À l’assaut de la réussite

Publié le 02/09/2010 à 13:27, mis à jour le 28/10/2010 à 15:43

À l’assaut de la réussite

Publié le 02/09/2010 à 13:27, mis à jour le 28/10/2010 à 15:43

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Qu’ont en commun l’amiral Horatio Nelson, qui a stoppé la conquête de Napoléon en 1805, et le géant Google? Un succès colossal qui s’appuie sur la «réalisation créative», soit l’art de mettre en œuvre une stratégie anticonformiste. Voici leur plan d’attaque pour accomplir de grandes réalisations, même quand tout semble se liguer contre vous.

Auteur: Eric Beaudan, Ivey Business Journal.

Nous sommes en 1805. Presque toute l’Europe subit les assauts de Napoléon 1er. Une seule nation ose encore lui résister, l’empêchant de concrétiser sa domination européenne: l’Angleterre. Avec 200 000 soldats d’élite rassemblés dans le nord de la France, l’empereur compte sur l’appui de l’amiral Villeneuve, qui doit unir ses forces à celles des Espagnols pour consolider la région du Pas-de-Calais, contre les troupes d’invasion qui marchent sur l’Angleterre.

Surveillant la scène, Napoléon s’enthousiasme: «Soyons les maîtres du Pas-de-Calais pendant six heures, et nous serons les maîtres du monde», aurait-il déclaré. Un obstacle se dresse pourtant devant ses rêves de conquête: Horatio Nelson, l’amiral le plus redoutable de la Royal Navy (Marine royale britannique). L’amiral Villeneuve connaît bien les prouesses de l’Anglais. Même avec une flotte de 33 vaisseaux qui brille de tous ses feux, y compris le fleuron espagnol Santísima Trinidad (le plus grand navire de guerre au monde, avec ses 130 canons), Villeneuve craint les 27 vaisseaux de Nelson, dont les hommes sont fin prêts pour le combat.

Au matin du 21 octobre 1805, quand Horatio Nelson rattrape finalement Villeneuve, au large du cap Trafalgar, il remporte une victoire éclatante. Les Anglais coulent ou capturent 18 navires ennemis et tuent plus de 14 000 marins français et espagnols, soit 10 fois plus que le nombre de victimes dans leurs rangs. Fait prisonnier à bord de son propre vaisseau, Villeneuve se suicidera quelques jours après la défaite. Le rêve de Napoléon de dominer l’Europe échoue lamentablement.

Le génie de Nelson

Comment Horatio Nelson a-t-il pu remporter une victoire aussi décisive? C’est simple: il maîtrisait la réalisation créative, cette capacité de mettre en œuvre une stratégie tellement bien conçue, comprise et acceptée par tous que le succès est presque assuré, même quand les perspectives semblent défavorables. Les capitaines sous les ordres de l’amiral Nelson savaient, avant même d’amorcer le combat, qu’ils allaient l’emporter. Ils ont baptisé leur approche «la touche Nelson», tout simplement.###

Cette stratégie n’avait rien de délicat. L’amiral Nelson ne souhaitait pas seulement vaincre la flotte ennemie, il voulait l’écraser. Au lieu de la traditionnelle «ligne de bataille», qui consiste à placer les vaisseaux de guerre en deux lignes parallèles pour qu’ils se canonnent à bonne distance — ce qui se traduit généralement par de longues batailles qui ne font pas de véritables vainqueurs —, Horatio Nelson a choisi de percer les lignes ennemies à un angle de 90 degrés, pour attaquer séparément les navires en combat rapproché. Parce que les Anglais pouvaient charger leurs armes et tirer presque deux fois plus vite que les Français et les Espagnols, le plan d’attaque de l’amiral britannique a assuré à ses troupes de couler ou de capturer beaucoup plus de navires ennemis que ne l’auraient permis des tirs à longue portée. Au cap Trafalgar, Horatio Nelson a scindé sa flotte en deux lignes d’attaque: une qu’il dirigeait depuis le Victory, l’autre que dirigeait l’amiral Collingwood à bord du Royal Sovereign. Les deux lignes de vaisseaux ont percé le centre de la flotte franco-espagnole, une stratégie audacieuse qui allait rapporter gros.

Les 5 ingrédients de la réalisation créative

En analysant l’approche de l’amiral Nelson, on met aisément en lumière les ingrédients qui composent la recette gagnante de la réalisation créative. Appliquée aux organisations, cette recette leur donne l’occasion de se démarquer et augmente considérablement leurs chances d’obtenir des résultats sensationnels, contre toute attente.

1. Une stratégie exclusive, comprise et acceptée par tous. En forçant l’adversaire à s’engager dans une bataille décisive, grâce à une approche à angle droit qui mettait à profit une plus grande puissance de feu dans des combats rapprochés avec chaque navire ennemi, Horatio Nelson a opté pour une stratégie et des tactiques à la fois visionnaires et séduisantes. Tous les soirs, l’amiral britannique invitait dans sa cabine ses différents capitaines pour discuter de sa stratégie et la peaufiner, et il effectuait quotidiennement des exercices afin de s’assurer que l’équipage maintienne son efficacité à charger les armes, l’élément clé de la réussite de son plan. Cette stratégie unique de la flotte britannique, qui consistait à percer les lignes ennemies, et l’avantage concurrentiel d’un maniement d’armes plus efficace donnaient aux Anglais le double coup de massue nécessaire pour démolir les forces alliées des Français et des Espagnols.

