Les robots, bénédiction ou malédiction pour l'emploi?

Publié le 11/05/2015 à 07:09

Les robots, bénédiction ou malédiction pour l'emploi?

Publié le 11/05/2015 à 07:09

➢ En premier, le paradis sur Terre. L’espace d’une génération – comprendre une vingtaine d’années –, les êtres humains vivront une période de félicité que l’humanité n’a encore jamais connue. En effet, les robots prendront certes la place de certains employés dans certains secteurs, et ce sera pénible à vivre pour ceux-ci, mais une grande partie de ces employés-là trouveront le moyen de rebondir sur le plan professionnel, soit en changeant de métier, soit en assistant, d’une manière ou d’une autre (maintenance, etc.), les robots eux-mêmes. Mieux, une vaste majorité de la population verra son niveau de vie bondir de façon inouïe, car elle pourra s’acheter des biens et des services vendus à des prix ridiculement bas, en raison du fait que leur coût de production, grâce aux robots, aura chuté drastiquement. Bref, ce sera-là une période de faste qu’on peut à peine imaginer. Et cette période-là pourrait bel et bien survenir de notre vivant, à tout le moins du vivant de nos enfants.

➢ Ensuite, un enfer sans nom. En revanche, la donne sera complètement différente pour la génération suivante, ainsi que toutes les autres. À tel point que l’humanité plongera d’un coup dans un enfer sans nom. Pourquoi ? C’est malheureusement fort aisé à saisir : une fois la période de transition écoulée – le temps d’une génération –, oui, une fois que les robots occuperont une position dominante dans l’emploi, les êtres humains dans la première période de leur vie – la jeunesse – ne seront plus en mesure de travailler, et donc de consommer comme auparavant (y compris des biens et services vendus pour trois fois rien), et encore moins d’épargner pour leurs vieux jours. Résultat : le ciel leur tombera sur la tête, ce sera un enfer quotidien pour eux. Les seuls qui auront, un temps, la tête hors de l’eau, ce seront les retraités, ceux qui ne font que consommer.

➢ À moins que… Les trois chercheurs ont, bien entendu, regardé s’il n’y avait pas moyen d’éviter un tel drame. Ils en ont trouvé un. Ouf ! Lequel ? Eh bien, il faudrait que les gouvernements contraignent les retraités à partager leur richesse avec les autres. Par solidarité. Ou plutôt, par compassion, dirais-je, tant ceux-ci seraient dans une situation économique pathétique. À noter que ce partage serait conséquent, puisque cela correspondrait, selon le modèle de calcul de Sachs, Benzell et LaGarda, à forcer les retraités à se délester de… 70% de leur richesse !

On le voit bien, l’avenir semble loin d’être radieux pour notre civilisation, si nous continuons de miser sur la technologie comme nous le faisons actuellement. Car les robots pourraient bel et bien nous séduire, à force de nous enrichir de manière incroyable à court terme, au point de nous aveugler quant à la tournure horrifique que prendrait dès lors notre futur commun. Et ce, de manière quasi irrémédiable : «Nous sommes là en présence d’un véritable risque existentiel pour l’humanité», a d’ailleurs souligné à ce sujet Nick Bostrom, le philosophe suédois qui dirige l’Institut pour le futur de l’humanité de l’Université Oxford (Grande-Bretagne), dans une entrevue accordée le 2 mai au journal The Globe and Mail.

Faut-il trembler dès à présent ? Pour nous-mêmes ou pour nos enfants ? Et céder à la panique, en quittant tout au plus vie pour devenir propriétaire d’une ferme et s’arranger pour y vivre en autarcie, loin de toute technologie ? Non, bien sûr. La clé, me semble-t-il, c’est d’accepter l’évolution, puis d’évoluer soi-même. C’est-à-dire de saisir que les robots – sous forme de logiciels intelligents ou d’androïdes, peu importe – vont bousculer nos croyances les plus solidement ancrées en nous en matière de travail et d’emploi. Et d’agir en conséquence, en nous adaptant, du mieux possible. On peut imaginer, entre autres, que les robots feront mieux certaines tâches des journalistes (filmer un événement, enregistrer un son radio, écrire un texte,…), mais pas d’autres (recueillir de l’information sur le terrain,…), si bien que pour continuer de travailler dans cette branche, il faudra devenir ultra-spécialisé (reportage de terrain, enquête par infiltration,…).

Voilà. J’espère que je ne vous ai pas mis le moral à zéro. Des nuages peuvent poindre à l’horizon, c’est vrai, mais il n’appartient qu’à nous de ne pas attendre bêtement qu’ils viennent jusqu’à nous.

En passant, le philosophe roumain Emil Cioran a dit dans ses Syllogismes de l’amertume : «Espérer, c’est démentir l’avenir».

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À propos de ce blogue

EN TÊTE est le blogue management d'Olivier Schmouker. Sa mission : aider chacun à s'épanouir dans son travail. Olivier Schmouker est chroniqueur pour le journal Les affaires, conférencier et auteur du bestseller «Le Cheval et l'Äne au bureau» (Éd. Transcontinental), qui montre comment combiner plaisir et performance au travail. Il a été le rédacteur en chef du magazine Premium, la référence au management au Québec.

Olivier Schmouker

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