utiliser est une chose essentielle, mais encore faut-il savoir moduler sa stratégie et modifier sa mise en œuvre pour rester dans le ton. À n’en pas douter, les cultures les mieux établies changent lentement, bien plus lentement que le monde des affaires. Mais certains de leurs éléments peuvent être modifiés assez vite. Ils se transforment d’autant plus vite qu’on mobilise ceux qui, au sein d’une organisation, véhiculent un sentiment de fierté, cautionnent la culture ou se démarquent par une pensée avant-gardiste. En leur donnant les moyens d’explorer de nouvelles voies — l’usage des médias sociaux ou la refonte du service à la clientèle, par exemple —, on permet à l’ensemble du groupe de bénéficier de leur talent.

Toutefois, il est capital de rester concentré sur les comportements qui sont à la clé du changement — ceux qui déterminent l’orientation stratégique et la performance — , sans égard aux vicissitudes du marché. Pour prendre le pouls de la situation, on doit aussi trouver les moyens de mesurer tant le changement de comportement que les résultats qu’il produit. Qui souhaite un changement culturel ne doit pas céder à la tentation de vouloir tout changer (les comportements et les valeurs) d’un seul coup. Car les idées découlent plus facilement des actions que les actions des idées.

Le changement de culture mis en pratique

Nos recherches ont permis de mettre en évidence certains des principes qui président au changement culturel. Les voici.

Faites preuve de pragmatisme. Inutile de vouloir tout changer d’un coup. Concentrez-vous plutôt sur quelques comportements clés, qui trouvent un écho dans la culture existante, mais qui, en se modifiant, ont de bonnes chances d’améliorer la performance de l’entreprise. Identifiez clairement le groupe cible (les employés dont le comportement doit changer) et rendez les choses plus concrètes en explicitant les changements souhaités.

Ayez recours à des moyens officiels et officieux, afin d’ancrer les nouvelles habitudes. Fournissez des indicateurs chiffrés, offrez des mesures incitatives et assurez-vous que les employés soient épaulés jusqu’à ce qu’ils comprennent la valeur du nouveau comportement à adopter. Une évaluation, un rajustement de salaire ou une formation peuvent être de bon aloi pour ancrer les habitudes et récompenser ceux qui les adoptent. Ne négligez pas pour autant les mesures sans caractère officiel ayant pour objectif d’améliorer la réactivité et l’implication émotive, en cas de situation inattendue. S’il arrive un pépin, soutenez ceux qui seront à même d’évaluer la situation et d’intervenir en dehors du cadre et des procédures habituelles.

Trouvez ceux qui agiront à titre de modèles. Les personnes qui intègrent vite les nouveaux comportements et qui se distinguent par leur façon d’agir peuvent tout naturellement servir de modèles. Elles joueront un rôle capital dans l’établissement d’un sentiment de fierté, car, dans la mise en œuvre du nouveau comportement, leur exemple pourra être cité. Elles pourront aussi vous être d’une aide précieuse pour trouver les moyens d’encourager les autres à changer (on parle parfois de « détournement positif » pour illustrer cet effet d’entraînement).

Ne négligez pas la culture d’entreprise, utilisez-la. Tâchez de rester dans le cadre culturel propre à votre entreprise. Avant de changer une quelconque pratique, vous devez vous assurer de comprendre les raisons qui la sous-tendent. Pour relever ce défi, il faut une parfaite adéquation entre l’application rigoureuse du processus et l’initiative individuelle. Et le courage d’aller au front, quand survient un incident inattendu…

Montrez l’exemple. Assurez-vous d’agir au vu et au su de tous. Soyez, en tout temps, un exemple à suivre. Prenez Fritz Henderson, le pdg intérimaire de General Motors, qui a amorcé la vaste restructuration de la compagnie quand le gouvernement américain est devenu son principal actionnaire. Jamais il n’a été aussi éloquent que lorsqu’on lui a remis un rapport préliminaire de 300 pages devant l’aider à témoigner devant le Congrès américain. Dès le lendemain, il a communiqué avec son chef du personnel pour lui demander d’interrompre le travail de l’équipe chargée de la documentation. « Une bonne vingtaine de personnes doivent plancher depuis un mois à la rédaction de ce rapport. Or jamais je ne l’utiliserai. Je préfère encore des renseignements incomplets [que ce document inutile] », a-t-il expliqué.

Clarifiez les nouveaux comportements à adopter. Un jour, le nouveau patron d’une grande institution financière a énoncé l’une de ses priorités : une nouvelle gestion des compromis, dans les cas de transactions incertaines, ce qui se traduirait par ce qu’il appelait une prise de risques calculés. Il en parlait à tout bout de champ, et les employés semblaient bien saisir l’importance de cette nouvelle approche. Pourtant, un grand nombre de personnes avaient besoin de directives claires. Au sein du personnel, l’incertitude était grande, car les consignes faisaient défaut.

En fait, chaque fois qu’on souhaite implanter une nouvelle mesure, la restriction des coûts, par exemple, il faut veiller à un encadrement adéquat du personnel, propice à la mise en œuvre de nouveaux comportements. Des directives claires doivent être données, que ce soit sur la façon de gérer les dépenses ou de signaler une activité entraînant un gaspillage incontrôlable. Dans le cas d’un passage du public au privé, il faut parfois envisager un changement culturel, pour mettre l’accent, par exemple, sur le service à la clientèle. Que peut-on faire différemment ? Comment rappeler régulièrement les enjeux du changement, afin de consolider les comportements clés ? Quels aspects de la communication avec la clientèle doit-on privilégier ? Autant de questions qui devront trouver réponse et ainsi consolider ou transformer votre culture d’entreprise pour le mieux.

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