La quête et le curieux passage du discours de M. Couillard

Publié le 21/05/2014 à 19:18

La quête et le curieux passage du discours de M. Couillard

Publié le 21/05/2014 à 19:18

C'est toute une discussion qu'a lancée le ministre Maxime Bernier avec sa déclaration à l'effet que le Québec doit revoir son modèle et cesser de quémander de l'argent au gouvernement fédéral. Alors que l'on écrivait sur le sujet, en écoutant d'une oreille le discours inaugural du premier ministre, un court passage nous a tout à coup beaucoup surpris.

D'abord, la déclaration de monsieur Bernier.

C'est une discussion dans laquelle on ne s'immiscera pas, du moins sur le fond. Parce qu'elle est trop abstraite. Deux interlocuteurs peuvent être en accord sur de multiples façons de faire associées au modèle québécois, mais passer une soirée en complet désaccord à le discuter au niveau des grands principes, justement parce qu'ils sont trop loin de situations spécifiques.

Il n'y a pas de mal à avoir cette discussion, en autant cependant qu'on prenne soin de s'assurer qu'elle ne vienne pas nuire à d'autres discussions, avec des effets nettement plus importants dans la réalité.

Un exemple des risques de confusion a été fourni mardi lorsque cette question du quémandage du Québec est venue incorrectement colorer une demande du ministre des finances du Québec, Carlos Leitao.

Quelques fois déjà monsieur Leitao a demandé au gouvernement fédéral de revoir sa décision de diminuer les paiements de transfert en santé à compter de 2017-18. Ces paiements, qui ont pour but d'aider les provinces à répondre aux besoins en santé de leur population, doivent annuellement continuer d'augmenter de 6% par année jusqu'en 2016-17. Après coup, ils augmenteront en fonction du PIB moyen sur trois ans. Avec un minimum de hausse garanti de 3%.

L'enjeu n'est pas à première vue si considérable. Si au lieu de croître à un taux de 6% les paiements de transfert en santé augmentaient l'an prochain de 4%, le manque à gagner serait de moins de 150 M$. Dans cinq ans toutefois, année où la Chaire de recherche en finances publiques de l'Université de Sherbrooke prévoit le retour d'un déficit structurel, c'est 1 G$ de moins qui rentrerait dans les coffres de l'État. On comprend pourquoi monsieur Leitao est intéressé à ne pas voir la compression s'opérer.

À l'époque de son annonce, on avait personnellement assez bien accueilli la décision du gouvernement fédéral. La situation financière était difficile et personne ne voyait le jour où Ottawa pourrait retrouver l'équilibre budgétaire. Il fallait resserrer les dépenses.

Avec les surplus qui se dessinent dans les prochaines années, la situation est cependant maintenant différente. Le cadre financier fédéral fait état d'un équilibre budgétaire qui devrait être atteint en 2015-16, et le pari sur la colline est qu'il le sera dès cette année. S'il n'y a pas de nouvelles dépenses, les surplus devraient atteindre 10 G$ en 2018-19.

Dans le contexte, la demande de monsieur Leitao est légitime. Il faudrait éviter de la traiter comme une autre tentative de quémandage du Québec et plutôt la traiter comme un enjeu d'affectation budgétaire. D'autant qu'elle profiterait à l'ensemble des provinces.

Les Conservateurs préféreront assurément retourner les surplus aux contribuables. Il n'y aurait pas de mal à cela. En autant que la formule choisie permette au Québec d'occuper l'espace fiscal libéré s'il le juge nécessaire (ce qui n'est pas le cas avec leurs engagements de fractionnement du revenu familial).

C'est ici, alors que l'on concluait, que monsieur Couillard a prononcé le fameux passage surprenant de son discours (il y en a en fait quelques autres, comme celui sur les mini-centrales, mais on y reviendra une autre fois).

"L'équilibre budgétaire, une fois acquis, permettra au gouvernement de dégager des marges de manœuvre. Ces sommes seront affectées, à parts égales au remboursement de la dette et à la réduction du fardeau fiscal des Québécois, en commençant par la taxe santé. C'est la destination que nous atteindrons ensemble".

Humm… L'objectif du gouvernement est de ramener la dette de la province à 45% du PIB d'ici 2026. Avec un déficit plus important que prévu en 2014-15, nous serons probablement à la fin de l'année à un ratio autour de 54,5%. En affectant tous les surplus prévus au cadre financier de la province à la dette, on prévoit un ratio dette/PIB de 48,8% en 2019. Et le rapport de la Chaire d'étude de l'université de Sherbrooke prévoit le retour d'un important déficit structurel pour 2020.

Difficile de voir d'où proviendra l'argent permettant ces fameuses réductions du fardeau fiscal.

À moins cette fois de réellement quêter au fédéral…

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À propos de ce blogue

Diplômé en droit de l'Université Laval, François Pouliot est avocat et commente depuis plusieurs années l'actualité économique et financière. Il a été chroniqueur au Journal Le Soleil, a collaboré au Globe and Mail et dirigé les sections économiques des différentes unités de Quebecor Media, notamment la chaîne Argent. Au cours de sa carrière, il a aussi fait du journalisme d'enquête ce qui lui a valu quelques distinctions, dont le prix Judith Jasmin. La Bourse Southam lui a notamment permis de parfaire son savoir économique à l'Université de Toronto. François a de même été administrateur de quelques organismes et fondation. Il est un mordu des marchés financiers et nous livre son analyse et son point de vue sur diverses sociétés cotées en bourse. Québec inc. sera particulièrement dans sa mire.

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