2. Un dialogue franc. L’ouverture d’esprit avec laquelle Horatio Nelson abordait ses pairs et ses supérieurs révèle à merveille sa personnalité. Il a défendu ardemment sa stratégie au sein de l’amirauté, en a parlé ouvertement avec son équipage et a même encouragé ses capitaines à débattre de ses idées. Pour obtenir l’avantage tactique qu’il espérait, l’amiral Nelson avait compris qu’il devait déroger à la tradition du silence de la Marine royale en cas de désaccord, et inviter ses capitaines à faire preuve d’initiative en brisant les règles établies.

3. La clarté des rôles et des responsabilités. Après avoir partagé sa stratégie avec ses capitaines, Horatio Nelson a consigné le tout dans un document écrit remis à chacun, établissant clairement qui devait faire quoi. La flotte serait divisée en deux lignes d’attaque qui perceraient les forces françaises et espagnoles en leur centre —avec des directives précises pour chacune des deux divisions. L’amiral britannique a même envoyé à ses capitaines un bref rappel: «Quand un capitaine ne peut recevoir ou comprendre les signaux, il ne commettra jamais d’erreur en plaçant son navire tout contre un vaisseau ennemi.» Les premiers lieutenants étaient aussi informés de la stratégie, afin de poursuivre l’assaut si leur capitaine tombait au combat.

4. Une action audacieuse. Bien avant sa victoire à Trafalgar, Horatio Nelson avait démontré qu’il n’hésitait pas à faire preuve d’audace. À la bataille du Nil en 1798, il avait annihilé une flotte française au cours d’une attaque de nuit, ce qu’aucune autre flotte n’avait osé jusque-là. Après cette bataille, il s’était forgé une telle réputation de prendre des mesures draconiennes que l’amiral Villeneuve «avait l’impression de combattre non pas un opposant extrêmement doué et audacieux, mais une véritable institution bâtie sur l’excellence et la précision, capable de déjouer les probabilités dès le départ». Après avoir vu la formation d’attaque de Nelson, l’amiral espagnol se serait exclamé: «Nous sommes damnés!» Même si les navires français et espagnols ont eu l’occasion de tirer les premiers coups, alors que la flotte anglaise avançait lentement vers eux, Horatio Nelson n’a pas hésité à foncer au cœur des lignes ennemies.

5. Un leadership visible. La seule façon pour les leaders de stimuler le pouvoir créatif de leurs troupes, c’est de se montrer durant les escarmouches qui surviennent tout au long de la réalisation d’un projet. À la bataille de Trafalgar, Horatio Nelson a refusé d’enlever ses décorations ou de cacher son uniforme d’amiral. Il était convaincu que sa seule présence sur le pont du Victory pousserait ses marins à lutter encore plus fort. À mi-chemin de la bataille, un tireur d’élite français a repéré l’amiral Nelson dans son uniforme et l’a atteint. Horatio Nelson est mort après avoir été conduit aux ponts inférieurs, devenant aussitôt un héros.

Les 5 ingrédients en pratique

Appliquée aux organisations, cette recette de la réalisation créative leur donne l’occasion de se démarquer et augmente, contre toute attente, leurs chances d’obtenir des résultats remarquables. En voici quelques exemples.

1- Une stratégie inspirante. Trouver une stratégie unique et inspirante, qui décrit clairement ce que chacun doit faire, ou ne pas faire, pour obtenir des résultats exceptionnels.

> La décision de Google de se concentrer sur les recherches dans Internet, plutôt que sur le contenu.

> L’approche de Four Seasons de construire des hôtels de taille moyenne.

> Les efforts de Toyota pour répondre aux besoins de la clientèle dans tous les marchés.

2- Un dialogue franc. L’ouverture aux idées des autres, les débats honnêtes, les désaccords et la résolution des conflits sont des éléments essentiels d’un travail d’équipe efficace menant à une réalisation réussie. Instaurer une culture de la candeur stimule l’engagement des employés et favorise l’innovation.

> La lettre ouverte que Larry Page et Sergey Brin envoient chaque année aux actionnaires de Google.

> Les 600 000 suggestions que font annuellement les employés de Toyota pour améliorer l’entreprise ou ses procédés de fabrication.

3- La clarté des rôles et des responsabilités. Les directeurs et les employés doivent comprendre comment leur propre rôle et leurs responsabilités individuelles contribuent à la stratégie globale. La clarté des rôles nourrit les attentes et consolide l’engagement des individus à accomplir des actions précises.

> Le PDG de Thomas Cook demande à chacun de ses subordonnés d’assumer la gestion d’un projet stratégique.

> Chaque employé de Toyota a la possibilité de tirer sur une cordelette optique qui stoppe toute la chaîne de production.

4- Une action audacieuse. Les actions audacieuses procurent un élan incroyable. Elles propulsent solidement l’organisation dans une nouvelle direction, donnant un avant-goût de la façon dont la stratégie sera déployée.

> Pendant la guerre du Golfe, le «crochet du gauche» du général Schwarzkopf, qui a fait croire à un débarquement massif sur les côtes du Koweït pendant que des troupes alliées contournaient le dispositif irakien

> La démarche de Google de numériser le contenu de toutes les bibliothèques de la planète.

> L’investissement précurseur de Toyota dans la technologie hybride.

5- Un leadership visible. Les principaux leaders d’une organisation doivent se montrer le bout du nez pour aider les troupes à se concentrer sur l’objectif, suivre l’atteinte des étapes clés et créer une culture propice à l’apprentissage, au courage et à la persévérance.

> Akio Toyoda qui se décrit comme un «chef propriétaire» chez Toyota.

> La PDG de Four Seasons, Kathleen Taylor, qui visite jusqu’à 30 hôtels de la chaîne chaque année.

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