Québecor peut-elle trouver des partenaires pour les Nordiques?

Publié le 03/08/2015 à 19:15

Québecor peut-elle trouver des partenaires pour les Nordiques?

Publié le 03/08/2015 à 19:15

Y a-t-il un risque de perte sur un placement dans les Nordiques?

Lorsque les Nordiques étaient partis, les craintes étaient que leur rentabilité tombe dans le négatif et que d'importantes pertes d'exploitation soient enregistrées.

Ce risque est présent, mais, comme on l'a vu, ce n'est pas vraiment celui qui est envisagé ici (des bénéfices sont anticipés).

La question se situe aujourd'hui plutôt sur la valeur de l'investissement dans l'avenir.

On a vu qu'à moins d'une performance opérationnelle exceptionnelle de Québecor qui propulse la rentabilité des Nordiques bien au-delà de celle d'Ottawa, le signal d'investissement sur les bénéfices était peu intéressant.

Il y a cependant un autre facteur que les bénéfices en eux-mêmes susceptible de faire évoluer la valeur d'un actif. C'est ce qu'on appelle personnellement "le mécanisme du trophée de chasse". C'est sur celui-ci que fonctionne le milieu des arts, où des tableaux partent parfois pour des fortunes. Il n'y a pas de flux monétaires attachés à une œuvre d'art, simplement un jeu d'offre et de demande sur la base de comparables et d'un effet de rareté.

Il semble y avoir actuellement dans les évaluations des équipes professionnelles de la LNH, beaucoup de cet effet "trophée de chasse".

Ainsi, le Canadien, qui valait plus ou moins 575 M$ US en 2010 avec un BAIIA de 53,1 M$, vaut aujourd'hui, selon Forbes, 1 G$, même si son BAIIA n'est qu'à 59,8 M$ US. Le bénéfice n'a avancé que de 12,6%, mais la valeur de l'équipe a grimpé de 75%.

Toujours à cause du phénomène "trophée de chasse", même s'ils ne génèrent que 3,3 M$ de bénéfices (BAIIA), les Jets sont évalués à 358 M$ US par Forbes. L'effet est moins grand à Ottawa, où, avec un bénéfice de 22 M$ US, la franchise n'est évaluée qu'à 400 M$ US.

Quel pourrait être l'effet "trophée de chasse" sur la valeur de la franchise de Québec?

C'est difficile à dire. Mais sur la base de trophées dans des marchés comparables, selon les scénarios de Forbes, en payant 500 M$ US pour une franchise, Québecor pourrait être exposée à une perte de valeur de 100 M$ si elle parvient à générer une rentabilité apparentée à celle d'Ottawa, et de 150 M$ si cette rentabilité est apparentée à celle de Winnipeg.

On notera au passage que la LNH dit que la valeur moyenne de ses franchises est actuellement de 490 M$ US. À première vue, ce peut être un début d'argument pour plaider que 500 M$ est un juste prix pour une équipe d'expansion. L'argument manque cependant de force. Seulement 11 des 30 équipes ont une valeur équivalente ou supérieure à cette moyenne au classement de Forbes. La valeur médiane de 400-420 M$ semble plus appropriée.

Pourrait-il néanmoins y avoir création de plus-value à partir d'un prix de 500 M$ US?

Il n'est pas facile de voir comment une création de valeur significative pourrait survenir sur l'horizon d'investissement de cinq ou dix ans auquel on référait en début de chronique.

Quelques franchises battent de l'aile, et, après l'éventuelle expansion, il ne restera plus beaucoup de marchés capables d'en accueillir avec de meilleures perspectives de rentabilité. L'intérêt pour des concessions est faible, comme le démontre le dernier appel de candidatures de la LNH. Ce n'est pas un très bon signal pour faire augmenter "l'effet trophée de chasse".

Du côté des bénéfices, une bonne partie des retombées du pacte canadien de 5,2 G$ US pour les droits de télé (et ses répercussion sur le pacte US qui expire dans six ans) semble déjà avoir été anticipée dans les évaluations de Forbes. Malheureusement, à la date de ce classement et de l'établissement des valeurs, la dégringolade du dollar canadien, elle, n'était pas encore dans les chiffres.

Au final

La LNH demande trop cher pour le marché de Québec et il faudra vraiment que Québecor soit convaincante sur ses capacités d'opération et les bénéfices qu'elle peut générer pour amener des partenaires.

Évidemment, un éventuel échec à attirer des partenaires ne veut pas dire que Québecor se désistera. Elle est trop engagée dans ce projet, et ses investissements dans l'amphithéâtre de Québec y sont trop reliés. Elle paiera. Son plan d'expansion dans le sans-fil au Canada anglais sera cependant peut-être alors revu, et le spectre qu'elle y a récemment acheté à faible coût, vendu.

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À propos de ce blogue

Diplômé en droit de l'Université Laval, François Pouliot est avocat et commente depuis plusieurs années l'actualité économique et financière. Il a été chroniqueur au Journal Le Soleil, a collaboré au Globe and Mail et dirigé les sections économiques des différentes unités de Quebecor Media, notamment la chaîne Argent. Au cours de sa carrière, il a aussi fait du journalisme d'enquête ce qui lui a valu quelques distinctions, dont le prix Judith Jasmin. La Bourse Southam lui a notamment permis de parfaire son savoir économique à l'Université de Toronto. François a de même été administrateur de quelques organismes et fondation. Il est un mordu des marchés financiers et nous livre son analyse et son point de vue sur diverses sociétés cotées en bourse. Québec inc. sera particulièrement dans sa mire.

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