Savoir risquer... Prudemment

Publié le 26/06/2010 à 00:00, mis à jour le 06/06/2011 à 10:38

Savoir risquer... Prudemment

Publié le 26/06/2010 à 00:00, mis à jour le 06/06/2011 à 10:38

Par Pierre Théroux

Yvon Charest n'est pas aussi flamboyant que ses homologues de Couche-Tard, Jean Coutu ou Bombardier. Discret et prudent, le président et chef de la direction d'Industrielle Alliance préfère laisser parler ses résultats.

Cette approche a bien récompensé les actionnaires de la société installée à Québec. Le 3 février marquait le 10e anniversaire de l'entrée d'Industrielle Alliance à la Bourse de Toronto, période pendant laquelle son titre a progressé de 309 %.

Au cours de cette décennie, l'entreprise " est passée de société québécoise à société pancanadienne et de compagnie d'assurance à institution financière ", souligne fièrement M. Charest. Arrivé à la barre de l'Industrielle-Alliance au moment où elle était en processus de démutualisation, il a piloté cette transformation.

" Il ne le dira pas lui-même, parce qu'il est trop modeste, mais sa feuille de route est remarquable ", dit John LeBoutillier, président du conseil d'administration depuis 2005, auquel il s'est joint en 1997.

En dix ans, les actifs sous gestion et sous administration de l'entreprise ont bondi de 13 à 58,4 milliards de dollars (G$). Le montant annuel des primes et des dépôts est passé de 2,2 à 5,2 G$.

Avant de subir les effets de la crise, son bénéfice net était passé de 100,8 millions de dollars (M$), en 2000, à 249,2 M$ en 2007, avant de reculer à 74,8 M$ en 2008 et de remonter à 218,3 M$ l'an dernier.

Élargir la gamme de produits financiers

La prudence est au coeur de la stratégie de développement des affaires de la quatrième société d'assurance de personnes du Canada, comme en témoigne son entrée dans le marché des fonds mutuels.

Jusqu'au début des années 2000, Industrielle Alliance était surtout une société d'assurance de personnes. C'est à ce moment-là qu'elle décide d'élargir sa gamme de produits financiers. En 2002, elle acquiert les opérations de courtage en fonds mutuels d'une petite société qui compte 100 M$ d'actifs.

Réaction unanime du marché et des analystes financiers : trop peu, trop tard, commentent-ils, jugeant que les plus importants acteurs se sont déjà mieux positionnés. " Notre plan de match était de nous assurer d'abord de bien comprendre les produits et leurs réseaux de distribution ", explique M. Charest, rencontré à son bureau de Montréal.

Deux ans plus tard, la société acquiert un autre portefeuille de fonds mutuels, qui totalise des actifs d'environ un milliard de dollars. Puis, en 2005, elle frappe un grand coup grâce à l'acquisition des fonds communs Clarington et de ses 4 G$ d'actifs, convoités par plusieurs concurrents.

Cette transaction hisse Industrielle Alliance parmi les acteurs importants de l'industrie des fonds communs, au moyen d'actifs de 7 G$ aujourd'hui.

L'expansion hors Québec d'Industrielle Alliance, fondée en 1892, s'inscrit dans la foulée d'une stratégie longtemps étudiée et planifiée par l'entreprise. En 1982, elle commence à prendre de l'expansion dans le reste du Canada en acquérant La Compagnie d'Assurance-Vie North West du Canada, une petite société de Vancouver fondée en 1951. Six ans plus tard, c'est une autre entreprise de petite taille, de Toronto cette fois, qui entre dans son giron.

Mais ce n'est qu'en 1999, à l'achat au coût de 250 M$ de Seaboard Life, de Vancouver, que l'assureur fera un pas de géant dans le reste du pays.

Encore là, " nous sommes allés à petits pas, en achetant d'abord une petite entreprise qui nous permettrait de nous familiariser avec ce marché ", dit M. Charest.

" Sa démarche est fondée sur un principe dont il ne déroge pas : ne pas faire de grosses transactions si elles sont trop risquées ", dit Pierre Brodeur, membre du conseil d'administration.

Offensive en sol américain

Après avoir bouclé une importante expansion au Canada, Industrielle Alliance s'attaque au marché des États-Unis. Une fois de plus, la société de Québec ne s'écartera pas de la recette à l'origine de sa réussite.

À la fin d'avril, elle a annoncé l'acquisition de la compagnie d'assurance vie américaine centenaire, American-Amicable.

