Combien vaudra le titre de Bombardier en 2020?

Offert par Les Affaires


Édition du 05 Décembre 2015

Combien vaudra le titre de Bombardier en 2020?

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Édition du 05 Décembre 2015

Photo: Shutterstock

À quoi pourrait bien ressembler le cours de l'action de Bombardier(Tor., BBD.B) dans cinq ans?

La question nous est venue à l'esprit au lendemain de la tenue, à New York, de la journée des investisseurs de la société.

La direction en a profité pour dévoiler ses objectifs de revenus et de rentabilité pour chacune des divisions sur l'horizon 2020. Il y a un important défi d'exécution et, dans certains marchés, une forte incertitude. Voici une discussion sur chacune des divisions, avec leur rendement potentiel pour les actionnaires, la Caisse de dépôt et le gouvernement du Québec.

La division des pièces et de l'ingénierie

C'est la plus petite division. Elle comprend le service des ventes de pièces pour l'entretien des avions achetés par les sociétés aériennes. La direction entend réduire les coûts et croit que les volumes augmenteront, notamment en raison de la croissance des ventes de jets privés et commerciaux. Le but est de faire croître les revenus de 8 % par année (sur 2015) et de faire passer la marge bénéficiaire avant intérêts et impôts (BAII) de 6,5 % à 9-11 % en 2020.

En postulant un multiple aligné sur celui des sociétés comparables, Marchés mondiaux CIBC accorde une valeur de 3,2 G$ US à la division. Canaccord le situe plutôt à 2,1 G$ US, évaluant que le marché n'accordera pas des multiples aussi élevés que ceux des pairs. En faisant preuve de prudence, retenons l'évaluation la plus faible.

La division avions d'affaires

Tout un défi ici. Les revenus devraient être en baisse de 18 % en 2016, avec la réduction de la production des Global 5000 et 6000. L'intention reste cependant de les faire croître de 5,8 % annuellement sur cinq ans (en incluant la baisse de 2016). La marge bénéficiaire (BAII) doit passer de 4,9 % à 8-10 %. L'entrée en service du Global 7000-8000 sera le principal catalyseur de l'amélioration des ventes et des marges.

En postulant l'atteinte des objectifs, et en appliquant des multiples d'industrie, les évaluations de Canaccord et de CIBC sont à 9-10 G$ US . Retenons 9,5 G$ US.

La division transport

Petit train va loin, dit-on. L'objectif de croissance des revenus est de 2,9 % annuellement. C'est surtout grâce à la terminaison de contrats à faible rentabilité et à l'arrivée de nouveaux produits que l'amélioration de situation devrait porter ses fruits. Les marges doivent se redresser de 5,4 %, le pourcentage actuel, à plus de 8 %.

En tenant compte de la participation de 30 % de la Caisse, CIBC est d'avis que, si les multiples des concurrents sont appliqués, la participation de 70 % aura une valeur de 7 G$ US. Canaccord l'estime à 5,3 G$ US, jugeant que les multiples appliqués seront plus faibles. Retenons une valeur 6 G$ US. Et notons au passage l'intéressant rendement potentiel que réalisera la Caisse sur son placement, si sa participation n'est pas rachetée en 2018. C'est plus de 70 % de rendement sur cinq ans. Annualisé, c'est un rendement de 11,2 % par an, alors que son rendement garanti est de 9,5 %.

La division aéronautique commerciale

Celle des jets régionaux et du CSeries, assurément la plus complexe à analyser.

Bombardier entrevoit une croissance des ventes de 16,4 % par année sur cinq ans, grâce à l'introduction du CSeries. C'est plus compliqué au chapitre des marges. Elle voit celles-ci passer de - 5,6 % à «un niveau positif». Sans plus de détails. Quelle valeur accorder dans cette situation ?

CIBC voit le CSeries à l'équilibre financier et un bénéfice (BAII) de 55 M$ US (essentiellement généré par les jets régionaux). En appliquant le multiple moyen des pairs, elle en arrive à une valeur de 572 M$ US.

Ce n'est pas une très bonne nouvelle pour l'investissement du gouvernement du Québec. Sa valeur ne serait pas à zéro, les brevets du CSeries ayant un prix certain. L'investissement serait cependant, à ce moment, sous sa valeur initiale (1 G$ US).

Canaccord n'est pas en désaccord et prévoit une marge de 1,6 % pour la division (par rapport à 1 % pour CIBC). Cependant, la maison croit que le marché pourrait à ce moment commencer à envisager le plein potentiel du bénéfice futur du CSeries et en tenir compte dans son évaluation. Elle inscrit une valeur de 3,8 G$ US en postulant une marge de 6 %. Une très bonne nouvelle pour le gouvernement du Québec, qui triplerait alors sa mise dans le CSeries.

Canaccord nuance sa prévision, alors que la valeur de Bombardier tombe à 1,9 G$ US si le fédéral entre au capital pour 1 G$ de plus.

Quelle valeur accorder, donc ?

On n'est pas en désaccord avec Canaccord, mais son scénario de marge à 6 % est trop optimiste. Optons pour une valeur de 1 G$ US.

Et le résultat donne...

Soustrayons la dette, convertissons en dollars canadiens : 6,50 $ CA l'action.

On n'en ferait surtout pas une cible. Il ne s'agit que du prix envisageable si Bombardier atteint ses ambitieuses visées, avec un parcours quasi sans faute. Ces dernières années, les objectifs de performance de l'entreprise ont été ratés nettement plus souvent qu'ils n'ont été atteints. Le marché du CSeries est très incertain, et rien ne garantit la réussite du projet. Le niveau de dette de Bombardier en 2020 pourrait aussi être significativement plus élevé que celui anticipé.

Espoir pour ceux qui sont dans le titre ; prudence pour ceux qui n'y sont pas.

Sur le radar

Bombardier (BBD.B, 1,29 $)

Le titre sur un an

Les recommandations des analystes qui suivent le titre de Bombardier

12 Conserver

1 Acheter

3 Surperformance

3 Sous-performance

Cours cible : 1,60 $

Source : Bloomberg

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À propos de ce blogue

Diplômé en droit de l'Université Laval, François Pouliot est avocat et commente depuis plusieurs années l'actualité économique et financière. Il a été chroniqueur au Journal Le Soleil, a collaboré au Globe and Mail et dirigé les sections économiques des différentes unités de Quebecor Media, notamment la chaîne Argent. Au cours de sa carrière, il a aussi fait du journalisme d'enquête ce qui lui a valu quelques distinctions, dont le prix Judith Jasmin. La Bourse Southam lui a notamment permis de parfaire son savoir économique à l'Université de Toronto. François a de même été administrateur de quelques organismes et fondation. Il est un mordu des marchés financiers et nous livre son analyse et son point de vue sur diverses sociétés cotées en bourse. Québec inc. sera particulièrement dans sa mire.

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