Les agences de cotes de crédit : responsables de la crise?

Publié le 27/05/2010 à 19:51

Les agences de cotes de crédit : responsables de la crise?

Publié le 27/05/2010 à 19:51

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Décidément, le gouvernement américain dispose de beaucoup de temps à perdre. Une commission dédiée aux causes de la crise s'affaire à interroger divers intervenants pour savoir si les agences de crédit ont leur part de responsabilité dans cette histoire.

On fait référence ici aux firmes telles Moody's et Standard & Poor's. Faut-il vraiment dévouer autant de temps pour se rendre compte qu'il est illogique de baser une décision financière sur l'avis d'une tierce personne, qui sera éternellement en conflit d'intérêt?

Les cotes de crédit sont utilisées à toutes les sauces. Lorsqu'une banque prête à une compagnie, il arrive souvent que les conditions du prêt soit rattachées à la cote de crédit. Ainsi, si l'entreprise voit sa cote descendre (passant de AA à A par exemple), un taux d'intérêt plus élevé est prévu, ou encore, une certaine partie du prêt doit être remboursée.

Mettez-vous à la place de l'emprunteur. Si votre sort dépend de l'humeur de Moody's, vous ferez le maximum pour plaire à Moody's. Vous serez plus enclin à faire des affaires avec eux. S'ils vous ont comme client, il leur sera difficile de vous décoter , de peur de vous perdre.

Par exemple, si vous êtes une firme financière, vous pourriez offrir à Moody's de coter tous vos produits. Ils seront alors grâcieusement rémunérés pour le faire. Quant à votre propre dette, vous serez rassurés de savoir que votre banque se fie sur Moody's pour vous évaluer.

Maintenant, supposons que l'on réussisse à interdire toute activité susceptible de générer des conflits d'intérêts (ce qui d'après nous, est probablement impossible), la firme sera-t-elle plus objective pour autant?

Le gros problème, c'est qu'une certaine réflexivité existe dans la processus d'évaluation. Ce principe se comprend mieux par un bon exemple.

Prenons pour acquis que Standard & Poor's reste totalement objective dans ses évaluations pour la firme ABC, puisque que cette dernière n'est pas cliente de Standard. La firme ABC s'endette de plus en plus, et à un moment donné, la dette devient trop élevée parce que les profits de l'entreprise ont temporairement baissé.

Standard & Poor's aura eu raison d'abaisser sa cote à plusieurs reprises. Cependant, en le faisant, la banque réagit, et pourrait soudainement mettre en faillite l'entreprise. Les dirigeants d'ABC s'indignent et accusent publiquement Standard d'être la cause de leurs déboires, puisque sans la décote, ils auraient probablement survécu!

Voyons un scénario différent maintenant. Nous, l'agence de cote de crédit  ''Investigateurs Financiers Inc'', nous évaluons que la firme ABC est risquée. Donc, dès les débuts, nous lui attribuons une mauvaise cote. Deux années plus tard, les profits bondissent, et ABC réussit à rembourser sa dette. Les actions d'ABC explosent. Et bien, l'investisseur qui aura pris la décision de ne pas investir suite à l'attribution de notre cote pourrait nous accuser d'avoir mal évalué ABC. Il pourrait nous tenir responsable pour son opportunité perdue!

C'est simple : une agence de cote de crédit ne pourra jamais remplacer le bon jugement d'un investisseur avisé. Nous n'avons pas besoin de Moody's pour savoir que le Québec est en train de trop s'endetter. Mais nous aurons quand même besoin d'eux pour sonner l'alarme, car les gens vouent un culte inébranlable à ces agences.

Warren Buffett le sait très bien, et c'est pourquoi il est un actionnaire important de Moody's, bien qu'il n'utilise point leur jugement pour prendre une décision pour lui personnellement. Cependant, il a vendu des actions de la firme ces derniers trimestres, sentant probablement que ce type d'agence perd de plus en plus la confiance du public.

 

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