" Yvon nous avait déjà parlé de quelques entreprises ciblées. Mais comme aucune d'entre elles ne semblait le satisfaire, il préférait attendre la bonne occasion ", se rappelle Pierre Brodeur, administrateur depuis 1999.

Or, l'acquisition d'American Amicable donne cette fois " l'envergure et la présence nécessaires pour accélérer notre stratégie de croissance aux États-Unis ", indique M. Charest.

Fondée en 1910, cette société texane a son siège social à Waco, et emploie 115 personnes. Ses revenus de primes totalisaient 86 M$ et l'actif s'élevait à 687 M$ lors du dernier exercice, terminé le 31 décembre 2009.

Cette transaction a aussi aiguisé la patience des analystes financiers, qui attendaient une telle annonce depuis environ quatre ans. Une pression qu'Industrielle Alliance n'avait pas eu à subir pendant sa centaine d'années à titre de société mutuelle.

" En devenant une société à capital-actions, nous étions conscients d'avoir à évoluer avec la pression du marché et des actionnaires. Sans ignorer ces signaux, nous avons toujours pris des décisions en fonction de notre approche à long terme et d'une gestion des risques qui vise à assurer l'avenir de l'entreprise ", dit M. Charest.

Gérer rigoureusement les risques

" Nous ne vendons pas des automobiles ou d'autres biens, mais de la confiance ", souligne-t-il.Cette confiance, c'est l'assurance pour les clients de récupérer l'argent versé au moment voulu. Or, elle a été mise à rude épreuve pendant la crise qui a ébranlé les institutions financières et les consommateurs au cours des derniers mois, reconnaît le patron du groupe financier de Québec.

Malgré un environnement économique hostile, Industrielle Alliance dit avoir traversé cette période sans trop de heurts et en être ressortie plus forte encore.

" C'est dans de telles situations qu'on peut mesurer la profondeur et les capacités d'une entreprise. Industrielle Alliance fait partie de celles qui sont sorties gagnantes de la crise ", affirme M. Charest.

Cette réussite, l'entreprise l'attribue à deux facteurs : une gestion rigoureuse des risques et une approche à long terme. Un modèle qui, bon an mal an, " a prouvé sa capacité d'affronter les cycles économiques ", dit M. Charest.

Gérer les risques avec rigueur ne signifie pas nécessairement les éviter. Il s'agit plutôt de bien les mesurer et de prendre les décisions qui ne mettront pas l'entreprise en péril, explique-t-il.

Un assureur prend des risques d'assurance. Par exemple, la vente d'un produit et sa tarification doivent tenir compte des risques reliés à la mortalité ou à l'invalidité. " Les risques d'assurance, nous sommes capables d'en prendre et de bien les évaluer, c'est notre métier ", explique calmement le président et chef de la direction.

Mais une compagnie d'assurance doit aussi jongler avec deux autres types de risque : le placement de ses avoirs et les liquidités nécessaires pour respecter ses engagements envers ses clients. " Nous sommes plus prudents que la moyenne, explique M. Charest. Notre vision est plus modérée qu'optimiste, quitte à obtenir des rendements un peu moins bons. "

Toutes les institutions financières diront qu'elles ont une gestion modérée et qu'elles se gardent des coussins de sécurité en cas de coup dur. Cependant, " la crise a permis de voir celles qui disaient vrai ", note M. Charest.

" Industrielle Alliance a une approche prudente. Elle avance étape par étape, en s'assurant de la pérennité de l'entreprise ", renchérit John LeBoutillier, président du conseil d'administration de la société.

Industrielle Alliance s'est bien sortie de la récession. L'assureur a commencé l'année en force, avec un bénéfice net de 60,3 M$ au premier trimestre, en hausse de 31 % par rapport à la même période en 2009. Les primes et les dépôts ont atteint un niveau record de 1,8 G$, ce qui représente un bond de 46 % par rapport au même trimestre de l'an dernier.

La crise étant chose du passé, l'entreprise peut maintenant " porter son attention vers la croissance des affaires ", conclut M. Charest.

À la une

Et si les Américains changeaient d’avis?

Il y a 31 minutes | John Plassard

EXPERT INVITÉ. Environ 4 électeurs sur 10 âgés de 18 à 34 ans déclarent qu’ils pourraient changer leur vote.

Cuivre: le «roi des métaux verts» dépasse 10 000$US la tonne

13:27 | AFP

Le métal rouge est sous le feu des projecteurs depuis l’offre de rachat du géant BHP sur son rival Anglo American.

Le géant BHP fait une proposition de 31 milliards de livres pour Anglo American

Cet accord créerait le plus grand mineur de cuivre au monde.