Haro sur les heures supplémentaires!

Publié le 31/08/2017 à 06:06, mis à jour le 31/08/2017 à 06:31

Haro sur les heures supplémentaires!

Publié le 31/08/2017 à 06:06, mis à jour le 31/08/2017 à 06:31

Non, travailler sans relâche ne rend pas plus productif... Photo: DR

Ceux qui font des heures supplémentaires au travail disent toujours la même chose : «Je n'ai pas le choix, si je veux atteindre les objectifs qui me sont fixés» et autres «J'en ai besoin pour boucler mes fins de mois». Et ils travaillent, ils travaillent, ils travaillent, des heures et des heures durant, convaincus d'être des champions de la productivité...

Ont-ils raison? Ont-ils tort? Et surtout, leur employeur fait-il bien d'encourager une telle pratique? Une étude permet d'y voir clair à ce sujet, je pense. Elle s'intitule Working longer but not harder: The effects of input- and output-based pay allocations on the duration and intensity of effort. Et elle est signée par deux professeurs de comptabilité de l'Université du Texas à Austin (États-Unis) : Eric Chan et Steven Kachelmeier, assistés de leur étudiante Xinyu Zhang. Regardons ensemble de quoi il retourne...

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Les trois chercheurs ont demandé à une centaine de personnes de bien vouloir participer à une petite expérience. Le principe était on ne peut plus simple : résoudre en binôme des anagrammes (les lettres d'un mot sont présentées dans n'importe quel ordre, il s'agit de recomposer le mot en question) en l'espace de six minutes; et ce, à quatre reprises. À noter que tous les binômes n'avaient pas été placés dans les mêmes conditions de départ:

 Priorité au temps. La moitié des binômes étaient rémunérés en fonction du temps passé à résoudre les anagrammes, d'une manière assez subtile, je trouve : ils étaient payés un montant fixe pour chaque bloc de travail, mais ils pouvaient empocher nettement plus d'argent si jamais ils résolvaient tous les anagrammes soumis avant les six minutes accordées, à raison de sommes conséquentes et croissantes pour chaque bloc de 10 secondes d'avance.

 Priorité à la performance. L'autre moitié des binômes étaient rémunérés par un salaire fixe, comme les autres, à ceci près qu'ils pouvaient nettement l'apprécier à mesure qu'ils dépassaient les attentes initiales (un nombre donné d'anagrammes à résoudre en six minutes); autrement dit, plus ils résolvaient d'anagrammes dans chaque bloc de travail de six minutes, plus ils s'enrichissaient.

Qu'est-il ressorti de cette simple expérience? Tenez-vous bien avant de le découvrir:

> Être rémunéré en fonction du temps fait travailler plus longtemps. Les binômes qui étaient rémunérés en fonction du temps passé à travailler ont oeuvré plus longtemps que ceux qui étaient rémunérés en fonction de la performance. Oui, vous avez bien lu : même s'ils étaient gagnants à travailler vite et bien, ils n'ont pas cherché à s'enrichir de la sorte. Pourquoi? Parce qu'au bout d'un moment ils ont fait le calcul que s'activer comme des fous pour grapiller ici et là des poignées de secondes ne valait pas les efforts requis pour y parvenir.

> Être rémunéré en fonction du temps fait travailler moins fort. Certains binômes qui étaient rémunérés en fonction du temps passé à travailler se sont montré nettement moins productifs que les autres; pour être franc, leur performance a même été catastrophique, c'est-à-dire largement en-dessous des attentes des expérimentateurs. Lesquels? Ceux qui étaient mal assortis, en ce sens que l'un était doué pour résoudre des anagrammes et que l'autre était, lui, démuni face à un tel défi intellectuel. À souligner qu'un tel déséquilibre parmi les binômes qui, eux, étaient payés en fonction de la performance n'a pas franchement porté préjudice à leur performance finale, du moins, pas de manière significative.

«Bref, inciter les employés à passer davantage de temps à travailler n'implique pas automatiquement qu'ils vont se montrer plus productifs. Loin de là», notent les trois chercheurs de l'Université du Texas à Austin.

Par conséquent, rien ne sert de pousser vos employés à faire des heures supplémentaires! Rien du tout.

Pourquoi? Tout bonnement parce que ces heures-là sont les moins productives, soit les plus chèrement payées pour un piètre résultat final. Et ce, en raison du fait que les employés concernés sont payés au temps, et non pas à la performance : l'étude montre clairement que, dans un tel cas, un employé fait naturellement, pour ne pas dire inconsciemment, diminuer l'intensité de son travail, en dépit de la "carotte" supposée l'empêcher d'agir de la sorte.

Idem, à chacun de nous de prendre conscience que les heures supplémentaires ne font essentiellement qu'user nos forces et celles de notre entourage (ces heures-là empiètent bien évidemment sur la vie privée...). Et par suite, d'oser enfin dire «non» à celles-ci, lorsque cela est envisageable...

Que retenir de tout cela? Ceci, à mon avis :

> Qui entend gagner en productivité (et en bien-être) se doit d'en finir une bonne fois pour toutes avec les heures supplémentaires. Il lui faut abandonner l'idée qu'on est plus productif en travaillent plus longtemps : c'est exactement le contraire qui se produit. Et donc, trouver le moyen d'atteindre les buts visés sans avoir recours à ces heures-là : par exemple, en répartissant mieux la charge de travail entre les différents membres de l'équipe, ou encore en s'accordant davantage de temps pour boucler le dossier en question.

En passant, l'écrivain français François Rabelais disait : «Les heures sont faites pour l'homme, et non l'homme pour les heures».

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À propos de ce blogue

EN TÊTE est le blogue management d'Olivier Schmouker. Sa mission : aider chacun à s'épanouir dans son travail. Olivier Schmouker est chroniqueur pour le journal Les affaires, conférencier et auteur du bestseller «Le Cheval et l'Äne au bureau» (Éd. Transcontinental), qui montre comment combiner plaisir et performance au travail. Il a été le rédacteur en chef du magazine Premium, la référence au management au Québec.

Olivier Schmouker

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