Ils se battent pour le Québec

Publié le 28/05/2012 à 10:02, mis à jour le 06/06/2012 à 13:47

Ils se battent pour le Québec

Publié le 28/05/2012 à 10:02, mis à jour le 06/06/2012 à 13:47

Des entrepreneurs au service des multinationales

Tout a commencé lors de la récession de 2008. «On voyait des capacités de production se libérer dans les usines, il fallait s'arranger pour les utiliser pleinement, sinon c'était la fin.» Philippe Simonato propose alors à son patron de développer une nouvelle ligne de produits novateurs, dont des bords d'attaque en alliage de titane, des segments d'aubes et des leviers de commande, des aubes de turbines basse pression ainsi que des aubes de compresseurs basse pression.

Toutefois, comment en convaincre son patron, le directeur de la division Aviation, située à Cincinnati ? «Je me suis d'abord servi de nos résultats passés», dit Philippe Simonato. L'usine GE de Bromont a bonne réputation, notamment sur le plan de la qualité des relations de travail. Mais tout n'est pas gagné pour autant. La hausse du dollar canadien par rapport au dollar américain ne favorise pas cette usine, qui livre ses produits principalement aux États-Unis.

«Il fallait que le projet procure une valeur ajoutée, pas seulement pour l'usine de Bromont, mais pour tout le groupe. Il fallait aller plus loin que la petite pièce qu'on fabrique», relate Philippe Simonato.

Ainsi, le projet de Philippe Simonato comprenait l'automatisation de certains procédés pour épargner des coûts. Il incluait aussi une aide gouvernementale. «Dans l'industrie de l'aéronautique, c'est nécessaire. Tous les pays offrent des incitatifs.» Et le patron de GE Aviation ne s'en cache pas, la concurrence entre les filiales peut être féroce, et les jeux de coulisse peuvent être intenses. «Vos contacts comptent aussi...», dit-il.

Le patron de filiale comme tant d'autres sait cultiver les relations non seulement à l'interne, dans son entreprise, mais aussi à l'externe, dans les réseaux politiques, pour aller chercher des appuis. «L'aéronautique est un petit monde, dit-il. Pour anticiper les décisions qui sont prises, il faut connaître les bonnes personnes.» Et ces personnes ne sont pas nécessairement des vice-présidents ou des gestionnaires haut placés.

«Par exemple, nous essayons d'entretenir d'excellents rapports avec les designers de moteurs d'avion pour connaître les innovations prévues au cours des prochaines années et pour nous positionner, dit Philippe Simonato. Ensuite, nous pouvons dire au siège social : rêvez de ce que vous voulez, nous allons le manufacturer», ajoute ce comptable agréé de formation, qui a joint GE en 1988 à titre de directeur des finances avant de prendre la direction de l'usine de Bromont en 1997.

Ces patrons de filiales ont le sens de la stratégie, et ils sont très proactifs. «C'est un mythe de penser qu'ils ne font que répondre à des ordres qui leur viennent du siège social, ils ont développé une mentalité d'entrepreneur», observe Louise Morin, vice-présidente aux affaires internationales d'Investissement Québec. En fait, ceux qui se contentent de gérer leur filiale sans tenter de la développer sont souvent en danger. «On a vu des filiales rentables, mais leur leader n'avait pas ces talents d'entrepreneur. Dans un contexte de rationalisation, elles n'ont pas vu venir les coups et elles ont fermé.»

Ainsi, la vie des patrons de filiales n'est pas de tout repos. Ils doivent rivaliser de stratégies avec les filiales concurrentes, cultiver leurs relations, anticiper les décisions, savoir lire entre les lignes des communications parfois sibyllines de leur siège social, naviguer dans l'ambiguïté...

«Il ne faut pas attendre que la maison mère débarque pour nous dire que les choses vont mal», dit Robert Verreault, directeur général de l'usine de pneus de Bridgestone. Cet homme s'arrange pour tout savoir des autres usines du groupe grâce aux mesures de performance sophistiquées de cette entreprise japonaise. «Je connais les revenus, les coûts et les bénéfices de chaque usine, pour chaque produit, et je peux voir les écarts que nous devons combler par rapport aux autres», dit-il.

C'est ainsi que Robert Verreault s'est rendu compte en 2008 qu'il y avait un écart de 32 millions par an entre son usine et les autres. Il monte alors un plan d'affaires pour réduire ses coûts afin de le gommer. Il réussit à s'entendre avec son syndicat pour geler les salaires pendant trois ans et pour obtenir 17 jours de production de plus en rognant sur certains congés. Il utilise la méthode kaizen et les solutions viennent des employés eux-mêmes. Tout cela a abouti à la signature d'une convention collective qui assure la paix industrielle pendant six ans.

«Au Québec, il faut montrer qu'on peut rester concurrentiel et productif malgré le taux de change, sinon on est mort, car de la transformation de caoutchouc en pneus, tout le monde peut faire ça», dit Robert Verreault. Il se rend ensuite directement à Nashville, au siège social nord-américain de Bridgestone, pour proposer son plan d'affaires. «J'avais une demi-heure de temps d'antenne, pas plus !» Son effort a porté ses fruits, puisqu'en 2009, la filiale de Joliette a reçu un investissement de 49 millions de dollars sur trois ans pour l'ajout d'équipement, un agrandissement et l'automatisation d'une partie de l'usine.

Ensuite, il faut performer. «C'est la base ! Certaines usines du groupe sont plus agressives que nous dans leurs objectifs, mais elles ne les atteignent pas ! Nous avons toujours atteint et dépassé les nôtres», assure Robert Verreault.

Certains misent sur les coûts, d'autres misent également sur l'innovation pour s'assurer d'être dans les bonnes grâces de la haute direction. C'est le cas d'IBM, à Bromont, connue comme l'usine «verte» de son groupe. Une réduction de 20 % sur trois ans de sa consommation d'électricité et un taux de recyclage de ses déchets de 93 % lui ont donné un billet d'entrée au siège social pour présenter le projet d'une nouvelle chaîne de montage de composantes électroniques. Résultat : un investissement de 85 millions de dollars !

À la une

Les profits d’Alphabet bondissent

25/04/2024 | AFP

La maison mère de Google a été portée par la publicité, le cloud et l’IA.

Microsoft fait mieux que prévu au premier trimestre

25/04/2024 | AFP

Dans les échanges électroniques postérieurs à la clôture de la Bourse, l’action Microsoft gagnait près de 5%.

Les prévisions d’Intel déçoivent

25/04/2024 | AFP

Les prévisions pour la période en cours ont hérissé le marché.