Le marché de la pitoune s'effondre en Beauce-Etchemins-Estrie

Publié le 04/05/2016 à 18:32

Le marché de la pitoune s'effondre en Beauce-Etchemins-Estrie

Publié le 04/05/2016 à 18:32

C'est tout un choc pour les producteurs de bois de la Beauce, des Etchemins et d'une partie de l'Estrie. Le marché du bois de 4 pieds, cette ressource forestière expédiée aux papetières, vient de subitement s'effondrer.

Telle est la mauvaise nouvelle qu'avait à annoncer l'Association des propriétaires des boisés de la Beauce, il y a quelques jours, à ses 11 000 membres.

La fermeture de la papetière Madison, dans le Maine, et la décision de l'usine Wayagamack de Kruger, en Mauricie, de diminuer sa demande en bois de pulpe, ferme pratiquement le marché pour la région.

Il reste les papetières de la Mauricie, mais les producteurs de cette région, de celle de Québec et de Portneuf réussiront maintenant amplement à les approvisionner. Le territoire de la Beauce étant géographiquement situé plus loin, il n'est plus concurrentiel au chapitre des coûts de transport, explique en substance le directeur général de l'Association, Martin Ladouceur.

Alors que l'on ne voit pas de débouché pour l'an prochain, même la récolte effectuée cette année sera difficile à écouler pour les producteurs de la Beauce. Eux qui touchaient autour de 90$ la corde ne devraient guère recevoir cette fois qu'un peu plus de 60$.

D'une année à l'autre, les volumes de production des propriétaires de la Beauce et des Etchemins varient. En 2009, 50% de la production était destinée à l'industrie du sciage (billots de 8 pieds et plus), alors que l'autre moitié était destinée à celle du papier (tronçons de 4 pieds).

En 2015, la proportion du bois de 4 pieds est plutôt descendue à 30%, à la faveur d'une remontée des prix pour le bois de sciage.

Il s'avèrera cependant impossible de faire passer le 30% de production de bois de 4 pieds en bois de sciage.

D'abord parce qu'une bonne partie de ce 30% de production provient de petits producteurs qui exploitent leur lot à partir d'équipements peu sophistiqués (une motoneige, un quatre roues et une scie mécanique). L'exploitation de billots plus longs demande des équipements plus importants, comme une chargeuse et des véhicules capables de tirer des charges plus lourdes. Des investissements que tous n'ont pas les moyens de faire.

Même s'il était facile pour les producteurs de s'équiper, un autre problème réside dans le fait que les arbres coupés en 4 pieds sont généralement plus petits et ne sont pas de réelle qualité pour les usines de sciage (trop de perte). Il est pendant ce temps impossible d'augmenter la récolte de plus gros bois pour compenser sans mettre en péril le renouvellement de la ressource à terme. Si bien que même pour les plus gros producteurs, qui faisaient des récoltes combinées pour le sciage et le 4 pieds, des volumes devront rester sur pied.

Au total, estime monsieur Ladouceur, c'est 6 à 7 M$ de revenus que les producteurs perdront (la moyenne est autour de 1 500$ par producteur). Pour la région, la perte est plus importante encore. Bon an, mal an, c'est 50 000 cordes de bois de 4 pieds qui étaient livrés aux papetières, l'équivalent de 3000 voyages de camion.

La baisse de la rentabilité de l'industrie risque de décourager un certain nombre de producteurs et d'également entraîner une baisse des achats en quincaillerie.

Que faire?

Pour l'instant, l'Association des boisés dit chercher un promoteur qui pourrait amener un projet nécessitant l'utilisation de bois du type de celui livré en 4 pieds. Des projets de fabrication de produits qui intégreraient de la ressource forestière sont envisagés, mais monsieur Ladouceur ne veut pas trop s'avancer en précisions.

L'impact de la situation sur la valeur des terres régionales n'est pas clair. En théorie, une baisse du potentiel de revenus devrait faire baisser le prix de celles-ci dans l'avenir. Martin Ladouceur note cependant que, ces dernières années, le prix des terres a progressé beaucoup plus rapidement que la valeur de la ressource et croit que les valeurs devraient se maintenir. La demande est toujours bonne et les acheteurs semblent plus motivés qu'auparavant par des motifs de villégiature et de loisirs (chasse).

Un autre coup dur à venir

L'effondrement du marché du bois de 4 pieds survient en prélude à d'autres complications à venir pour les producteurs de bois, et ce partout en province.

Le 12 octobre, un moratoire sur le dernier accord sur le bois d'œuvre doit prendre fin. Les négociations entre le Canada et les États-Unis sont apparemment toujours au point mort dans le dossier.

Lors du dernier conflit, les Américains avaient initialement imposé des droits compensatoires de plus de 30% sur les expéditions canadiennes de bois aux États-Unis.

Autour de 60% de la production canadienne est exportée aux États-Unis.

Que ce soit sur les volumes ou sur les revenus obtenus, un autre coup dur s'en vient. Et l'on ne semble malheureusement pouvoir y échapper, même en touchant du bois.

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À propos de ce blogue

Diplômé en droit de l'Université Laval, François Pouliot est avocat et commente depuis plusieurs années l'actualité économique et financière. Il a été chroniqueur au Journal Le Soleil, a collaboré au Globe and Mail et dirigé les sections économiques des différentes unités de Quebecor Media, notamment la chaîne Argent. Au cours de sa carrière, il a aussi fait du journalisme d'enquête ce qui lui a valu quelques distinctions, dont le prix Judith Jasmin. La Bourse Southam lui a notamment permis de parfaire son savoir économique à l'Université de Toronto. François a de même été administrateur de quelques organismes et fondation. Il est un mordu des marchés financiers et nous livre son analyse et son point de vue sur diverses sociétés cotées en bourse. Québec inc. sera particulièrement dans sa mire.

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