GE : en panne de leaders ?

Publié le 02/09/2010 à 13:56, mis à jour le 28/10/2010 à 15:44

GE : en panne de leaders ?

Publié le 02/09/2010 à 13:56, mis à jour le 28/10/2010 à 15:44

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En 1981, Jack Welch, un ingénieur de Boston reconnu pour son audace, a pris les rênes de l'entreprise, et a lancé sa propre révolution. Délestant des activités commerciales et éliminant la bureaucratie, il s’est servi de Crotonville pour apporter d’importants changements à l’échelle de la société. Jack Welch était omniprésent à Crotonville, prêchant un comportement ouvert et l'efficacité à tout prix (grâce à la bonne vieille stratégie de gestion des affaires connue sous le nom de «Six Sigma»).

De nos jours, Crotonville reste une composante névralgique de GE. Mais son image passéiste n’évoque plus seulement l’excellence… «L'institut applique un modèle du XXe siècle dans un monde du XXIe siècle», soutient John Sullivan, un ancien responsable de la gestion des compétences chez Agilent Techonologies, maintenant professeur de gestion à la San Francisco State University. Il a enseigné à Crotonville, et il croit qu'un temps de réaction très lent et une trop grande attention portée aux affaires internes paralysent le système. Et, à l’encontre de la croyance populaire, il soutient que, dans un monde moins hiérarchisé, qui fonctionne en réseau, plusieurs entreprises – Hewlett-Packard, Cisco, Best Buy et Deloitte, par exemple – sont devenues de meilleures pépinières de compétences que GE. Quant à Scott Belsky, stratège en leadership et fondateur de Behance, qui conçoit des produits et élabore des services pour des industries novatrices, il affirme que «quand il s’agit de couper, d’être dur en affaires et d’optimiser la productivité, les processus de GE sont parfaits; mais quand il s’agit d’être souple et d’innover, ils peuvent devenir un obstacle». Toutefois, pour plusieurs dirigeants de GE, dont Jeff Immelt, Crotonville reste la Mecque de l’entreprise. «Il n’y a rien d’équivalent», croit Susan Peters, directrice en chef de l’apprentissage, qui fait valoir que c'est un signe qu'on est aux petits soins avec les cadres. «GE gère peut-être à l’ancienne, mais elle le fait bien», pense Kentaro Iijima, vice-président principal chez Fujitsu Business Systems, qui a été invité à Crotonville il y a quelques années. «L’ennui, c’est qu’il est difficile de consacrer autant de temps à la formation. D’autres styles de formation, dont CoachingOurselves, ont émergé depuis», précise-t-il.

Former des spécialistes ou des généralistes?

Jeff Immelt et son équipe soulèvent des questions quant à la façon de former de meilleurs leaders pour le monde de l’après-crise – et ils ne sont pas les seuls. Mais certains, justement, se demandent s’il est souhaitable d’éloigner des employés de leurs activités quotidiennes pendant plusieurs semaines afin de leur permettre de développer leurs compétences et d'en acquérir de nouvelles.

Les entreprises doivent-elles approfondir l’expertise de chacun, comme on le croit chez GE, ou former des généralistes en gestion? Est-il pertinent de parler d’un ensemble de caractéristiques que devraient posséder tous les leaders? Si GE répète ailleurs le processus de décentralisation qu'elle a appliqué en Inde, ou se transforme en une série d’entreprises plus autonomes, comment alors sera-t-il possible de définir l’appartenance à l’organisation? «Les gens ont besoin de comprendre ce que ce genre de transformations signifient pour eux, explique Gary E. Hayes, consultant en leadership. Ils ont besoin de comprendre quels avantages ils en tireront pour leur propre carrière et leur avenir. Quel est l’ingrédient secret qui fera lever la pâte?»

