Faut-il suivre la génération Y dans le multilogement ?


Édition du 21 Mai 2016

Faut-il suivre la génération Y dans le multilogement ?


Édition du 21 Mai 2016

[Photo : Shutterstock]

La tendance est forte aux États-Unis, et elle semble avoir traversé la frontière canadienne dans les marchés les plus onéreux. Devant la hausse des prix de l'immobilier, de plus en plus de jeunes de la génération Y étirent leur séjour en appartement ou décident d'en faire leur demeure permanente. Devrait-on investir dans les immeubles à logement ?

L'idée de jeter un coup d'oeil sur le secteur nous est venue à la suite de l'intéressant reportage du collègue Stéphane Rolland sur l'investissement dans les plex, publié dans notre numéro du 14 mai. Un placement qui dépend en définitive de l'emplacement et du prix demandé, peut-on en quelque sorte conclure.

Qu'en est-il des plus importants acteurs, ces fiducies de revenus qui possèdent plusieurs immeubles d'appartements ?

D'abord quelques considérations intéressantes sur le secteur, relevées par l'analyste Brad Sturges, de Valeurs mobilières Industrielle Alliance, qui vient d'amorcer le suivi.

La rentabilité de ce secteur est moins exposée aux cycles économiques que celle du créneau commercial. Le nombre de locataires est plus diversifié, et la perte de quelques-uns fait généralement moins mal que celle de locataires commerciaux.

Les baux sont d'ordinaire d'un an, ce qui fait que, dans les juridictions où il n'y a pas de contrôle des loyers, les locateurs ont plus d'occasions de hausser les loyers.

Point le plus intéressant, le secteur est actuellement sous l'effet d'un changement de comportement social. La génération Y (généralement définie comme les 18 à 34 ans) ne semble plus définir le rêve américain de la même façon que les générations qui l'ont précédée.

Celui-ci était de rapidement posséder une maison et d'y élever sa famille. La famille est peut-être toujours aussi importante, mais l'accès à la propriété l'est moins. Les prix plus élevés de l'immobilier rendent cet accès plus difficile, et plus de jeunes optent maintenant pour la location de logement.

M. Sturges souligne qu'en 1970 un citoyen américain louait un appartement pendant 2,6 années avant de s'acheter une maison. Cette moyenne est aujourd'hui de 6 ans. Résultat, le taux de propriété aux États-Unis est passé de plus de 69 %, en 2005, à moins de 64 %.

Le phénomène agit comme catalyseur pour le secteur du logement locatif, tandis qu'en parallèle l'économie semble vouloir reprendre aux États-Unis, et devrait normalement suivre la même tendance au Canada.

Tout n'est cependant pas rose. Qui dit embellie dit aussi augmentation de l'offre. Les promoteurs ne sont pas inactifs. Ce qui fait qu'aux États-Unis, par exemple, CBRE Group prévoit que le taux d'inoccupation des logements devrait finalement grimper de 4,3 %, en 2015, à 5 % en 2016, et à 5,6 %, en 2017. Cette hausse de l'offre devrait permettre une augmentation moyenne de loyer de 2,4 % pour l'année en cours et de 2 % pour la suivante. Ce n'est pas en soi une poussée extraordinaire sur les bénéfices.

Que faire alors ? Ne pas s'intéresser au secteur ?

Plutôt jouer les régions les plus avantageuses, suggère Valeurs mobilières Industrielle Alliance. L'offre et la demande n'augmenteront pas également partout. Et il peut parfois y avoir d'intéressants dividendes à récolter.

Deux titres qui sont aimés

La maison a notamment une forte recommandation d'achat sur Pure Multi-Family REIT LP (RUF.UN, 7,37 $).

La société fait son pain et son beurre aux États-Unis, surtout au Texas. Elle possède 16 complexes qui comptent 5 197 unités. Le dividende est particulièrement intéressant. Il offre un rendement de 6,8 % qui, combiné avec une cible un an à 6,25 $, donne un rendement potentiel de près de 20 %. L'industrie pétrolière ralentit au Texas, mais apparemment l'économie n'en subit pas trop les contrecoups, et les flux migratoires continuent de favoriser l'État.

Killam Apartment REIT (KMP.UN, 12,07 $) est une autre société recommandée. Elle est surtout présente dans les provinces atlantiques et en Ontario. Killam est en fait le plus important acteur des provinces atlantiques. L'économie de la région devrait bénéficier d'un certain stimulus dans les prochains mois et d'une croissance de sa population à la faveur de quelques grands projets (dont un contrat de 25 G$ pour la construction de navires de combat au chantier maritime Irving d'Halifax). À près de 5 %, le rendement de dividende est attrayant, et la cible à 13,25 $ offre un levier supplémentaire de près de 10 %.

Un important bémol

Avant que tous ne se lancent aux trousses des immeubles locatifs, histoire d'à tout le moins obtenir un bon revenu de dividende, signalons un important bémol : le risque des taux d'intérêt.

Le secteur immobilier utilise un ratio simple pour comparer rapidement la valeur des actifs : le taux de capitalisation (bénéfice net/valeur de l'immeuble ou de la société). Ce taux de rendement recherché a été ces dernières années corrélé au rendement des obligations du gouvernement du Canada 10 ans. En 1992, le taux de capitalisation moyen de l'immobilier multi-logement était d'environ 10 %, tandis que le taux des obligations du Canada étaient légèrement sous les 8 %. Le taux des obligations 10 ans est aujourd'hui de 1,5 %, tandis que le taux moyen de capitalisation avoisine les 5 %.

L'écart entre les deux taux varie donc de 270 à 350 points de base. Si les taux d'intérêt remontent significativement, le taux de capitalisation exigé par le marché grimpera lui aussi. Pour ce faire, l'action devra reculer.

Dans l'éventualité où les bénéfices resteraient les mêmes et où le taux de capitalisation devrait s'ajuster de 100 points de base (1 %), l'action devrait reculer de 17 %.

C'est un risque dont la matérialisation peut être assez éloignée - et donner le temps aux bénéfices et à l'action de progresser au fil du temps - tout comme elle peut être plus rapprochée qu'il n'y paraît.

À chacun de choisir où il élit domicile.

À propos de ce blogue

Diplômé en droit de l'Université Laval, François Pouliot est avocat et commente depuis plusieurs années l'actualité économique et financière. Il a été chroniqueur au Journal Le Soleil, a collaboré au Globe and Mail et dirigé les sections économiques des différentes unités de Quebecor Media, notamment la chaîne Argent. Au cours de sa carrière, il a aussi fait du journalisme d'enquête ce qui lui a valu quelques distinctions, dont le prix Judith Jasmin. La Bourse Southam lui a notamment permis de parfaire son savoir économique à l'Université de Toronto. François a de même été administrateur de quelques organismes et fondation. Il est un mordu des marchés financiers et nous livre son analyse et son point de vue sur diverses sociétés cotées en bourse. Québec inc. sera particulièrement dans sa mire.

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