Grèce: vous auriez voté oui ou non?

Publié le 06/07/2015 à 19:52

Grèce: vous auriez voté oui ou non?

Publié le 06/07/2015 à 19:52

Photo: Shutterstock

Entrons dans le monde de la fiction pour un moment. Vous êtes Grec et devez vous prononcer sur le dernier plan d'aide des prêteurs du pays. C'est oui, ou c'est non?

Le résultat du référendum grec nous a personnellement grandement surpris.

Les banques manquent d'argent, la population n'a plus accès qu'à une infime portion de son épargne, le OUI va l'emporter. Personne ne va prendre le risque de fermer davantage les robinets, se disait-on.

Et pourtant…

Comment expliquer un tel résultat?

Il y a assurément chez certains citoyens plus d'émotion et de désabusement que de compréhension des enjeux (c'est très complexe). Chez d'autres, plus conscients de la difficulté de la situation, le pari est que les créanciers vont éventuellement plier et donner du lest sur leurs exigences. C'est assurément celui du gouvernement grec.

Difficile de croire cependant que le référendum permettra d'arracher beaucoup plus que ce qui était offert.

Non, contrairement à la majorité, on ne voit pas la Grèce quitter la zone euro. On la voit rester et prochainement concéder sur à peu près l'essentiel. Tout en donnant cependant l'impression d'avoir arraché une forte concession sur le rééchelonnement de sa dette. Il y a un tel capharnaüm dans tout ce qui se dit et s'écrit depuis quelques semaines qu'il y a une grande confusion en ce qui se discute actuellement et ce qui doit se discuter plus tard.

La proposition actuelle concernait une nouvelle aide financière et le bras de fer concernait surtout certaines politiques fiscales et sociales. Le Fonds monétaire international reconnaissait la semaine dernière qu'un rééchelonnement de dette devrait éventuellement être discuté ultérieurement, la Grèce étant dans une situation insoutenable.

À moins d'un contre-ordre politique, la décision de la Banque centrale européenne de ne pas augmenter son aide aux banques grecque, lundi, semble devoir sceller l'issue de l'actuelle négociation (celle qui touche le plan d'aide et dont la pierre d'achoppement réside principalement dans les politiques fiscales et sociales).

Les banques grecques sont sur le point de manquer de liquidités. Qui va avancer les fonds dont les entreprises grecques ont besoin pour fonctionner? Les créanciers étrangers? Pour les entreprises grecques qui ont des marchés internationaux, et dont les revenus sont principalement en US ou en euros, probablement. Mais pour les entreprises locales, c'est fort peu probable. Si la Grèce sort de l'euro, et ramène le drachme, la nouvelle devise dévaluera assurément fortement (40 à 50% en Islande). La facture sera salée pour beaucoup d'entreprises locales qui devront continuer de rembourser leurs créances en euros (avec une devise valant passablement moins). Tellement salée, que bien des entreprises locales ne pourront pas se refinancer, les créanciers jugeant le risque trop élevé (même si à long terme, la manœuvre pourrait être bénéfique).

Oui, mais, les créancier devront essuyer de lourdes pertes si la Grèce décide de ne pas repayer sa dette. Eux aussi feraient mieux de donner du lest, dira-t-on en appui au pari grec.

C'est probablement vrai. Mais avec quel réel impact?

La grande majorité des créances sont détenues par des États ou des organismes étatiques (Fonds européen de stabilité financière, Banque centrale européenne, FMI, etc.). En extrapolant sur les chiffres de la maison KGI China Development Financial, on peut présumer que la dette envers les États européens pèse pour environ 10% du PIB de la zone euro. C'est significatif. Même si leur force est inconnue, il y a cependant des garanties attachées à la majorité des financements et c'est un chiffre beaucoup plus faible que le 10% que perdraient les pays européens. Ces pertes feraient certes augmenter les ratios dette nette/PIB des pays, mais pas vraiment les ratios dette brute/PIB (l'argent prêté est déjà emprunté), ce qui est moins affolant pour une agence de crédit.

Au final?

Les négociations vont reprendre et quelque chose nous dit que les Grecs n'auront pas tellement le choix de signer une entente se rapprochant de beaucoup de celle qui vient de leur être offerte. On s'entendra sans doute ensuite pour convenir d'une nouvelle ronde de négos sur la restructuration de la dette grecque avec de nouvelles extensions dans le temps sur le remboursement, en utilisant l'inflation comme facilitatrice de restitution.

Cette discussion demandera du temps et, parce que ses banques saignent, du temps, c'est ce que n'a actuellement pas la Grèce.

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À propos de ce blogue

Diplômé en droit de l'Université Laval, François Pouliot est avocat et commente depuis plusieurs années l'actualité économique et financière. Il a été chroniqueur au Journal Le Soleil, a collaboré au Globe and Mail et dirigé les sections économiques des différentes unités de Quebecor Media, notamment la chaîne Argent. Au cours de sa carrière, il a aussi fait du journalisme d'enquête ce qui lui a valu quelques distinctions, dont le prix Judith Jasmin. La Bourse Southam lui a notamment permis de parfaire son savoir économique à l'Université de Toronto. François a de même été administrateur de quelques organismes et fondation. Il est un mordu des marchés financiers et nous livre son analyse et son point de vue sur diverses sociétés cotées en bourse. Québec inc. sera particulièrement dans sa mire.

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