RIM: malheureusement le vrai problème n'est pas là

Publié le 23/01/2012 à 09:17, mis à jour le 24/01/2012 à 12:11

RIM: malheureusement le vrai problème n'est pas là

Publié le 23/01/2012 à 09:17, mis à jour le 24/01/2012 à 12:11

[Photo : Bloomberg]

BLOGUE. Jim Balsilie et Mike Lazaridis quittent la lumière des projecteurs pour laisser leur place à Thorsten Heins comme chef de direction. Bonne nouvelle? Peut-être, mais malheureusement le vrai problème n’est pas là.

La pression était devenue forte ces derniers mois pour que messieurs Balsilie et Lazaridis cèdent les commandes. Ce ne sera pas ici que vous lirez un grand plaidoyer en leur défense. Ils n’avaient plus de crédibilité après avoir livré au marché à quelques reprises des aperçus qui allaient s’avérer en très nette déconnection avec la réalité (on n’a qu’à penser aux projections quant à la tablette Playbook).

Lorsque deux co-chef de direction démissionnent pour laisser la place à un chef des opérations, mais que ces deux chefs de direction, fondateurs par surcroît, demeurent administrateurs (dont l’un vice-président), le nouveau venu a-t-il vraiment les coudés franches?

SUIVRE SUR TWITTER: F_POULIOT

La question est ouverte, mais elle ne commande certainement pas un oui automatique, particulièrement dans ce type d’entreprise où les fondateurs sont souvent ceux qui ont amené une partie des administrateurs au conseil.

Là n’est néanmoins pas le problème

Là n’est cependant pas le problème. Research in motion est aujourd’hui dépassée par la droite et par la gauche en grande partie en raison de deux systèmes d’exploitation qui se sont avérés plus populaires que le sien auprès des développeurs d’applications. Apple et Android offrent un éventail beaucoup plus important de possibilités. L’un de nos amis utilise par exemple son iPhone pour faire de la navigation avec des cartes marines, ce qu’un utilisateur de Blackberry ne peut pas faire.

Balsilie et Lazaridis ont vu tardivement le danger, une autre raison expliquant la déconfiture. Mais ils l’ont finalement vu. La prochaine génération de Blackberry (BB10), qui doit arriver sur le marché plus tard cette année, tablera sur un nouveau système d’exploitation (que l’on dit prometteur) et qui devrait de même être en mesure de permettre la conversion de plusieurs applications Android.

Le plan de match n’est pas mauvais. En agissant ainsi, vous faîtes le pari du meilleur des deux mondes : plus d’applications via Android et un nouveau système qui pourrait permettre des innovations qui feraient que la marque redeviendrait « in ».

Et c’est là que réside le grand défi de RIM. Pour la plupart des utilisateurs de téléphones intelligents, ces appareils font plus que répondre aux besoins (pour le courriel, c’est d’ailleurs encore ce qu’il y a de mieux). Mais, aux yeux du consommateur, ils ne sont plus « in ».

À quoi bon payer à peu près le même prix pour quelque chose dont plus personne ne semble vouloir. Les nouvelles quant à la déconfiture des parts de marché de l’entreprise sont dans tous les bulletins et font bien plus de bruit sur la place publique que n’importe quelle campagne promotionnelle. C’est le slogan de la saucisse Hygrade à l’envers.

La seule transaction intéressante que la rumeur ait porté à nos oreilles ces derniers mois résidait dans l’intérêt d’Amazon.com. En coupant les prix des Blackberry pour faire, non pas un bénéfice sur la vente des appareils, mais un bénéfice sur un trafic accru dans son magasin virtuel, Amazon aurait peut-être pu redonner à la marque un nouvel élan de popularité. Il suffit de voir la force des ventes de la tablette Fire.

Un tel plan de match était probablement cependant difficilement conciliable avec l’arrivée d’un nouveau système d’exploitation développé à fort prix et qui n’était pas terminé, de même qu’avec l’orgueil des fondateurs. Un plan de match qui ne serait pas nécessairement non plus une très bonne nouvelle pour le développement de l’innovation technologique au Canada, ni pour plusieurs employés de RIM.

La suite des choses

En résumé, changer de chef de direction est une bonne nouvelle. Mais il est déjà trop tard. L’avenir de RIM se joue probablement sur le succès que connaîtront plus tard cette année les nouveaux appareils BB10. À défaut d’une stabilisation des ventes, Thorsten Heins pourrait bien ne plus avoir pour option que de prendre son Blackberry et composer le numéro de téléphone d’Amazon.

PLUS : Notre dossier spécial sur le changement de direction chez RIM

À propos de ce blogue

Diplômé en droit de l'Université Laval, François Pouliot est avocat et commente depuis plusieurs années l'actualité économique et financière. Il a été chroniqueur au Journal Le Soleil, a collaboré au Globe and Mail et dirigé les sections économiques des différentes unités de Quebecor Media, notamment la chaîne Argent. Au cours de sa carrière, il a aussi fait du journalisme d'enquête ce qui lui a valu quelques distinctions, dont le prix Judith Jasmin. La Bourse Southam lui a notamment permis de parfaire son savoir économique à l'Université de Toronto. François a de même été administrateur de quelques organismes et fondation. Il est un mordu des marchés financiers et nous livre son analyse et son point de vue sur diverses sociétés cotées en bourse. Québec inc. sera particulièrement dans sa mire.

Blogues similaires

Encore trop tôt pour sauter dans l’arène

Édition du 14 Juin 2023 | Dominique Beauchamp

ANALYSE. Les banques canadiennes pourraient rester sur le banc des pénalités quelque temps encore.

Shopify: prochaine victime de la malédiction boursière canadienne?

BLOGUE INVITE. Shopify est-elle différente des Nortel, Research in Motion, Valeant, Barrick Gold et autres?