Prenons le cas de Google, une entreprise qu'à peu près tout le monde admire. On n’a pas eu le temps d'y créer des programmes de leadership. Au cours de la dernière décennie, la philosophie du géant s'est résumée à ce que Judy Gilbert, directrice en gestion des compétences, décrit ainsi: «Engageons des personnes remarquables, mettons-les au travail et laissons-les libres!» Une formule qui fonctionne mieux quand on est petit et qu’on a le vent en poupe. Bien que l’on mette de plus en plus l’accent, chez Google, sur l’évaluation et le soutien des compétences, l’entreprise continue de miser sur la rétroaction des pairs, les programmes de leadership de deux ou trois jours et l’autonomie personnelle en matière de planification de carrière. «Quand on a une vision monolithique du leadership, on se crée une multitude de problèmes», estime Laszlo Bock, vice-président RH chez Google et ancien vice-président RH chez GE Capital Solutions. À son avis, l’approche de Google élimine complètement le risque de sombrer dans ce qu’il appelle un «modèle universitaire de formation, lourd, institutionnalisé, hiérarchisé, parce que c’est beaucoup trop statique». Chez le géant d’Internet, on évite aussi d’établir trop de points communs que devraient partager les leaders; en fait, quand, avec son équipe, Laszlo Bock a tenté de les résumer, il en est rapidement arrivé à une liste qui en comportait une quarantaine. «Ce qui compte, c’est d’avoir un bon équilibre entre généralistes et spécialistes, croit-il. Certains leaders excellent sur le plan technique, et d’autres se distinguent par leur caractère innovateur, créatif. On a besoin d’une brochette d’individus affichant une multitude de compétences.»

John Lynch, l'actuel vice-président principal RH chez GE, est bien d’accord. «Existe-t-il encore des recettes universelles?» se demande-t-il. Selon lui, l'avantage du système de GE se trouve dans sa capacité de s’adapter à un environnement qui change rapidement. GE évalue les individus en fonction de cinq facteurs: l’ouverture sur le monde, la clarté de pensée, l’imagination, l’inclusivité et l’expertise – des critères assez généraux pour permettre une évaluation globale. On s’efforce désormais d’améliorer cette approche en ajoutant une façon de voir les choses bien adaptée au monde d'aujourd'hui. Par exemple, si, sous le règne de Jack Welch, les compétences les plus valorisées étaient la capacité de réduire les coûts, l’efficacité et l’aptitude à conclure des ententes, quand Jeff Immelt est arrivé, il a plutôt recherché la capacité de prendre des risques, le souci de la clientèle et l’innovation. Et le PDG affirme maintenant se tourner davantage vers «plus de réseautage, de gestion dans un contexte volatile, et une plus grande attention prêtée pas seulement aux gens, mais aussi sur la façon dont les gens travaillent au sein d’une équipe.»

Évidemment, certains se diront que tout cela peut vouloir dire bien des choses… Peut-être s’agit-il de multiplier les blogues des employés et les comptes Twitter. Peut-être Jeff Immelt fait-il allusion à l’orientation adoptée par HCL Technologies, une société mondiale du secteur des TI, où le PDG, Vineet Nayar, invite tous les employés à évaluer le rendement de n’importe quel directeur ayant une influence sur son travail, y compris le PDG, puis à afficher les résultats en ligne. «En ouvrant toutes grandes les portes à la transparence, non seulement nous partageons la connaissance, mais nous créons surtout un climat de confiance. Soudainement, il y a beaucoup moins de rumeurs qui circulent», explique Vineet Nayar. Selon lui, il est essentiel que de nouvelles voix se fassent entendre, avec des idées nouvelles, «parce que, quand une entreprise dépérit, ça se fait lentement, insidieusement, sans que la haute direction puisse s’en apercevoir avant qu’il ne soit trop tard». D’où sa philosophie: mettre les employés en contact direct avec les clients, et «éliminer» le bureau du PDG, en inversant l’obligation de rendre des comptes et en transmettant aux employés eux-mêmes la responsabilité de changer.

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