Cogeco Câble: pourquoi Louis Audet pourrait confondre les sceptiques

Publié le 19/07/2012 à 09:31, mis à jour le 19/07/2012 à 09:31

Cogeco Câble: pourquoi Louis Audet pourrait confondre les sceptiques

Publié le 19/07/2012 à 09:31, mis à jour le 19/07/2012 à 09:31

[Photo : Benjamin Nantel]

BLOGUE. On pouvait très bien sentir le doute, mercredi matin, lors de la conférence téléphonique de Cogeco Câble sur son incursion de 1,36 G$ US aux États-Unis. Comme à l'époque du Portugal, une majorité d'analystes sont sceptiques. À peine sorti de l'aventure Cabovisao, où il s'est cassé les dents, Louis Audet peut-il cette fois les confondre?

Le titre de Cogeco Câble a fait une importante marche arrière en journée, perdant 15% sur la veille.

L'annonce de l'acquisition d'Atlantic Broadband est une assez grosse déception pour ceux qui depuis des mois (pour ne pas dire des années) convoitent une prime d'OPA et souhaitent que la famille Audet mettent l'entreprise en vente.

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Avec l'acquisition du quatorzième câblodistributeur de l'Oncle Sam, monsieur Audet signale cette fois non plus en parole, mais en geste qu'il n'a pas l'intention de vendre. L'entreprise veut même faire d'Atlantic Broadband une rampe de lancement pour une expansion plus importante aux États-Unis.

Il s'en trouvera pour dire que Louis Audet n'apprend pas de ses erreurs et qu'il refait la même qui lui a valu une solide dégelée financière lors de l'aventure avec Cabovisao, au Portugal (achetée 660 M$ en 2006 et vendue 60 M$ en février). On n'irait pas si vite en affaires. Et, au risque d'aller à contre-courant, quelque chose nous dit qu'il pourrait surprendre.

Son plan de création de richesse apparaît reposer principalement sur deux axes.

- Le réseau d'Atlantic est à un bon niveau technologique, mais le taux d'adhésion à plusieurs des services est sous la moyenne américaine. Ainsi, 19% des abonnés utilisent la télé numérique, alors que la moyenne nationale est à 36%; 30% sont sur l'Internet haute vitesse alors que la moyenne est à 38%; 14% sont abonnés au téléphone alors que la moyenne est à 19%. Atlantic est réputée être passée sur le tard à la technologie numérique.

- Avec une croissance annuelle composée de 27% des revenus chez les PME entre 2009 et 2011, et une part de marché de moins de 10%, l'entreprise voit aussi ce marché comme un grand champ où sa moissonneuse est plus performante que les autres et où elle n'a pas fini de récolter.

La différence avec le Portugal

L'argumentaire ressemble à celui de l'époque de Cabovisao. Et il est intéressant de retourner en arrière pour mieux comprendre l'acquisition d'aujourd'hui.

En 2006, Cogeco avait insisté sur le fait que plus de la moitié des ménages portugais n'avait pas encore d'ordinateur au foyer, ni n'étaient câblés. La pénétration de la société portugaise était sous les 30% alors que celle de Cogeco était à plus de 45%.

Comme aujourd'hui, les analystes avaient douté. Principalement en raison de Portugal Telecom, une société d'État de plusieurs fois la taille de Cabovisao, qui allait solidement guerroyer. Dans les jours suivants, le titre avait reculé de 20%.

Deux ans plus tard, Louis Audet gagnait pourtant son pari: le BAIIA (bénéfice avant intérêts, impôt et amortissement) de Cabovisao était passé de 30 à 60 M$. Et en cours de route, tous avaient été forcés de lever leur chapeau.

Le gouvernement portugais allait cependant décider de privatiser le réseau de câble de Portugal Telecom en créant la société Zon. Chacune de ces deux sociétés se mit ensuite à jouer dans le marché de l'autre (le câble dans la téléphonie, la téléphonie dans le câble) et une guerre de prix éclata. Ce fut le début de la fin pour Cabovisao qui fut prise entre les deux.

La différence cette fois?

Atlantic Broadband est dans cinq États différents où il ne semble pas y avoir de concurrents dominants. Le marché est apparemment encore assez fragmenté et les villes où la société est implantée sont généralement trop petites pour que les géants comme Verizon y aient implanté le "fiber-to-the-node", cette fibre optique qui va jusqu'à la maison et qui aurait pu faire une différence au combat.

Au Portugal, Louis Audet avait vu assez juste, mais il s'était retrouvé avec un changement politique qui était venu radicalement modifier les plans dans l'ensemble de son marché. Cette fois, le risque apparaît géographiquement mieux réparti. Une guerre de prix dans un État ne se répandra pas automatiquement dans l'autre.

Peut-il cette fois réussir son pari?

À propos de ce blogue

Diplômé en droit de l'Université Laval, François Pouliot est avocat et commente depuis plusieurs années l'actualité économique et financière. Il a été chroniqueur au Journal Le Soleil, a collaboré au Globe and Mail et dirigé les sections économiques des différentes unités de Quebecor Media, notamment la chaîne Argent. Au cours de sa carrière, il a aussi fait du journalisme d'enquête ce qui lui a valu quelques distinctions, dont le prix Judith Jasmin. La Bourse Southam lui a notamment permis de parfaire son savoir économique à l'Université de Toronto. François a de même été administrateur de quelques organismes et fondation. Il est un mordu des marchés financiers et nous livre son analyse et son point de vue sur diverses sociétés cotées en bourse. Québec inc. sera particulièrement dans sa mire.

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